Cafephilos Forums Les cafés philo Les sujets du café philo d’Annemasse Peut-on sortir du nihilisme ? Sujet ce lundi 12.02.2024 à 19h00. Restaurant l’Atlas. 16, place de l’Hotel de Ville. Annemasse.

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    René
    Maître des clés

      Rencontres philo pour le monde d’aujourd’hui, tous les lundis à 19h00
      NOUVEAU LIEU BRASSERIE L’ATLAS, 16, place de l’Hôtel de Ville. 74100 ANNEMASSE
      juste à côté de l’ancien lieu, la Taverne

      Sujet ce lundi à 12/02/2024 : Peut-on sortir du nihilisme ?

      La question m’est suggérée par Pierre Zaoui, dans Philomag (lien ici)
      et secondairement, par l’un des liens transmis la dernière fois, celui de Mohamed Amer Meziane pour, Histoire écologique et raciale de la sécularisation” Lien ici. (mais les ressources sont données plus bas).

      Quel est le problème ?
      Il semble, d’après la philosophie, qu’on ne peut que sortir de la position nihiliste.  Les nécessités climatiques et environnementales (second lien) nous le demandent également. Or, le monde avance en ordre dispersé selon les besoins des différents pays et selon les rapports de rivalités qui se dessinent entre eux, entre blocs, entre continents, régions et selon des affinités de culture (Moyen Orient, Asiatique, Inde, Afrique, Perse, Occident, Amérique du Sud). A partir de ses disparités, le monde apparait comme dépourvu de sens, c’est-à-dire, sans sens, sans rien, nihiliste, comme le constatait déjà Nietzsche. La question est donc, peut-on sortir du nihilisme ? Et si oui, à quel prix, selon quelles réponses, quelles conséquences, quelles conditions, quelle étique, etc ?

      Ci-dessous, article copié-collé ci de Pierre Zaoui, puis les autres ressources suivent après.

      Pierre Zaoui, propos recueillis par Sven Ortoli publié le 10 novembre 2023
      Durée de lecture : 9 min

      Pour le philosophe Pierre Zaoui, la philosophie, avec ou sans marteau, permet – c’est sa tâche primordiale –, d’échapper au nihilisme. Et participe du réenchantement du monde. Pour faire face au réel qui est le nôtre, mur climatique en tête, penser philosophiquement est une promesse de joie qu’on aurait tort de dédaigner. Démonstration.

      Quel a été votre premier contact avec la philosophie ?

      Pierre Zaoui : Je pense que ce « premier contact », un peu comme le trauma chez Freud, a eu lieu deux fois. Il a d’abord eu lieu très, très tôt, dans ma petite enfance. J’étais un enfant à la fois très solitaire et très entouré, aimé et rejeté, malheureux et heureux, lourd et léger. Dans tout ce que je faisais ou vivais, il y avait presque toujours un écart, un hiatus, quelque chose qui clochait entre les mots et les choses, entre les choses et les affects, entre les affects et les idées. Évidemment, pour paraphraser Proust, ce n’est que bien plus tard que j’ai compris : cette discordance originelle et problématique entre le monde et le moi comme entre moi et moi constituait l’espace idéal pour le surgissement du questionnement philosophique. Mais le pli était pris ; je me suis très tôt mis à aimer être en discussion avec les choses ou les êtres plutôt qu’en adhésion ou en rejet.

      Ensuite, il y a eu un réveil de ce pli, non en classe de terminale mais en classe de première quand on a étudié Candide. De manière désopilante, Voltaire y décrit son héros, au milieu de la guerre entre les Abares et les Bulgares, « tremblant comme un philosophe ». Je ne savais pas encore bien ce qu’était la philosophie mais s’ouvrait devant moi la possibilité d’un jeu et d’une autodérision avec la discordance qui me ravit littéralement : la philosophie m’est apparue comme la promesse d’une vie sans place ni image assignées, possiblement rieuse et légère alors que j’avais vécu jusque-là mon désaccord avec l’ordre des choses sous le signe du malheur et de l’exil.

      Y a-t-il eu un moment « eurêka » où vous avez compris la spécificité de la philo ?

      Spontanément, je dirais deux fois non. Non, ce ne fut pas un eurêka parce qu’eurêka veut dire « j’ai trouvé » en grec, et Archimède est un savant, non un philosophe. Au contraire, il me semble que l’éveil philosophique surgit quand on se met en recherche sans souci de trouver ou pas quelque chose. Ce qui fait le charme incomparable des premiers dialogues de Platon : peu importe si nos recherches sont aporétiques, l’important c’est d’être « en recherche ».

