Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Les sujets du café philo d’Annemasse › Peut-on et faut-il se débarrasser des cauchemars ? Sujet du 07.07.2014 + restitution + 1 carte mentale
- Ce sujet contient 4 réponses, 1 participant et a été mis à jour pour la dernière fois par René, le il y a 10 années et 7 mois.
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2 juillet 2014 à 15h59 #5040Peut-on et faut-il se débarrasser des cauchemars ?
La question m’est soufflée par une émission entendue sur France-Culture accessible ici.
L’idée de se débarrasser de ses cauchemars peut impliquer celle de se débarrasser, de problèmes dont le cauchemar ne serait en réalité qu’un symptôme. Mais comment savoir ? Faut-il se débarrasser d’une épine qu’on aurait dans le pied, ou trouver du sens à la douleur que l’on ressent ?Questions qui se posent :
Tous les cauchemars et tous les messages de notre « inconscient » sont-ils significatifs ?
Les cauchemars ne sont-ils que de mauvais rêves, ou ces deux activités oniriques (rêve et cauchemar) sont-elles différentes dans leurs structures ?
Les cauchemars exprimeraient-ils un dysfonctionnement du cerveau, ou témoignent-ils d’une identité perturbée au niveau de sa base ?
Comment les neurosciences nous proposent-elles de comprendre les rêves et les cauchemars aujourd’hui ?Question subsidiaire : Ce thème, tel qu’il est formulé, est-il philosophique ?
Réponse : Non, car la philosophie ne pose pas des questions en termes de conseil ou de directive à suivre : faut-il… ? Peut-on ? Ni elle ne s’intéresse aux faits bruts : Les structures du rêve et du cauchemars sont-elles différentes ?
En revanche, les réponses que nous allons apporter définissent une façon de se percevoir, de se connaitre et, in fine, une connaissance de l’être humain. Se connaître soi-même est l’une des branches majeures de la philosophie.Références que j’utiliserai :
– Faut-il et peut-on se débarrasser des cauchemars ? France-Culture ici
– Pourquoi votre nuit vire au cauchemar ? Conférence Antonio Zadra, professeur titulaire de psychologie à l’Université de Montréal. Conférence Palais des Sciences.
– Pourquoi les rêves nous aident à mieux nous connaître ? Perrine Ruby, chargée de recherche au centre de neurosciences de Lyon. Conférence du Palais de la Découverte.
– Nuits savantes : une histoire des rêves. Conférence de Jacqueline Carroy , historienne des sciences
Et quelques articles sur Sciences Humaines, ici.2 juillet 2014 à 19h06 #5041Pour info seulement : ci-dessous, deux cartes mentales, l’une du programme de terminale de la philosophie
vue sur le blog « Apprendre la philosophie » de DM
2 juillet 2014 à 19h26 #5042Pour info, suite : l’autre carte mentale répondant à la question : De quelle philosophie parle-t-on ?
Cliquer sur le lien dans « Fichier attaché » si l’image n’est pas visible, merci.
CartementaleDequellephilosophieparle-t-onlorsdenoschanges1.pdf14 juillet 2014 à 4h43 #5044Introduction
Peut-on et faut-il se débarrasser des cauchemars ?Etymologie : « Cauchemar » est formé de caucher et de mare. Caucher dérive de l’ancien français chauchier (fouler, presser) et du latin calcare (talonner, fouler aux pieds). Mare (fantôme) emprunté au néerlandais a un sens équivalent en allemand et en anglais. La mara ou mare est un type de spectre femelle malveillant dans le folklore scandinave.
Définition de cauchemar
Activité onirique associée à des angoisses, à des sensations physiques d’oppression, à des sentiments d’horreur, à des états de panique.Explication neurologique du Dr Tore Nielsen (2007)
Le cauchemar prend naissance dans l’hippocampe (système limbique et siège de la mémoire affective et contextuelle), il descend à un niveau plus profond où se logent les noyaux de l’amygdale (siège de la mémoire de la peur, et de nos réactions à cette dernière), avant de mobiliser le cortex préfrontal, qui lui est capable d’analyser la peur, de l’inhiber, et de la transformer en souvenir tolérable.
