Cafephilos Forums Les cafés philo Des cafés philo sur Grenoble Liberté et déterminisme selon Spinoza. Le café philo du Café des Arts au 36 rue Saint-Laurent, Grenoble, le 1er mercredi du mois.

  • Ce sujet contient 1 réponse, 1 participant et a été mis à jour pour la dernière fois par René, le il y a 1 mois.
2 sujets de 1 à 2 (sur un total de 2)
  • Auteur
    Messages
  • #7626
    René
    Maître des clés

      Merci à l’équipe du Café des Arts (36, rue St-Laurent, Grenoble) d’accueillir une pratique des cafés philo dans leur bel espace (voir leur page Evenements ici)

      En pratique, on se retrouve le premier mercredi du mois à 18h30
      Merci de venir un peu plus tôt pour prendre sa boisson, se mettre en place de sorte à démarrer à 18h30)
      Durée des débats (1h30 environ)

      Démarrons par une citation d’un philosophe (que tout participant peut proposer).
      Et voyons comment elle stimule la réflexion pour chacun de nous, notamment en la questionnant, en recherchant les enjeux qu’elle soulève.
      La connaissance de l’auteur ou de ses textes n’est pas requise.

      Citation proposée pour cette première fois ce mercredi 6 novembre :
      Les hommes se croient libres pour cette seule cause qu’ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par où ils sont déterminés.
      Baruch Spinoza. “Éthique” (1677), III, « De l’origine et de la nature des affects », scolie de la proposition 2.

      Pour la citation de décembre :
      Venez avec une citation ce mercredi 6/11, puis votons celle qui retiendra notre préférence pour le mercredi 3/12.

      Des références par rapport à la citation de Spinoza (pour celles/ceux qui le souhaitent) :
      Les chemins de la philo (avec Ariel Suhamy). Emission avril 2020, écouter ici
      Liberté et nécessité, par Simone Manon via son blog Philolog.
      La liberté par le prof. Bruno Giuliani sur Spinoza et nous (wiki). 
      Le cours de Deleuze, posté sur notre forum avec des prises de notes, ici.

      Quelques règles concernant nos échanges
      – Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.
      – Pas d’attaque ad hominem /ad persona.
      – On essaie de rendre compte des raisons de sa pensée.
      – Chacun est le bienvenu, quels que soient sa formation, sa confession, son niveau de vie et ses références philosophiques.

      Mon approche des cafés philo.
      Elle est plutôt non-directive, centrée sur les questions des participants. Nous nous efforçons de rendre compte des raisons de notre pensée de sorte que nos échanges cherchent autant à être structurés (pour soi) que structurants (pour autrui).
      Nous partons du principe que chaque participant est adulte, autonome, responsable de ses dires, de son comportement et curieux d’examiner aussi bien les raisons de sa pensée que de celles d’autrui. Le partage de nos réflexions, de nos références étant susceptibles d’être profitables à tous, autant qu’à soi-même.

      Ce que le café philo n’est pas :
      Le café philo n’est pas un défouloir de ses inhibitions, ni un lieu de propagande pour déclamer ses opinions, croyances et convictions. L’effort porte bien sur une réflexivité mise en partage pour rendre compte autant à soi-même qu’aux autres de sa pensée en train de s’élaborer.

      Une biographie.
      – Rédaction d’un mémoire de maîtrise sur les cafés philo dans le cadre d’un diplôme de pratiques sociales (Collège Coopératif Rhône-Alpes / Université Lyon 2)
      – Administrateur du site des cafés philo.
      – Animation du café philo d’Annemasse depuis les années 1995 (voir ici les derniers comptes rendus)
      – Mon approche s’inspire de celle de Michel Tozzi (voir ici sa définition), sans y être aussi formelle (c’est une visée) et elle s’adresse surtout à des adultes (non à des enfants)
      – Actuellement (septembre 2024), j’entame un parcours de licence en philosophie (UGA Grenoble).
      – L’année passée (2023), j’ai entamé un DU sur les pratiques philosophiques.

