Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Les sujets du café philo d’Annemasse › Sujet libre ce lundi 11.09.2023 + Compte rendu :« Politiquement, la faiblesse de l’argument du moindre mal (…) Citation d’Hannah Arendt.
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8 septembre 2023 à 20h13 #6826Rencontres philo pour le monde d’aujourd’hui, tous les lundis à 19h00
à la Taverne, place de l’Hotel de Ville. 74100 ANNEMASSECe lundi 11/09/2023, le sujet sera choisi parmi les questions proposées par les participants
Par un vote ou un échange ouvert, on retient la question qui semble motiver l’attention des participants présents.
– On cherche à dégager les enjeux de la question : en quoi il y a problème (sur un plan existentiel, relationnel, social, politique) et on interroge les dimensions de vérité et d’éthique que nos propositions soulèvent. C’est là où on commence à philosopher vraiment.
– De fait, nous faisons philosophie par une capacité à mener une enquête, et par celle à questionner les raisons et les références par lesquelles on pense. (Quelques éléments d’explications sur la philo dans les cafés philo, ici)– Nous avons remarqué que, lorsque des participants s’impliquaient dans les questions qu’ils posaient et, parfois, lorsqu’ils avaient sous le coude, une citation, un témoignage de ce qui les avait interpelés dans la semaine, ou une question à laquelle ils pensaient déjà, que ce contexte facilitait parfois la prise de décision du sujet retenu.
– Apprendre à réfléchir ensemble pour dégager un problème et formuler une question s’inscrit dans une démarche première en philosophie.
– La formule traditionnelle des cafés philo où un participant souhaite préparer une question avec quelques ressources est toujours ouverte, il suffit de l’inscrire dans l’agenda et de l’introduire en une poignée de minutes le jour venu.
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Le compte rendu du sujet de la semaine passée est posté ici (cliquer) : De la synchronicité, quel sens pour soi ? introduit par Mickaël————————————-
Règles de base du groupe
– La parole est donnée dans l’ordre des demandes, avec une priorité à ceux qui s’expriment le moins.
– Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.Pour limiter les effets de dispersion dans le débat
– On s’efforce de relier son intervention à la question de départ, de mettre en lien ce que l’on dit avec ce qui a été dit.
– Pour favoriser une circulation de la parole, de sorte à co-construire le débat avec les autres participants, on reste concis.
– On s’attache davantage à expliquer la raison de sa pensée, plutôt qu’à défendre une opinion.
– On s’efforce de faire progresser le débat.
– Concrètement, on évite de multiplier les exemples, de citer de longues expériences, de se lancer dans de longues explications, mais on va au fait de son argumentation.
> Le moment de la conclusion peut donner l’occasion d’un exercice particulier :
– On peut dire ce que l’on pense des modalités du débat.
– On peut faire une petite synthèse d’un parcours de la réflexion.
– On peut dire ce qui nous a le plus interpelé, ce que l’on retient.
– On peut se référer à un auteur et penser la thématique selon ce qu’aurait été son point de vue.
—————-Avec ou sans préparation, chacun est le bienvenu, les cafés philo sont par définition, contre toute forme de discrimination et de sélection par la classe sociale, le niveau scolaire, etc.————————-
René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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> Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici)15 septembre 2023 à 18h02 #6844Compte rendu : « Politiquement, la faiblesse de l’argument du moindre mal a toujours été que ceux qui choisissent le moindre mal oublient très vite qu’ils ont choisi le mal. »
Hannah Arendt.Nous étions 8 participants
Trois questions ont été proposées :
1° Avec l’âge, on aborde les rivages du « plus jamais » (Que ne ferons-nous plus jamais, ce qu’il en coûte, est-ce vrai pour tout) ?
2° « Politiquement, la faiblesse de l’argument du moindre mal a toujours été que ceux qui choisissent le moindre mal oublient très vite qu’ils ont choisi le mal. » Hannah Arendt.
3° A quelle ressource se référer quand on ne sait plus où sont le bien et le mal ?Les questions 2 et 3 seront retenues ensemble, car elles sont intimement liées : si l’on se trouve en perte de repères par rapport au bien et au mal, on peut effectivement tendre vers le moindre mal… mais en oubliant que l’on fait le choix du mal.
