Cafephilos Forums Les cafés philo Les sujets du café philo d’Annemasse Qu’est-ce qu’une vie bonne ? Luc Ferry et Tetsuro Watsuji. Sujet du 21.07.2014 + restitution résumée du débat + 2 cartes mentales

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  • #5048
    René
    Maître des clés
      Qu’est-ce qu’une vie bonne ?

      En 6 points, Luc Ferry explique dans cette conférence ci-dessous que la vie bonne (réussie, heureuse, ou qui a du sens, ou pour laquelle on se sacrifie) se réfère :
      1) Initialement à des « dieux et des religions» (antiquité-obscurantisme),
      2) puis à des nations et des révolutions (jusqu’à Marx),
      3) puis à des œuvres humanistes (ce que l’on apporte à l’humanité – Erasme, Pasteur,… ),
      4) puis à l’intensité d’être (Depuis Nietzsche),
      5) puis à l’amour de ses proches (depuis la révolution industrielle),
      6) aujourd’hui et demain, à l’héritage que nous laisserions aux générations futures.

      Pour alimenter un contrepoint.
      De son côté, le philosophe japonais Tetsuro Watsuji (1889 – 1960), montre que l’humain est, indissociablement, à la fois individuel et social (par opposition à l’être-là (Dasein) heideggérien qui n’est en somme qu’un être individuel.

      Ce point de vue est cristallisé par le concept révolutionnaire de fûdosei (médiance), que Watsuji définit comme « le moment structurel de l’existence humaine » – « moment » étant ici entendu comme le couplage dynamique des deux versants de l’être humain, l’un qui est individuel, et l’autre collectif : le milieu (fûdo), ce tissu relationnel qui nous lie nécessairement à nos semblables et aux choses qui nous entourent.

      Sur ces bases, Watsuji montre que l’humain est un « être-vers-la-vie » (sei e no sonzai), et non pas seulement un « être-vers-la-mort » (Sein zum Tode) comme le Dasein heideggérien.
      Merci au blog Mésologiques (Etude des milieux) pour cette référence

      Lien vers la conférence de Luc Ferry : qu’est-ce qu’une vie réussie ?

      Et vous, quel contrepoint voulez-vous apporter ?
      C’est super les cafés philo, chacun peut amener ses contrepoints en vue d’enrichir l’échange, et mettre ainsi en lumière des points de vue inédits ou restés cachés….

      #5067
      René
      Maître des clés
        Restitution résumée de quelques problématiques soulevées lors de notre débat

        Un vie bonne, hier et d’aujourd’hui
        – Si l’on se réfère à Luc Ferry parlant de « la vie bonne », on constate qu’il s’appuie sur le mythe d’Ulysse retrouvant Pénélope pour justifier qu’aujourd’hui, une vie bonne serait une vie où l’on prendrait soin des siens. Son argumentation me paraît bancale : le mythe se réfère à l’imaginaire d’une époque qui n’a rien de comparable avec celle d’aujourd’hui et, par ailleurs, le retour chez soi ou vers les siens est souvent motivé par un besoin de protection, ou la nostalgie du pays natal; rien ne dit que ce retour ait valeur de réponse «universelle» aux paradoxes auxquels notre monde moderne est confronté.
        – Moi, ce qui me gêne dans cette conférence, c’est qu’elle porte le titre : Qu’est-ce qu’une vie réussie ? Or Luc Ferry parle d’une vie bonne, on comprend par la suite qu’il s’agit plutôt d’une vie qui ait du sens. Finalement, il s’agit d’une vie au service d’une cause pour laquelle on serait capable de se sacrifier. Je trouve cet exercice, où l’on se joue de la sémantique en passant d’un registre de valeur à l’autre, assez discutable.
        Modérateur : Ok. Par quoi commençons-nous ?