Mais si le cortex préfrontal échoue à rationaliser la peur, le cortex cingulaire (Système limbique, émotionnel et affectif) est activé, et le dormeur se réveille terrifié.La raison des cauchemars
A la différence du rêve, lors des cauchemars, les noyaux de la peur sont activés. Ces noyaux réagissent, avant même que nous en ayons conscience, à la moindre perception de quelque danger que ce soit. Si le cerveau peut traiter la peur (fuir, combattre, se protéger en rêve ou dans la réalité), il se sentira en sécurité et pourra analyser la situation. Dans le cas contraire, notre cerveau peut être submergé par des angoisses. Le dormeur, s’il était en train de faire un cauchemar, se réveille alors en sursaut, et peut même être saisi d’une panique totale.
En somme : Tout ce qui est perçu comme menaçant notre intégrité physique ou psychique active les noyaux de la peur et, selon le traitement qui est fait de cette peur, le cerveau génère des cauchemars plus ou moins prégnants.Principaux types de menaces apparaissant dans les cauchemars
– L’agression physique
– Les conflits interpersonnels
– Le sentiment d’impuissance (se trouver dans l’incapacité d’agir)
Notons que les conflits interpersonnels sont perçus comme menaçant notre sentiment de sécurité intérieure. Cela indique l’importance avec laquelle nos relations peuvent nous affecter.Typologie des cauchemars
1) Les cauchemars classiques (ceux évoqués plus haut et qui surviennent durant la phase du sommeil paradoxal)
2) Terreurs nocturnes (surviennent directement après la phase du sommeil profond).
3) Paralysie du sommeil (le rêveur pense être éveillé, alors qu’il est endormi).
4) Cauchemar post-traumatique (suite à des traumatismes : accident, guerre, violence, situations auxquelles l’on n’est pas préparé).Restitution de quelques problématiques lors de notre débatProblématique générale :
– De façon générale, le rêve est perçu comme étant l’expression d’un désir. Le cauchemar, de son côté, serait-il un désir que le cerveau ne peut pas traiter ? Si c’est le cas, il y aurait comme une contradiction du désir : le cerveau désirerait quelque chose qu’il ne peut gérer.
– Selon moi, le cauchemar est plutôt symptomatique d’un traumatisme, il signale un choc. Il n’est pas l’expression d’un désir, mais celui d’une lutte.
– Le contenu du message peut néanmoins avoir du sens, et dans ce cas, il conviendrait davantage d’en comprendre le sens plutôt que de s’en débarrasser.
– Si le cauchemar (ainsi que le rêve) révèle une lecture d’un quelconque incident, de quoi est-ce la lecture ? Qui lit quoi ? Quelles clés avons-nous pour interpréter le message ?De quoi les rêves et les cauchemars sont-ils la lecture ?
– Les rêves et les cauchemars sont une lecture de ce que nous vivons dans la journée. Les évènements sont revus sous formes d’images, de sensations, ils sont accompagnés de sentiments, d’impressions. L’inconscient (ou ce qui en tient lieu dans le cerveau) traduirait à sa manière, et sous forme symbolique, ce que le cerveau perçoit.
– Selon Freud, les rêves/cauchemars échappent à la temporalité ainsi qu’aux conventions et à la notion de bien et de mal. Nos rêves et nos cauchemars seraient une expression «débridée» de notre inconscient. La traduction a-t-elle du sens ou n’est-elle due qu’à l’endormissement du cerveau, à un manque éventuel d’oxygène, à une carence en vitamines, à un dysfonctionnement physique quelconque ?
– Si je me sens oppressé entre mon lit et le mur, ou alors en marchant dans la foule, est-ce que cela a la même signification ?
– Est-ce que l’interprétation des symboles contenus dans un cauchemar apporte une plus grande compréhension de soi-même ? Par ailleurs, la façon d’interpréter le cauchemar le rend-il moins prégnant, et plus facile à gérer ?Différents niveaux de lecture
– Gardons l’exemple où le sentiment d’un cauchemar serait oppressant. Le cauchemar reste une mise en scène de la réalité quotidienne. Pour les tenants des approches CC (cognitives et comportementales), le sentiment prime sur la symbolique, la mise en scène du cauchemar est simplement agencée de telle manière qu’elle est vécue comme oppressante. C’est le sentiment de malaise qui doit être traité, et non la symbolique du rêve qui doit être analysée.
– Notons que le récit que fait le rêveur de son cauchemar peut également faire l’objet d’une « mise en scène », le rêveur peut être très «impressionné» par son propre rêve/cauchemar.En fait, c’est comme s’il y avait plusieurs niveaux de lecture :
1) Le contenu du rêve/cauchemar peut avoir une signification symbolique.