Quatre exemples :
Le droit à polluer par la vente d’émissions carbone, au motif que les industriels en limiteront la production. Dans les faits, les industriels ont surévalué leurs besoins initiaux, ils libèrent à volonté le Co2 selon les demandes du marché, rachètent du droit à polluer à ceux qui n’en font pas usage, tandis que le Co2 fait l’objet de spéculation sur le marché financier depuis que la loi européenne a été votée en 2005. C’est clairement choisir le « mal », tandis que les rejets carbones dans l’atmosphère ne cessent d’augmenter.La guerre russo-ukrainienne. Beaucoup estiment que c’est un moindre mal, alors que les négociations sont laissées en plan et que les belligérants devront savoir revenir à la table des négociations. Ce n’est pas choisir le bien, mais jusqu’où est-ce choisir le mal ? Combien de morts et de misère avant d’arrêter ? Ce mal est d’autant plus pernicieux que les morts s’accumulent, au nom d’une justice « punitive », qui n’est pas celle du droit international, mais avec lequel le Comité de Sécurité de l’ONU, s’arrange.
Des moratoires sur les pesticides, ils sont déclarés dangereux, mais les ventes sont poursuivies au motif qu’on n’a pas le choix. Ce serait un moindre mal en attendant de trouver des solutions, mais lesquelles ? Le mal poursuit son chemin sans que personne ne connaisse les délais et les enjeux en cours pour une diversité d’entre eux.
Enfin, un cas de conscience, le pilote qui accepte la mission de larguer des bombes sales sur une population, consent-il à un moindre mal ? Si oui, jusqu’où en est-il convaincu, au nom de quelle éthique ?
En quoi, dans les exemples précités, il y a un moindre mal, qui s’avère être un mal, c’est-à-dire, une dérive par rapport à l’éthique et un piège (une rhétorique, un compromis) qui emprunte les chemins du pire ?
C’est l’une des questions que nous nous sommes posées, laquelle rencontrait trois types de difficulté :1° celle d’être précisément informé des enjeux et des solutions possibles, auxquels cas, nous ne pouvons pas faire la part du bien et du mal, par manque d’information. Précisons que l’information existe, mais elle est éparse et surtout promue par des groupes militants, des lobbys, des partis politiques. De fait, l’information diffusée dans les médias « mainstream » aujourd’hui ne nous permet pas d’estimer la valeur des enjeux parmi une diversité de possibilités. Ce qui pose la question de l’éthique des médias qui, de nos jours, dépendent du capitalisme financier (voir ici notre forum).
2° celle de définir ce que l’on entend par bien et mal en fonction d’une diversité de situations et solutions, non comparables entre elles, sinon singulières. Par exemple, sur la question du recours à l’énergie nucléaire pour lutter contre le réchauffement climatique ou celle d’offrir l’aumône à un sdf, il n’y a pas de réponse simple dans l’un et l’autre cas sans clarifier le principe général du bien et du mal sous-entendu dans ces deux actions. Par exemple, pour le nucléaire, s’agit-il de recourir à des énergies alternatives sans péjorer notre niveau de vie, et ainsi, assumer une déconsommation et modifier notre mode de vie ? Ou faut-il seulement accompagner une réduction de son usage, améliorer la sécurité et la gestion des déchets ? Par rapport à l’aumône, faut-il pondérer sa pratique selon s’il s’agit d’enfants, d’un mode de vie, de réfugies climatiques ou de guerre, de cas sociaux, de malheureux ayant tout perdu lors d’une infortune ?
De fait, où est le bien et le mal dans ces situations ? On remarque rapidement qu’il s’agit de distinguer non pas le « Mal ou le Bien » comme s’ils étaient des valeurs absolues, mais de préciser en quoi certains choix sont relatifs à un plus grand bien ou à un plus grand mal, et selon quelle éthique, selon quel contexte, selon quel niveau de vie, de confort et d’urgence dans le changement à opérer ? (Voir ici, un enjeu géopolitique sur la question des énergies par le site « Écologie rationnelle » dans notre forum).
3° Enfin, dernière difficulté, le mésusage de la formule (choisir le moindre mal) pour expliquer ses raisons d’agir. Il s’agit souvent d’un problème de méthode, de discernement entre une logique de fond qui vise le long terme, mais s’oppose à une action ponctuelle qui, elle, tend à s’éterniser. Tandis que, par ailleurs, on peut soulager un mal ponctuel, sans ignorer les problèmes de fond qui se posent à différentes échelles (géopolitique, politique, sociale, économique, psychologique).