      Ce fut encore moins la compréhension d’une spécificité puisque la philosophie m’apparaissait (et m’apparaît toujours) comme un discours absolument libre et non spécifique. Il y a différentes espèces et genres de philosophie, mais le philosophique en tant que tel est sans espèce, sans genre, sans ordre. On peut choisir l’ordre des raisons, mais il y a aussi l’ordre de l’expérience, et on peut encore philosopher au hasard des rencontres. C’est pourquoi on peut trouver de la philosophie partout, chez n’importe quel interlocuteur et dans tous les ordres de discours : dans les discours théologiques, politiques, scientifiques, artistiques, amoureux, etc.

      Maintenant, pour moins faire le malin et -répondre malgré tout à votre question, je pourrais vous dire aussi que j’ai vécu comme une révélation la première lecture de l’Éthiquede Spinoza pendant l’été entre la première et la terminale. Je n’y ai à peu près rien compris sauf justement cela, la non-spécificité spécifique du discours -philosophique. Sous la plume de Spinoza, la philosophie devenait cette prétention non seulement à penser absolument tout – la Nature infinie et l’affect le plus ténu (le chatouillement) –, mais aussi à articuler ces deux registres, à penser l’infini dans le fini et le fini dans l’infini. Prétention parfaitement folle et parfaitement sensée : j’ai su tout de suite que c’était fait pour moi.

      Comment expliquer ce déclic ?

      Expliquer, c’est un peu autre chose. Jusque-là je vous ai seulement raconté une jolie histoire mais, si on veut expliquer, il faut creuser un peu dans les souterrains de la vie de l’esprit. Il y a évidemment des raisons politiques et socio-économiques : je suis né dans un État (relativement) démocratique, avec un système éducatif public qui, à l’époque, n’avait pas été massivement mis à sac, sans connaître ni la guerre ni la misère. Comme dit Marx : « Les philosophes ne poussent pas comme des champignons. » Mais dire cela est évidemment insuffisant pour expliquer mon parcours personnel ; ça explique seulement pourquoi il y a plus de philosophes aujourd’hui en France qu’en Russie, même si les temps changent. Plus intimement : qu’est-ce qui m’a fait m’orienter vers des études de philosophie alors que j’avais été formaté pour devenir ingénieur ou commerçant par une famille et un milieu petit-bourgeois, anti-intellectuel, qui méprisait profondément les livres et les professeurs (aujourd’hui, c’est un peu la norme, mais ils étaient en avance sur leur temps…) ? Ce n’était pas un choix, mais une nécessité. Qui tenait à quoi ? Sans doute à une coalescence de motifs avouables et inavouables, car on ne s’oriente pas vers la philosophie que pour de bonnes raisons ! Parmi les motifs inavouables, il y avait sans doute une très grande volonté de puissance qui trouvait sa jouissance dans cette promesse d’un regard souverain sur toute chose. Freud apparente le discours philosophique au discours mégalomaniaque ou -paranoïaque, et il n’a pas complètement tort. Il y avait sans doute aussi un désir légèrement immature et vaguement mystique d’emmerder mes parents et leur vie de bourgeois. Je crois que j’ai vécu un peu l’appel philosophique comme l’appel de Dieu à Abraham au début de Genèse 12 : tu quitteras ta parenté et la maison de ton père et me suivras où je te guiderai. Quand on est athée et plus vieux, ce genre d’analogie fait quand même un peu sourire.

      “Deleuze remarque qu’on devient parfois bon en latin en tombant amoureux. C’est encore plus vrai pour la philosophie”

