Cafephilos Forums Les cafés philo Les sujets du café philo d’Annemasse Sujet ce lundi 02.10.2023 + Compte rendu La société du spectacle. Guy Debord.

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  • #6861
    René
    Maître des clés
      Rencontres philo pour le monde d’aujourd’hui, tous les lundis à 19h00
      à la Taverne, place de l’Hôtel de Ville. 74100 ANNEMASSE

      Ce lundi 02/10/2023, le sujet sera choisi parmi les questions proposées par les participants

      Par un vote ou un échange ouvert, on retient la question qui semble motiver l’attention des participants présents.
      – On cherche à dégager les enjeux de la question : en quoi il y a problème (sur un plan existentiel, relationnel, social, politique) et on interroge les dimensions de vérité et d’éthique que nos propositions soulèvent. C’est là où on commence à philosopher vraiment.
      – De fait, nous faisons philosophie par une capacité à mener une enquête, et par celle à questionner les raisons et les références par lesquelles on pense. (Quelques éléments d’explications sur la philo dans les cafés philo, ici)

      – Nous avons remarqué que, lorsque des participants s’impliquaient dans les questions qu’ils posaient et, parfois, lorsqu’ils avaient sous le coude, une citation, un témoignage de ce qui les avait interpelés dans la semaine, ou une question à laquelle ils pensaient déjà, que ce contexte facilitait parfois la prise de décision du sujet retenu.
      – Apprendre à réfléchir ensemble pour dégager un problème et formuler une question s’inscrit dans une démarche première en philosophie.
      – La formule traditionnelle des cafés philo où un participant souhaite préparer une question avec quelques ressources est toujours ouverte, il suffit de l’inscrire dans l’agenda et de l’introduire en une poignée de minutes le jour venu.
      ———————————–
      Le compte rendu du sujet de la semaine passée est posté ici (cliquer) : S’indigner, fuir ou se révolter, avons-nous le choix ? Question suggérée par deux citations, celle de Kropotkine et de Laborit :

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      Règles de base du groupe
      – La parole est donnée dans l’ordre des demandes, avec une priorité à ceux qui s’expriment le moins.
      – Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.

      Pour limiter les effets de dispersion dans le débat
      – On s’efforce de relier son intervention à la question de départ, de mettre en lien ce que l’on dit avec ce qui a été dit.
      – Pour favoriser une circulation de la parole, de sorte à co-construire le débat avec les autres participants, on reste concis.
      – On s’attache davantage à expliquer la raison de sa pensée, plutôt qu’à défendre une opinion.
      – On s’efforce de faire progresser le débat.
      – Concrètement, on évite de multiplier les exemples, de citer de longues expériences, de se lancer dans de longues explications, mais on va au fait de son argumentation.

      > Le moment de la conclusion peut donner l’occasion d’un exercice particulier :

      – On peut dire ce que l’on pense des modalités du débat.
      – On peut faire une petite synthèse d’un parcours de la réflexion.
      – On peut dire ce qui nous a le plus interpelé, ce que l’on retient.
      – On peut se référer à un auteur et penser la thématique selon ce qu’aurait été son point de vue.
      —————-

      Avec ou sans préparation, chacun est le bienvenu, les cafés philo sont par définition, contre toute forme de discrimination et de sélection par la classe sociale, le niveau scolaire, etc.

      ————————-
      René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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      #6872
      René
      Maître des clés
        Sommes-nous concernés par le spectacle de la société ? (Guy Debord)

        Nous étions sept participants.

        Les questions que nous nous sommes proposées pour le débat :
        – L’universalisme s’oppose-t-il à l’humanisme ?
        – Les questions éthiques peuvent-elles se résoudre avec des réponses techniques ?
        – Avons-nous le choix du spectacle ? (Référence à Guy Debord)
        – La littérature porte-t-elle davantage de philosophie que les philosophes eux-mêmes ?