En somme, il semble qu’il y ait deux grands types de situation :
1° les situations personnelles. Elles posent la question : quelle éthique est engagée dans mes actions personnelles ? Quelle idée de l’être humain mon choix engage-t-il (valeur pour soi, pour autrui et pour l’interaction) ?2° Les situations qui engagent une responsabilité publique, par exemple, en tant que responsable d’un collectif, délégué d’un groupe, d’une association, d’un parti politique, d’une entreprise. Quelle éthique de fond j’engage pour le groupe dont j’ai la charge ? Comment je rends compte au public concerné de mes choix ? Quelle éthique de vie j’engage dans la cité, selon quelles valeurs ?
De l’usage, erroné ou pas, de la philosophie du moindre mal dans une situation personnelle.
« Lorsque je donne une pièce ou un sandwich à un sans-abris, je contribue à un moindre mal en ce sens, que je n’ai pas les moyens de le sortir de sa condition ».
Cette situation type serait un usage détourné de l’expression du moindre mal, car dans ce cas, je soulage modestement un malheureux. Certes, la question de fond de la pauvreté n’est pas traitée (cause politique, sociale, familiale, psychologique), mais mon geste n’enlève rien à la valeur d’empathie et de charité exprimée. Une personne est ponctuellement soulagée et je témoigne d’une valeur d’humanité à l’instant T, dans une relation singulière.
Creusons la situation, et supposons chacun partageant de son peu pour aider son prochain. Cela revient à universaliser la maxime de son action (Kant). Question : est-ce que je vais par mon acte, encourager la mendicité ? Le gouvernement, de son côté, va-t-il se décharger sur les aides privées et se dédouaner de sa responsabilité quant à la prise en charge de la question sociale de la nation ? (Voir le cas d’exemple de Bernard Arnault analysé ici par Blast dans notre forum).Réponse : si chacun partage de son peu, nous montrons tous que nous sommes sensibles à la condition de nos semblables, nous contribuons selon des possibilités limitées. Par ailleurs, si l’État se dédouane sur le dos du privé et des initiatives personnelles, il se met en faute pour ne pas considérer la redistribution des taxes et des impôts, alors que les écarts de richesses s’aggravent chaque jour, ce qui est bien le contexte depuis des décennies dans notre pays. Le bien que chacun fait ou le mal qu’il tente de soulager ne dispensent pas le gouvernement et autres décideurs des responsabilités qui leur incombent sur un plan général. Mon acte est indépendant de la réponse du gouvernement.
Autre hypothèse, le gouvernement pourrait agir différemment devant le témoignage de solidarité des citoyens. Constatant l’empathie générale, il se mettrait en résonance à cette sensibilité et se montrerait à son tour solidaire, comme les citoyens. On observera (lien ici dans notre forum) le contre-exemple en la personne de Cédric Herrou. Il fût condamné pour avoir porté secours à des migrants, et cela témoigne d’une idéologie sous-jacente, de type discriminatoire, de notre gouvernement, en même temps que d’un jeu de miroir entre ceux qui nous gouvernement et les populations.
Enfin, si je ne donne jamais rien au principe de ne pas vouloir encourager la mendicité, d’où me vient l’information qu’il s’agit-là du profil type du sdf, où est cette sociologie qui les décrirait ainsi ? Les gens dans la rue le sont-ils en raison d’un goût immodéré pour l’oisiveté, par facilité, pour abuser de la gentillesse des passants ? Dans quelle mesure, ma conscience s’arrange d’une telle interprétation des faits véhiculée par des médias et les partis politiques qui revendiquent des pratiques discriminantes ? Du côté du particulier, cette fermeture à l’autre, est-ce une manière, pour le particulier, de se désensibiliser, de s’endurcir, de rejeter sur les autres la cause de nos malheurs ? A moins que ce soit une manière de se protéger de la misère autour de soi ? La question qui se pose par rapport à la philosophie du « moindre mal » est : qu’est-ce qui motive le principe de mon action ? En effet, davantage que l’acte ponctuel, c’est cette idée érigée en règle générale délibérément, par inattention ou par habitude dans laquelle j’observerais une bascule dans le mal. Toutes les options se ferment, on ne voit aucune possibilité pouvant conduire vers une amélioration de la situation.Conclusion intermédiaire.
L’idée du moindre mal ne se confond pas avec soulager ponctuellement une douleur ou répondre à un cas d’urgence en attendant de trouver une solution pérenne. Mon choix, en tant que personne individuelle, tient à un champ d’actions possibles limitées au cadre de mes responsabilités. Cela dit, si j’élève le principe de mon action à un idéal, voire à un universel ou simplement à une règle générale ou à un habitus, ce qui est systématiquement le cas lorsque j’exerce une responsabilité publique, je dois en rendre claire l’idée et pouvoir en rendre compte (à ma conscience, lors d’un débat philosophique ou face à une assemblée dans le cas d’une responsabilité publique). La mise au clair de ce que je crois être fondé en éthique, m’apprend à me distancier de ma subjectivité et de mes éventuels conflits d’intérêts directs et indirects. Sur le plan individuel, l’éthique suppose d’apprendre à parler à partir de sa propre vulnérabilité pour éventuellement rencontrer celle d’autrui. Sur le plan public, elle suppose de rendre transparent le processus de décision et de les motiver selon les principes de liberté et d’égalité du citoyen qui sont au fondement des valeurs de nos démocraties.Que se passe-t-il dans les zones grises ?