2) Le récit du cauchemar peut faire l’objet d’une transformation, être fantasmé et déformé.
3) On peut ajouter à cela que la relation entre le rêveur et son rêve/cauchemar s’interprète également. Cette relation décrit la nature du lien entre la conscience éveillée du rêveur et les strates les plus profondes de son inconscient. La façon dont le rêveur se positionne face à ses activités oniriques peut être significative de la connaissance qu’il a de lui-même.
L’analyse de ces trois registres peut permettre de dessiner un portrait nuancé du sujet.Est-il utile de cauchemarder ?
– Une étude rapporte que, par exemple, les gens en train de divorcer, et qui en font des cauchemars, semblent, à terme, mieux accepter le divorce que ceux qui n’ont pas du tout cauchemardé : c’est comme si le cauchemar avait préparé son auteur à mieux vivre son épreuve dans la réalité.
– Les rêves/cauchemars s’apparentent à des jeux de simulation, l’inconscient produit différents scénarios et, à la longue il finit par être préparé à l’épreuve.
– Les chercheurs précisent que le cauchemar est traumatisant lorsque cette « mise en scène » n’est plus réparatrice, c’est-à-dire lorsque le cauchemar est répétitif, obsessionnel, et qu’il perturbe gravement le sommeil.
– Les cauchemars ne sont pas « réels » mais le sentiment d’être mis en danger, lui, l’est bel et bien.
– Tous les cauchemars requièrent-ils d’être traités dans la perspective de s’en débarrasser ?L’approche thérapeutique
L’approche dite IRT (Imagery Rehearsal Therapy ou Thérapie par la répétition de l’imagerie modifiée) est de type cognitivo-comportementaliste* (*Les approches cognitives et comportementales visent à modifier des raisonnements et des comportements, contrairement à d’autres approches plus analytiques qui visent la compréhension, l’intégration, une adaptation du sujet à son trauma, d’éventuelles prises de conscience, etc…). La IRT propose, avec l’aide d’un thérapeute, de faire le récit de son cauchemar en vue de s’en approprier les moments-clés. Il s’agit de « revivre » son récit de façon consciente et apaisée. L’étape suivante consiste à inventer d’autres scénarios, et à trouver des issues aux impasses rencontrées dans le cauchemar. On invite par la suite le sujet à répéter en état de veille ces scénarios devenus positifs. Assez rapidement, les sujets constatent que l’ancien circuit neuronal traumatisant du cauchemar devient inopérant, inutile. Les chercheurs constatent presque 100% de résultats positifs.Questions en suspens
– Les cauchemars suivent le registre des peurs. De ce fait nous accumulons des tensions. Les cauchemars jouent-ils alors le rôle de soupape de décompression ? Dans ce cas-là, si la fonction de décompression joue son rôle, les effets du cauchemar sont positifs.
– La structure de l’inconscient peut être de nature « angoissée » car elle peut être mal stabilisée (enfance difficile, cadre peu sécurisant, violences subies…), dans ce cas, le désordre est plus profond : la répétition de scénarios positifs changera-t-elle quelque chose à la nature profonde de l’inconscient ?
– Si le contenu du cauchemar contient un message, n’est-ce pas le décryptage du message qui importe, et qui peut permettre une résolution ?
– Il y a des degrés d’intensité et des degrés de profondeur, comme si les rêves/cauchemars proposaient des façons de voyager dans notre psychisme. Mais le voyage nous conduit-il à nous transformer et à nous changer ?
– Peut-on tout comprendre de soi-même, et se trouver incapable de changer ?En guise de conclusion
– Les thérapies ne sont pas des sciences exactes, d’autant plus que la demande du patient n’est pas toujours très claire. Veut-il être soulagé, veut-il simplement mieux se connaître, veut-il se comprendre lui-même ? Veut-il comprendre les ressorts les plus profonds de son inconscient ? Aspire-t-il à se changer lui-même ? Veut-il être aimé sans condition et revivre via le thérapeute un transfert impossible ?
Les questions restent ouvertes. Quelqu’un d’autre peut-il répondre à notre place ? Sommes-nous tenus de nous mettre en danger, de prendre le risque d’affronter nos peurs pour apprendre à mieux nous connaître ?14 juillet 2014 à 7h20 #5047La carte mentale du sujet
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CartementaleLescauchemarsfaut-illesgarderousendbarrasser.pdf -
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