        La question du spectacle, en référence à l’ouvrage de Guy Debord « La société du spectacle » l’a emporté. Son oeuvre n’est pas très facile d’accès, mais on ne trouve des introductions fort bien vulgarisées à son propos (1). Notre débat s’est articulé autour de plusieurs questions :

        Comment, par le fait que nous nous considérons comme des spectateurs de la société (les médias en déroulent l’abominable spectacle quotidiennement), nous nous retrouvons maintenus à distance de la scène, mais aussi non-impliqués par ce qui s’y joue ? Il y a eux, les artistes, et il y a nous, les spectateurs.
        Pour Guy Debord, il s’agit de décrire le processus par lequel un glissement a eu lieu, celui d’être impliqué par notre vie et par ce qui se passe dans le monde : nous sommes assignés à une place de spectateur. Autrement dit, nous sommes tenus à l’écart de la scène, nous sommes mis en état de passivité et d’impuissance devant le spectacle du monde. Ceux qui se retrouvent sur la scène, à savoir, ceux que les médias choisissent pour nous, font figures de modèles que la société promeut. La société ? Autrement dit, nous, entendu comme un « tout » : le commerce, la mondialisation, l’industrie de l’énergie et des produits de consommation. Nous, entendu cette fois comme la plupart des citoyens que nous sommes, c’est-à-dire la majorité des Français : nous ne sommes pas sur la scène, mais peut-être espérons-nous y être ou seulement ressembler un peu à nos héros préférés ? Il y a eux, il y a nous et, dans l’entre-deux, il y a une zone grise, une zone de transition pour le peu d’élus qui, joyeux (ou plutôt surexcités) s’inscriront dans le parcours.

        Quel est donc ce monde du spectacle que dessine Debord ?
        Celui d’un capitalisme devenu si puissant qu’il a pris le contrôle de nos vies (2), ainsi que celui du politique. Ce dernier se préoccupe non plus du bien commun ni de l’intérêt général du citoyen, mais du seul souci de son maintien au pouvoir. Il se met en spectacle et nous demande de croire en lui, il nous protègerait contre le chaos des foules en désordre. De son côté, le capitalisme financier et ses armées de lobbyistes remettent entre les mains des gouvernements les manettes du pouvoir des multinationales. Ils agitent, pour ne pas dire, excitent les puissances rivales des grandes industries. Nous, c’est-à-dire le public médusé, nous sommes à la fois les jouets et les producteurs de ce monde. Paradoxalement, ce spectacle, pourtant apocalyptique, porterait en lui la promesse d’un monde meilleur, la croyance éventuellement que les sciences et les technologies trouveront toujours une solution à nos problèmes. C’est aussi l’espérance de gagner toujours plus, quoiqu’il en coûte au bien commun, à l’intérêt général. L’individu est fait « roi », il doit croire en la possibilité de se retrouver dans le bon camp, celui des gagnants, celui du mérite, dont il se voit dicter les normes. La société du spectacle transforme l’humain en objet de consommation.

        Ce constat, énoncé à gros traits, ne fait plus débat, il est acquis que le politique et les médias ont perdu leur crédibilité (3). Il est acquis que nous, les citoyens anonymes, sommes assignés à notre place : courir pour ressembler aux modèles sélectionnés pour nous, survivre pour ne pas être écartés du système. Nous n’avons pas le choix, si ce n’est de faire sécession, de se révolter ou de partir vivre dans la forêt, de rejoindre une ferme, un éco-village.
        En revanche, ce qui fait débat, c’est la possibilité de sortir de cette mise en scène érigée en système. Pouvons-nous le vaincre ? Pouvons-nous en sortir ? Pouvons-nous nous gouverner autrement, avec d’autres valeurs, selon une autre perspective ?
        Pour les politiques, seules comptent leurs stratégies politiciennes et, comme citoyens, nous nous convainquons que l’idée selon laquelle, tous les partis se ressemblent. Après tout, Mitterrand a privatisé les premières industries nationales et vendu la France à l’Europe. Tous les partis, de droite comme de gauche, ont poursuivi la même tendance depuis. Ce serait la faute du système ? Du côté des médias, la plupart sont rachetés par les patrons du grand capital en plus d’être grassement subventionnés par les gouvernements. La sphère des médias gagne à rendre confus les faits, à disperser les lecteurs et l’électorat (4). On voit le journalisme de télévision s’incliner avec déférence devant les politiques qu’il met en scène, plutôt qu’il ne leur demande de rendre des comptes de leur gestion, plutôt qu’il ne porte la voix du citoyen. Les questions de l’intérêt général et du bien commun passent à la trappe, alors que c’est en rapport à ce regard sur le monde que la citoyenneté se construit.