Le pilote qui largue des bombes sales au motif que le désastre cessera la guerre, jusqu’où est-il convaincu ? Certainement, à l’époque d’Hiroshima, il l’était. Mais supposons qu’il ait lu Rawls (voir ici) a posteriori et qu’il ait pris en compte ce que son affect lui disait par rapport aux milliers de civils morts (hommes, femmes, enfants), tous innocents par rapport au choix de guerre décidé par des dirigeants autoritaires. De quelle manière faut-il se convaincre d’avoir eu raison et, par conséquent, de recommencer la même action si « l’histoire » se répétait (si des conditions apparentées se reproduisaient) ? Il convient de clarifier ce que nous appelons le mal, le bien, notamment quand il s’agit de lire derrière nos actions, l’idée de l’être humain que nous défendons, voire que nous voulons ériger en exemple.Pour conclure, quatre référents pour penser le bien et le mal.
Le bien commun auquel la question de l’intérêt général est intimement liée, ainsi que le principe d’égalité et de liberté du citoyen.
Le bien commun, pour rappel, c’est la qualité de l’air, de l’eau, la qualité des terres arables, la biodiversité, la qualité de la nourriture et tout ce qui participe aux besoins essentiels à la vie. L’atteinte à ces biens communs, en raison d’une exploitation industrielle, privée, financière ou idéologique constitue une atteinte à notre droit à vivre en bonne santé et, par conséquent, à notre liberté et à notre principe d’égalité. En effet, selon les lieux, les populations seront plus ou moins exposées aux pollutions associées à notre mode de vie. L’intérêt général, lui, c’est ce que le politique et le citoyen peuvent décider de ce qui participe, préserve, voire renforce ce qui nous est commun, auquel s’ajoute, l’éducation, la justice, l’indépendance des pouvoirs (nos Constitutions) mais aussi, l’indépendance des médias, la gestion de l’énergie et des grands projets publics en général, en bref, tout ce qui contribuent précisément à une éthique du vivre ensemble. De façon générale, la règle éthique peut être simple, tout ce qui préserve le bien commun et améliore l’intérêt général d’une part et, d’autre part, tout ce qui renforce les rapports de liberté et d’égalité. Ces deux axes constituent des guides, ils dessinent l’horizon de notre éthique en démocratie.> Dans les faits, les biens communs et l’intérêt général des populations sont aussi une préoccupation pour les dictatures. La
différence, c’est que les régimes non-démocrates imposent leurs solutions à leur population, sans recourir à leur consultation et en se moquant du principe d’égalité (un peu beaucoup comme en France, finalement).
Dans tous les cas, les démocraties corrompues, i-libérales, sans presse indépendante, gouvernées par des équivalents au 49.3, comme dans les régimes autoritaires, on renonce à l’idée qu’il existe une intelligence collective et ils ne reconnaissent pas un besoin vital de coopération libre et de partage. Ils sont pourtant au principe d’une solidarité forte et d’un sentiment d’appartenance du citoyen à son pays.Ressources et liens cités dans ce compte rendu :
– L’éthique des médias de nos jours, dans notre forum
– Cédric Herrou, condamné pour aider les migrants. lien ici dans notre forum)
– Un enjeu géopolitique sur la question des énergies.Écologie rationnelle » dans notre forum.
– Le cas d’exemple de Bernard Arnault analysé ici par Blast dans notre forum.
– Rawls, Hiroschima et le droit des gens. Article Cairn. Info (Hiroshima, pourquoi nous n’aurions pas dû)
– L’argument du moindre mal et Maurice Papon, Article le Monde
– Sur le choix du moindre mal – Hannah Arendt. Par la philosophe, Hansen- love over-blog————————-
René Guichardan, café philo d’Annemasse.
> Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse, ici.
> Lien vers le forum des problématiques de notre temps (écologie, guerre, zoonose, démographie et philosophie.
– Ici, nous postons des cours, interviews, conférences dont nous avons apprécié la consistance philosophique
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