      Au plaisir de nos échanges.
      Merci de votre participation.

      ————————-
      René Guichardan, café philo d’Annemasse.
      > Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse, ici.
      Des cafés philo à Grenoble. Cliquer ici.
      Le groupe WhatsApp des cafés philo sur Grenoble. Cliquer ici.
      > Lien vers le forum des problématiques de notre temps (écologie, guerre, zoonose, démographie et philosophie.
      Ici, nous postons des cours, interviews, conférences dont nous avons apprécié la consistance philosophique
      – Lien pour recevoir notre newsletter Cliquer ici, puis sur Rejoindre le groupe.
      > Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici)

      #7648
      René
      Maître des clés

        Compte rendu de la rencontre du mercredi 6 novembre 2024

        Nous étions 14 personnes pour ce premier café philo.
        Merci à la personne (je n’ai pas retenu tous les noms, désolé) qui a distribué la parole en la pondérant selon les moins-disants.

        Merci beaucoup à toute l’équipe du Café des Arts pour son accueil chaleureux (programme ici).
        Ce lieu est unique sur Grenoble par la volonté qui l’anime de favoriser l’échange,  la liberté, la créativité, l’ouverture, le dialogue, la considération du rapport à l’autre…
        C’est une grande chance pour la cause qu’il défend et pour le café philo d’en bénéficier.

        Dans ce forum, chacun est libre de partager ce qu’il a retenu de nos échanges, les idées et réflexions qui lui sont venues durant ou à la suite de notre rencontre.

        La citation que nous avons mise en discussion
        « Les hommes se croient libres pour cette seule cause qu’ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par où ils sont déterminés. »
        Baruch Spinoza. “Éthique” (1677), III, « De l’origine et de la nature des affects », scolie de la proposition 2.

        Quelques observations et/ou quelques lignes argumentatives retenues

        Il semble qu’il y ait eu presque trois camps dans notre échange : les partisans de la liberté : elles/ils estiment que nous avons des marges de liberté en dépit des déterminismes.
        Les partisans du déterminisme qui, eux, estiment que nous ne sommes pas libres. Il convient alors d’oublier ou d’ignorer que nous ne sommes pas libres, de sorte à se vivre comme étant libres.
        De ce point de vue, l’oubli que nous ne sommes pas libres, nous rendrait notre liberté ou nous rendrait « comme libre ».

        Une objection a été apportée à ce raisonnement qui fait de la liberté, une illusion ou une abstraction sur fond de déterminisme : si vous ignorez que vous êtes déterminés ou que vous souhaitez l’oublier, alors vous n’êtes pas libres, car vous ignorez les causes qui vous déterminent (on retombe sur la citation de Spinoza).

        Mais il y a eu la volonté d’aller plus loin que de se retrouver enfermé dans ce raisonnement circulaire

        « Toutes les déterminations ne se rangent pas sur le même niveau » a fait remarquer une participante (désolé, je n’ai pas retenu tous les noms). Par exemple, il y a les déterminations sociologiques, psychologiques, génétiques (voire karmiques pour celles/ceux qui y croient) ou encore, celles du monde de la physique (que beaucoup unifient déjà à la physique quantique, alors que les physiciens eux-mêmes se questionnent sur ce point), toutes ces déterminations ne renvoient pas aux mêmes causes ni aux mêmes effets.

        Un participant trouve l’incise et fait référence à Cournot, à sa définition du hasard, c’est : « la rencontre des phénomènes qui appartiennent à des séries indépendantes dans l’ordre de la causalité »
        Cournot 1843, Exposition de la théorie des chances et des probabilités. § 40, 55.

        Ainsi, les séries de détermination étant indépendantes les unes des autres, et chacun de nous étant un singulier, nous générons nécessairement des hasards qui sont autant d’opportunités d’exercer notre liberté : liberté de rencontrer l’autre, de se connaitre soi-même, d’interpréter ce que l’on est, notamment nos émotions, liberté de se penser autrement, etc…)

        Mais, et intérieurement, il y a les peurs, les angoisses… qui sont un carcan à nos déterminations. Elles peuvent nous enclore dans un système monde (un empire dans un empire, dirait Spinoza).