        Quelques interventions autour de l’idée d’une vie réussie
        – Généralement, on s’entend sur le fait que la réussite de sa vie est fonction de son champ de références, par exemple, cela peut être le cadre de valeurs qui prévaut dans son pays, sa religion, etc. Mais aujourd’hui, avec Youtube et Facebook, le champ de références s’étend à ce qui a cours dans le monde entier. Cela pose au moins deux problèmes : on ne vaut plus grand-chose lorsqu’on se compare aux meilleurs sur une échelle de niveau mondial, et par ailleurs, on observe une tendance où chacun trouve dans la diversité du monde des références qui lui conviennent. Autrement dit, le relativisme est généralisé : tout se vaut, et rien n’a de valeur, ce que dénonçait le philosophe Karl Popper (1902 – 1984).
        – Sur un autre plan, les gens qui apparemment réussissent ont parfois une vie privée (familiale, affective) catastrophique, malheureuse. Comme si la réussite se payait à coup de sacrifices, si ce n’est de contradictions.
        Modérateur : Pour l’instant, faut-il retenir que la réussite est fonction d’un objectif atteint dans un cadre de valeurs données, et que son coût, le sacrifice, s’évalue après coup ?

        Une vie bonne est-ce une vie réussie ?

        – L’idée d’une vie bonne se distingue d’une vie qui est agréable, plaisante, douce. Elle se distingue aussi d’une vie où le plaisir règne en maître, et ce n’est pas nécessairement une vie socialement couronnée de succès, ce qui pourrait la rapprocher d’une aliénation.
        – L’abbé Pierre aurait eu une vie bonne, moralement parlant, mais fut-elle réussie au regard des critères sensés définir le bonheur ?
        – Hitler aurait eu une vie réussie et très excitante (jusqu’à son suicide), mais elle ne fut finalement bonne ni pour lui, ni pour son pays, ni pour l’humanité.
        – Il y a une rupture entre une vie bonne pour soi, et une vie réussie à l’aune des valeurs et de l’approbation d’autrui, ce second type de vie bonne peut vite devenir aliénant.
        – On peut réussir socialement sans que cette réussite ait aucun sens profond. Les sacrifices consentis vous paraissent absurdes, et vous avez le sentiment d’avoir tout sacrifié pour vous retrouver au sommet d’une pyramide d’illusions.
        – Finalement, une vie bonne, c’est une vie où on exerce sa raison pour penser nos désirs, nos buts, notre conception du bien. Une vie bonne, c’est une vie « définie en conscience », c’est finalement une vie « philosophique » (rires).

        Réussir sa vie, ontologiquement parlant

        – Réussir sa vie relève du projet qu’on s’assigne (devenir ingénieur, chanteur, voyageur…). On peut échouer, certes, mais dans quelle mesure peut-on dire que l’on a raté sa vie ?
        – Ben si je suis complètement investi dans un projet, et que je le manque, je peux estimer que ma vie, au moment de l’échec, est ratée.
        – A mon avis, dire qu’on a raté sa vie, c’est imaginer une autre vie dans laquelle les choses se seraient bien passées. Mais d’où tirons-nous cette idée selon laquelle nous aurions eu d’autres capacités, d’autres potentialités ? Nos échecs et réussites dépendent-ils de causes extérieures, ou sont-ils fonction de notre capacité à nous adapter et à apprendre de nos échecs ?
        – Pour ma part, je pense qu’une vie réussie est une vie où l’on apprend à mettre en œuvre ses talents.

        Une vie bonne est-ce une vie soumise à la morale sociale ?
        – A partir du moment où on se demande : qu’est-ce qu’une vie bonne ? C’est qu’on ne le sait pas. Et si on ne le sait pas, c’est qu’on ignore à partir de quoi la définir. Dès lors, à tâtons, on formule à voix haute nos idées pour en noter l’effet sur les autres. Et, jugeant de la réaction d’autrui, on estime ce qui est bon ou pas. Finalement, ce qui est bon, c’est ce qui plaît à autrui, à sa morale.
        – « Nul homme n’est une ile » rappelle le poète John Donne (XVIème), une vie bonne est nécessairement liée à autrui, à un contexte social, et donc à une morale, mais ce rapport à l’autre se résume-t-il systématiquement à une conformité, à une attitude de soumission à la volonté sociale ?
        – Si je gouverne ma vie selon une éthique, elle ne peut pas être bonne seulement pour moi, autrui doit pouvoir y trouver son compte. Au minimum, il y a un principe d’égalité qui s’impose, et non pas un rapport de soumission ou de servitude.
        – En PNL, il y a le concept « d’assertivité », c’est l’idée que tu réponds à ton environnement social, tu agis sur lui, plutôt que tu te laisses influencer par lui.