      Heureusement, il y avait sans doute aussi des raisons plus avouables. Des rencontres avec des professeurs de philosophie formidables en hypokhâgne et en khâgne, mais aussi de lettres au lycée comme au collège : il est si précieux de rencontrer des esprits séduisants et hors des clous quand on est encore jeune. Le fait aussi d’être à l’époque très amoureux. Deleuze remarque qu’on devient parfois bon en latin en tombant amoureux. C’est encore plus vrai pour la philosophie. Quand on est un jeune amoureux ou une jeune amoureuse, on veut offrir à l’être aimé la Lune et le Soleil, et la philosophie comme la poésie s’y prêtent sans doute mieux que le negotium. Phèdreet Le Banquet de Platon le disent mieux que personne : l’amour comme propédeutique à la philosophie. Et puis il faudrait ajouter encore des motifs beaucoup plus imperceptibles. Par exemple, j’ai eu la chance d’être élevé par une grand-mère un peu lunaire et très anti-autoritaire, davantage par inaptitude à l’autorité que par idéologie, qui nous a essentiellement éduqués à l’indicatif. Une pédagogie à l’impératif, qui n’est qu’une succession de mots d’ordre (« range ta chambre », « fais tes devoirs », etc.), c’est ravageur pour le désir de philosopher. Mais quand vous avez la chance d’entendre votre grand-mère un peu perchée s’exclamer « Oh que j’aime toute cette verdure ! » alors que la voiture traverse un champ de colza, c’est plus curieux – ça donne à penser, c’est une bien meilleure école.

      Bref, je ne crois pas qu’il y ait un déclic pour entrer en philosophie, plutôt une série en droit infinie de petites influences perceptibles et imperceptibles qui empêche de dire qu’on a choisi d’étudier la philosophie – c’est elle qui nous a choisi –, série qu’on ne cesse de reconstruire différemment chaque fois qu’on y pense.

      La philosophie vous a-t-elle entraîné à brûler ce que vous adoriez, à remettre en question vos certitudes ? Avez-vous ressenti une perte de repères et, si oui, une forme de désespoir ?

      Je ne crois pas avoir jamais volontairement -brûlé quoi que ce soit ni qui que ce soit de réel ! Tenter de philosopher, ce n’est pas jouer à Savonarole. Nietzsche n’était pas un Taliban appelant à détruire les statues de Bâmiyân ; il cherchait simplement à mesurer la solidité de certaines croyances et certains mots à majuscule – Dieu, la Vérité, l’Amour, la Grammaire, les Essences, les Apparences… – en les tapotant un peu avec son marteau imaginaire : ça se fracasse au premier choc ? Ça sonne creux ? Ou, au contraire, ça résiste et ça sonne bien consistant ? Ce n’est pas du tout du Tristan Tzara ou du nihilisme russe.

      “La philosophie n’est ni un ring, ni un martyrologe, ni un marché : c’est un lieu, mi-utopique mi-réel”

      De mon côté, je reste spinoziste : je crois que philosopher n’est jamais une perte ou un désespoir, une angoisse ou un souci, mais toujours une joie et une libération ; dès qu’on parvient à avoir une idée, à forger un concept, même tout petit et imparfait, c’est une joie. Même si on « se trompe », même si l’adéquation au réel se fait mal – on ne se trompe jamais complètement, car une idée inexacte ou un peu floue n’est jamais complètement vide. Par exemple, quand je suis entré en philosophie, je me suis d’abord défini comme marxiste et on a fondé avec des amis un groupe qui s’appelait « Le couteau entre les dents ». C’était l’année de la chute du mur de Berlin : on ne peut pas franchement dire qu’on avait le sens de l’histoire. Quand, en revanche, deux ans plus tard, on s’oppose fermement à la guerre du Golfe parce qu’on voit dans l’intervention américaine en Irak une cascade de désastres à venir sans fin, je crois qu’on voit juste. Mais ce n’était ni dramatique dans le premier cas (à condition de reconnaître après coup son aveuglement, sinon ce n’est plus de la philosophie mais de l’idéologie) ni gratifiant dans le second (le syndrome de Cassandre est la pire maladie de la philosophie). Bref, penser philosophiquement, c’est-à-dire questionner, déplacer, inventer, est toujours une joie, mais pas le fait d’avoir raison avec Aron, d’avoir tort avec Sartre ou d’avoir raison ou tort contre tout le monde. La philosophie n’est ni un ring, ni un martyrologe, ni un marché : c’est un lieu, mi-utopique mi-réel, où l’on est immédiatement prêt à fêter l’autre si son discours nous semble plus juste, mieux fondé, plus efficace ; la promesse un peu irréelle et pourtant très concrète d’une suspension réelle de toute la boue du cœur humain – la vanité, la jalousie, l’envie, le désir d’avoir raison, le stupide esprit de contradiction, etc.

      S’il y a donc du désespoir ou une grande tristesse qui nous envahit tous plus ou moins aujourd’hui, ce n’est pas dû à la philosophie mais seulement au réel – ce qui nous tombe dessus, ce qu’on ne maîtrise pas, ce qui est plus fort que nous et nous empêche de penser. Le réchauffement climatique, la guerre en Ukraine, la montée des fascismes un peu partout dans le monde, ce n’est pas de la philosophie : c’est du réel. Le capitalisme inégalitaire et écocidaire, le racisme, le masculinisme, les téléphones portables, les réseaux sociaux, c’est du réel gluant, abrutissant, affreux, qui est la négation même de la philosophie.