        D’autre part, il s’agissait de clarifier la notion de liberté… Supposons que nous soyons « déterminés » (nous le sommes en partie, personne ici ne se fait d’illusion), il est possible alors que la liberté nous interpelle précisément parce que nous en souffrons. Dès lors, nous pouvons aspirer à une liberté en réaction à nos déterminations, aux souffrances qu’elles générent, aux angoisses qu’elles déclenchent, aux afflictions dans lesquelles elles peuvent nous plonger. Dans ce cas, ce besoin de liberté peut être cause d’une réaction de fuite, mais non d’une liberté effective, pleine, entière, libre, assumée, accomplie, joyeuse.

        Ainsi, nous souhaitons faire référence à une liberté qui ne résulte pas d’une simple réaction.

        Il me semble que certains participants entrevoient la liberté comme porteuse de sa propre dynamique. Ainsi, que la liberté ait pour moteur un mal-être, une rencontre fortuite ou une cause extérieure n’est pas déterminant en soi, elle est seulement un déclencheur de cet appel au départ d’une quête. La liberté peut être porteuse de son propre mouvement, être à elle-même sa propre intelligence.

        La liberté artistique est peut-être l’une de ses libertés qui ouvre la possibilité d’accéder à soi par d’autres langages, à d’autres versions et interprétations de ce qui s’éprouvent en soi…
        Reste à établir le lien entre cette liberté en soi et celle qui s’éprouve dans la rencontre à autrui et avec le monde.
        Est-ce le monde qui imprime sa marque sur moi, est-ce moi qui imprime sur le monde ma marque ?

        —————-

        Le cas de Claude Eatherly, a été évoqué. Il est l’un des pilotes qui a participé à larguer la bombe nucléaire sur Hiroshima…
        Il se pose la question : de quelle liberté se faisait-il le nom lorsqu’il s’envola vers Hiroshima ? Certainement voulait-il compter parmi la figure des héros américains, mais alors, était-il libre ou conditionné par la propagande américaine ?
        A-t-il simplement obéi comme Eichmann ? (Référence à Hannah Arendt et à la banalité du mal)

        Mais, pourquoi Claude Eatherly  a-t-il été rattrapé par la conscience de son acte après coup ? Il en a été traumatisé, avant de devenir un fervent militant pour la paix.
        > Sa liberté s’est jouée dans le retour de conscience que ses actes ont eu sur autrui (en fait, sur des millions d’innocents).
        > Sa liberté s’est jouée dans la prise de conscience qu’il s’est autorisé à avoir en accusant, comme par un écho, les effets de retour que son acte a eu sur les autres.

        Résumons la suite du débat à partir de ce moment.
        Il y a eu une rencontre sur plusieurs points avec cet exemple de la conscience des effets de ses actes sur autrui. La question de la liberté ne se pense que par rapport au sujet que chacun est.
        > Le sujet (que chacun est) prend conscience de sa liberté dans sa rencontre avec l’autre.
        Ainsi, je peux bafouer l’innocence de l’autre dès lors que je n’ai pas conscience de mes actions sur lui/elle. Le moi s’enfle de toute sa place et efface celle d’autrui. De fait, la question de la liberté s’incarne dès lors qu’elle reconnait autrui comme un autre « soi » (distinct de son soi et singulier à lui-même).
        Si cette liberté se nourrit (se grandit) d’elle-même guidée par sa propre intelligence, alors elle s’articule avec l’idée d’une responsabilité dans sa rencontre avec l’autre.  Les consciences se reconnaissent dans un rapport de considération égale et partagée avec autrui.

        Fin de ma prise de notes.

        Ps : J’ai dit qu’il y avait presque trois groupes de personnes. L’autre groupe était plutôt des spécialistes de la pensée de Spinoza, ils nous ont ainsi apporté des précisions par rapport à sa philosophie et par rapport au contexte de son écriture.