        Les questions qui se posent lors de notre débat sont :
        On observe que l’accès à la vérité des faits est devenu difficile, sinon impossible (4′). Pourtant, on peut postuler qu’une « vérité » des faits existe (certes, elle existe sous plusieurs angles); cela dit, elle renvoie néanmoins au difficile accès à l’idée d’une vérité que l’on pourrait avoir sur soi-même : se connaître soi n’est pas immédiat. Nous nous retrouvons alors dans une position de miroir : la société, c’est nous-même dans une fuite éperdue de nous-même. La tromperie, c’est la nôtre, c’est nous qui nous trompons, tandis que l’impuissance n’est que celle de notre renoncement. Mais, précisément, comment distinguer ce qui est cause de quoi ? Est-ce la société qui nous trompe ou l’individu qui se trompe lui-même en se projetant dans une société qu’il conçoit à son image ? Pourquoi nous laissons-nous tromper par nous-même et/ou par la société ? Fuyons-nous quelque chose en nous pour ne pas voir ce qui se passe autour de nous, pour ne pas nous sentir parties prenantes de ce qui se joue ? Si la société nous trompe parce que nous nous trompons nous-mêmes, sur quoi pouvons-nous prendre appui pour construire un avis critique, pour nous désaliéner du monde ?
        Une brève réponse : en partageant nos pensées réflexives et critiques sur tous les sujets et les thèmes qui nous préoccupent dans la société, un peu comme nous le faisons dans les cafés philo traditionnels. :cheer:
        Pour revenir aux questions posées : Les responsabilités de chacun sont-elles engagées de la même manière ? Oui et non, car nous ne manipulons pas tous les mêmes leviers de pouvoir du fait des activités dont nous avons la charge. Cela étant, si, tous les services (justice, éducation, santé), si les biens publics (production d’énergie, autoroutes, trains) et si les biens communs (eau, qualité de l’air et des terres arables) sont privatisés pour que des actionnaires en bénéficient, et si nous les laissons faire à nos dépends et sans mot dire, alors notre responsabilité est engagée. Or, le capitalisme financiarisé et mondialisé est conçu ainsi : le bénéfice va aux 10 % les plus fortunés (plus à ceux qui courent derrière pour prendre leur place), mais au détriment de la planète, du vivant, de la majorité des êtres humains et de l’intérêt général.

        Pour conclure.
        Certes, nous savons que nous avons besoin d’une pluralité d’opinions, mais fondamentalement, s’il nous semble aisé de décrire, de dénoncer les travers de notre société, la question que nous nous posons est : quel est le but, quel est le sens de la citoyenneté ? Qu’est-ce qui fait sens et valeur dans un monde crispé sur les rivalités, menacé par la précarité et l’épuisement des ressources ?
        Le confort apparent dont nous bénéficions renforce-t-il l’illusion que le spectacle fonctionne, qu’il nous reste un répit ? Que manque-t-il à la vie, à notre vie pour que nous prenions en considération que, ce que nous faisons à l’un, c’est aussi à l’autre et à soi que nous le faisons ? Pour reprendre le propos d’Yves Clot (5), les objets auxquels nous pensons, sur lesquels nous travaillons ou ceux que nous achetons sont médiés (ils passent) par autrui et sont le produit d’une attention. Entre soi et l’autre, il y a toujours un objet symbolique ou réel. Nous sommes une partie intégrante du spectacle auquel nous assistons, avec des degrés d’implication et de responsabilité qu’il revient à chacun d’estimer en son âme et conscience, notamment lors de nos échanges au café philo (ce que nous ne manquons pas de faire B) ).

        Les notes :
        1) La philosophie de Guy Debord. Par Parole de philosophe. Durée. 32mn.
        – Ou la version de Politikon : Debord – La Société du Spectacle – De Dicto #26
        – Autre version :La chronique philosophique par monts et par vaux. Durée. 20mn
        2) Les milliardaires sont-ils des parasites ? Par le sociologue Nicolas Framond. Lien dans notre forum ici.
        3) Diviser l’électorat. Voir l’analyse de Thomas Piketty et Julia Cagé, invités par Médiapart.
        4) Par exemple, le Monde condamné pour « intox » à l’égard de France Soir. Sur notre forum ici.
        – Ou, ici, une brève analyse critique des médias (dans notre forum)
        5) Yves Clot. Ici, un cours à Unimail. 2023
        ou ici, les notes de ce cours dans notre forum.

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        René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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