        Une vie bonne est-elle le contraire d’une vie mauvaise ?
        – Dans son livre « La mauvaise vie », Frédéric Mitterrand évoque la partie mauvaise de sa vie, un penchant contre lequel il a dû lutter en permanence : son attirance pour les jeunes garçons.
        – Clément Rosset rapporte qu’il a vécu comme s’il avait un autre moi, un « moi » meilleur que celui qui s’exprimait dans l’instant, il pensait que cet autre « moi » avait le potentiel de réussir une meilleure vie que celle du moment. Puis, il a réalisé qu’il s’était trompé, il n’y a qu’un seul moi : celui du présent et celui qui est projeté, les deux sont une seule et même instance.
        – Nous sommes relativement éloignés des strates les plus profondes qui sont en nous et, effectivement, elles peuvent constituer un double, un ailleurs meilleur, l’illusion d’un autre «moi».
        – Désirer une autre vie que la sienne, est-ce le signe d’une tromperie à l’égard de soi ?
        – Cela peut-il être une façon de croire ou d’espérer ?
        – Ce qu’on rate maintenant, on le rate tout le temps.

        Sommes-nous libres de choisir une vie «bonne» ?
        – Je suis fataliste, tout ce qu’on va faire est déjà prédéterminé par les goûts et les couleurs transmises par mon éducation ou par ma culture.
        – La liberté ne peut se démontrer dans l’absolu, mais on peut en préciser certains contours en distinguant deux déterminismes :
        – 1) Le déterminisme « physicaliste », rien ne surgit ex nihilo, tout a une cause, ce sont les lois qui gouvernent la physique,
        – 2) et les déterminismes sociologiques et psychologiques. Ils déterminent nos penchants, et prédisposent à des tendances lourdes, on peut cependant en moduler les inflexions.
        – A mon avis, quand on commence à se rendre compte de son propre esclavage, on commence à s’en libérer.
        – Peut-on désirer une vie bonne si l’on a connu que le malheur ?

        Le déterminisme

        – Il y a la métaphore d’un neurobiologiste qui compare le cerveau et nos habitudes de vie (de pensées) à un courant dans lequel nous serions pris. On peut nager et s’orienter vers l’une ou l’autre une rive, par contre, il est vain de vouloir remonter le courant.
        – Nous héritons de l’enfance le fait d’imiter les personnes de notre environnement, et donc le fait de nous comparer à elles et de nous construire en intégrant des modèles. Mais se comparer indéfiniment, c’est se perdre, c’est s’interdire de créer.
        – En allant fouiller dans les sous-sols de ce qui nous détermine, nous pouvons prendre des tangentes, et accéder à plus de maturité. Je crois qu’une vie bonne est une vie où le désir se déplace en permanence, au fur et à mesure que s’affermit notre maturité.
        – Sans liberté d’évoluer, de changer, il n’y a plus de perspective. Être libre signifie qu’on peut réfléchir à nos actes et aux choix à partir desquels on peut construire une nouvelle vie.


        En vrac B)

        – Mandela a-t-il eu une vie bonne ?

        – Le bonheur des gens est toujours suspendu à la promesse d’un avenir meilleur, alors que tout commence dans un immédiat, ici et maintenant.

        – Aucun animal n’aurait de vie bonne, si la morale était une condition de vie bonne.

        – A la différence des animaux, nous sommes obligés de nous donner des Constitutions pour régir notre vie en société. Les animaux, quant à eux, sont régis par leur instinct.

        – Une vie d’antilope réussie, c’est d’échapper aux lions. Une vie de lion réussie, c’est d’attraper beaucoup d’antilopes.

        Ps : Le modérateur intervient peu, il joue simplement un rôle de régulateur.

        #5070
        René
        Maître des clés
          Carte mentale n°1 / 2 : Qu’est-ce qu’une vie bonne ?

          Si la carte n’est pas nette, cliquer sur le lien dans « Fichier attaché » ci-dessous, merci de votre compréhension

          CartementaleQuest-cequuneviebonne1.pdf

          Quest-cequuneviebonne.png

          #5073
          René
          Maître des clés
            Carte mentale n° 2 / 2 : Qu’est-ce qu’une vie bonne ?

            Si la carte n’est pas nette, merci de cliquer sur le lien dans « Fichier attaché » ci-dessous.

            CartementaleQuest-cequuneviebonne2.pdf

            Quest-cequuneviebonne2.png

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