        ———–
        Quelques citations, brièvement commentées, que je mets en écho à notre séance.
        « Ils (les philosophes) ont l’air de considérer l’homme dans la nature comme un empire dans un autre empire. A les en croire, l’homme trouble l’ordre de l’univers bien plus qu’il n’en fait partie ; il a sur ses actions un pouvoir absolu et ses déterminations ne relèvent que de lui-même. »
        Spinoza. Ethique, III, préface.
        >
        Spinoza dénonce les prétentions humaines, dont l’idée d’être séparé tant de nos semblables que de la nature. Entre les séries de déterminations indépendantes les unes des autres, se jouent dans les interactions, des espaces de liberté où la conscience peut se penser autrement. Dans les mots de Spinoza, on pourrait dire : la raison peut se trouver en adéquation avec l’infini diversité des causes et, l’entendement, saisir le sens de sa liberté.

        « Nul ne peut désirer d’être heureux, de bien agir et de bien vivre, qui ne désire en même temps d’être, d’agir et de vivre, c’est-à-dire d’exister actuellement. « 
        Spinoza. Ethique, IV, 21.
        La liberté se pense nécessairement en acte et en situation.

        « Aucune des vertus morales ne naît naturellement en nous (…) pour tout ce qui nous donné par la nature, nous n’obtenons d’elle que des dispositions, des possibilités ; c’est à nous ensuite de les faire passer à l’acte. » Or précise plus loin, Aristote, « sur le terrain de l’action et de l’utile, il n’y a rien de fixe, pas plus que dans le domaine de la santé ».
        Aristote, Éthique de Nicomaque, livre II. 1103 b.
        Depuis Aristote, les conditions de la liberté et des vertus en général sont posées. Elles se conçoivent en pensée, mais elles s’actualisent en acte. La philosophie est, à ce titre, non de la pure pensée, dans une pratique incarnée en situation.

        Et, pour terminer, les déterminations selon Laplace étaient probablement dans la pensée de tous les participants ce soir.

        « Nous devons donc envisager l’état présent de l’univers comme l’effet de son état antérieur, et comme la cause de celui qui va suivre. Une intelligence qui pour un instant donné connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ses données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’Univers et ceux du plus léger atome : rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir comme le passé serait présent à ses yeux » .
        Pierre Simon de Laplace (1749 -1847), vu dans article, Cairn info : Pour mettre fin au mythe de Laplace
        Par Olivier Sartenaer

        Il y a deux ou trois problèmes avec la proposition de Laplace :
        D’une part, on ne pourra jamais connaître la position de tous les atomes et autres éléments qui composent l’univers et, d’autre part, l’univers, la vie et le vivant ne se réduisent pas à la somme de leurs parties.
        Ajoutons que la théorie du chaos est coexistante à celle d’une émergence. Autrement dit, ce qui est créé n’est pas contenu dans les éléments du départ, c’est comme si un processus épigénitique était à l’oeuvre dans la dynamique de l’univers, il se crée relativement avec des éléments du départ (pas tous connus) et continue à se créer/inventer au fur et à mesure de ses créactions, comme si elles constituaient de nouvelles bases d’autocréation.

        ————————————-
        René Guichardan, café philo d’Annemasse.
        Des cafés philo à Grenoble. Cliquer ici pour accéder aux forums.
        Le groupe WhatsApp des cafés philo sur Grenoble. Cliquer ici pour être informé des sujets.
        Le NOUVEAU CAFE PHILO AUTO-GERE D’ANNEMASSE. Info et forum ici.
        > Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse d’avant, (avec comptes-rendus) ici.
        Ici, nous postons des cours, interviews, conférences dont nous avons apprécié la consistance philosophique
        – Lien pour recevoir notre newsletter Cliquer ici, puis sur Rejoindre le groupe.
        > Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici, Annemasse et Grenoble peuvent s’y retrouver)
        Le programme du Café des Arts. Grenoble, est ici.

      2 sujets de 1 à 2 (sur un total de 2)
      • Vous devez être connecté pour répondre à ce sujet.