Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Les sujets du café philo d’Annemasse › Quelle métaphysique pour le corps ? Merleau-Ponty. Sujet du 15.09.2014
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9 septembre 2014 à 20h30 #5088Quelle relation à autrui me conduit la métaphysique du corps ?
« L’homme ne montre pas ordinairement son corps, et, quand il le fait, c’est tantôt avec crainte, tantôt dans l’intention de fasciner. Il lui semble que le regard étranger qui parcourt son corps le dérobe à lui-même ou qu’au contraire l’exposition de son corps va lui livrer autrui sans défense, et c’est alors autrui qui sera réduit à l’esclavage. La pudeur et l’impudeur prennent donc place dans cette dialectique du moi et d’autrui qui est celle du maître et de l’esclave : en tant que j’ai un corps, je peux être réduit en objet sous le regard d’autrui et ne plus compter pour lui comme personne, ou bien, au contraire, je peux devenir son maître et le regarder à mon tour, mais cette maîtrise est une impasse, puisque, au moment où ma valeur est reconnue par le désir d’autrui, autrui n’est plus la personne par qui je souhaitais d’être reconnu, c’est un être fasciné, sans liberté, et qui à ce titre ne compte plus pour moi.
Dire que j’ai un corps est donc une manière de dire que je peux être vu comme un objet et que je cherche à être vu comme sujet, qu’autrui peut être mon maître ou mon esclave, de sorte que la pudeur ou l’impudeur expriment la dialectique de la pluralité des consciences et qu’elles ont bien une signification métaphysique.
On en dirait autant du désir sexuel : s’il éprouve comme une marque d’hostilité une attitude trop naturelle ou des propos trop détachés de la part de l’être désiré, c’est qu’il veut fasciner, et que l’être désiré, s’il est trop libre d’esprit, échappe à la fascination. Ce qu’on cherche à posséder, ce n’est donc pas un corps, mais un corps animé par une conscience. L’importance attachée au corps, les contradictions de l’amour se relient donc à un drame plus général qui tient à la structure métaphysique de mon corps, à la fois objet pour autrui et sujet pour moi. »MERLEAU-PONTY
Phénoménologie de la Perception
Gallimard éd., coll. Tel
I, V : Le corps sexué, pp. 194-19Merci à philia.online.fr pour avoir mis ce texte à disposition des internautes
Procédure pour le débat :
– Lecture en commun du texte
– Récolte des questions
– Organisation en un plan des questions retenues pour construire notre débat.
– Débat16 septembre 2014 à 20h18 #5089En attendant la restitution de quelques problématiques évoquées lors de notre débat, voici une brève explication de texte sur laquelle nous nous sommes entendus, et les questions qui ont été suggérées :
Une explication informelle du texteParagraphe 1 :
– Quand on montre son corps, c’est pour fasciner autrui, ou c’est avec le sentiment d’une crainte.
– Par exemple, quand autrui me regarde, j’ai le sentiment qu’il va prendre possession de moi (il me dévisage, me juge… – mon corps se dérobe sous le regard d’autrui). Et inversement : si je réduis l’autre à mes désirs, il devient un objet.
On constate ainsi que :
– La pudeur et l’impudeur, le moi et autrui, le maître et l’esclave s’opposent mais établissent une relation indissociable où chacun y trouve son intérêt (une dialectique se construit). Mais, que je sois « maître » ou « esclave », « désirant » ou désiré » je suis pris dans une impasse :
Si l’autre devient un objet, il devient méprisable et perd tout intérêt pour moi. Et inversement, si je suis réduit à l’état d’objet, je perds mon statut de personne pour autrui.Paragraphe 2
– La métaphysique du corps se joue en ce sens où il nous oblige à nous positionner comme « maître » ou « esclave » de l’autre, comme désirant ou désiré de l’autre, comme admirant ou admiré de l’autre, etc… (la métaphysique du corps = ce qui est au-dessus du corps = la façon dont mon corps m’oblige à le penser, m’oblige à me situer dans mon rapport à l’autre.)
– Même chose pour la sexualité, si l’être désiré exprime trop de liberté (trop détaché, trop naturel, trop à l’aise) c’est qu’il veut me fasciner ». Mais, par ailleurs, s’il est trop libre, je ne pourrais le fasciner.
Conclusion
Par le corps, c’est notre « conscience », notre « moi » qui est travaillé, tiraillé, ce n’est jamais le corps lui-même comme un objet détaché de ma conscience. Notre conscience habite un corps qui tend à se comporter comme objet, mais cette même conscience, « notre Moi » nous incarne comme « sujet ».Questions posées pour le débat :– Est-ce que mon corps m’appartient ? Ne dois-je pas le rendre ? (sous-entendu à qui, à quoi ?)
– Est-ce que la conscience ne se construit pas par les corps et par les expériences ?
– Quel est le rôle du corps dans la philosophie (comment la philosophie pense-t-elle le corps ?)
– Le corps a-t-il une intelligence en propre, laquelle serait différente de l’intelligence du « je » et du « Moi » ?
– Qu’en est-il de la relation entre l’intelligence du corps, et celle du « Moi » ?
– Qu’est-ce que mon corps dit de « moi » ? -
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