      Une recette pour échapper au nihilisme ?

      Continuer de philosopher, justement ! Car échapper au nihilisme me semble avoir toujours été la tâche primordiale de la philosophie. Nietzsche n’a pas tort de voir les ferments du nihilisme, c’est-à-dire de la dépréciation de toutes les valeurs de la vie, dans les premières religions monothéistes ou sans dieu : le judaïsme, le christianisme, le bouddhisme… Car toutes ces religions n’ont eu de cesse de dévaluer le désir, l’amour transitoire, le combat, l’attachement, le contingent. Et cela vaut peut-être même pour le polythéisme athénien et démocratique (c’est la démocratie polythéiste d’Athènes qui condamne à mort Socrate). Dans toutes les religions qui trafiquent avec le transcendant, on se retrouve face à l’alternative funeste ou à la terrible double pince : soit on y croit ou on y adhère, alors tout est dévalué ici-bas et on est déjà nihiliste ; soit on n’y croit plus, mais comme il n’y a rien d’autre, on est voué plus encore au nihilisme. Au contraire, philosopher consiste d’abord à desserrer une telle double pince : à sauver la transcendance de la dévaluation systématique de l’immanent ; et à sauver l’immanent de sa réduction à la nausée, pour parler comme Sartre, ou à la folie du jour, pour parler comme Blanchot. La plus belle formule contre le nihilisme, c’est peut-être Spinoza qui l’énonce : « Dieu s’aime lui-même d’un amour intellectuel infini. » Autrement dit, si on accepte son hypothèse panthéiste, tout devient aimable et digne de valeur, donc le contraire du nihilisme, dès qu’on est capable de le penser. La philosophie, à cette aune, n’est rien d’autre qu’un formidable réenchantement du monde qui en expulse tout sentiment de vacuité ou de néant.

      Extrait d’un autre article de Philomag, de Martin Duru publié le 28 septembre 2012.

      « Nous sommes fatigués de l’homme » Friedrich Nietzsche, La Généalogie de la morale

      Le philosophe allemand nomme nihilisme ce mal qui pousse l’homme à renoncer à s’interroger sur sa condition et le plonge dans la dépression. Cet homme est fatigué – et fatigant offre tous les symptômes d’un mal profond que Friedrich Nietzsche a baptisé du nom de nihilisme.

      Qu’est-ce donc que cette pathologie inquiétante ? Sous ce terme, l’auteur de la Généalogie de la morale entend un mouvement fatal de dépréciation de la vie. La « volonté de puissance », concept central qui désigne l’aspiration de chacun à déployer ses forces dans le monde, se retourne contre elle-même et développe une logique de ressentiment contre le réel. Du coup, l’existence ici-bas est rejetée au profit de constructions spéculatives instaurant une vérité transcendante, à l’image du monde intelligible platonicien ou de l’au-delà chrétien. De telles fictions de nature métaphysique et religieuse ont précisément pour vocation de dénigrer l’ordre du sensible.

      Selon le philosophe allemand, le nihilisme est implanté dans les gênes mêmes de l’Occident et, à ce titre, il prend son essor au cours de l’histoire, jusqu’à atteindre son paroxysme à l’époque moderne. L’humanité européenne entre alors dans une ère indéfinie de déperdition du sens, pris dans sa double acception de signification et de direction. Les valeurs existantes se dévalorisent, « les buts font défaut ». L’indifférence se propage tel un désert et désormais l’homme ne veut plus que le « rien ». Il renonce à s’interroger et à créer, il n’est plus porté par aucun projet… y compris pour lui-même. L’homme a cessé de croire en ses possibilités. La petite phrase marque ainsi le sceau d’un nihilisme achevé : l’homme démissionne de sa propre vie et se vide de tout désir d’avenir. Sa condition lui paraît un fardeau insupportable et il s’oublie dans le travail acharné et la recherche du confort matériel.

      Sombre tableau que cet homme ayant perdu toute foi en lui-même – sombre, mais d’actualité. Le spectre du nihilisme moderne continue de hanter notre monde contemporain. Le sociologue français Alain Ehrenberg décrit ainsi le dépressif comme un être qui, dans nos sociétés où l’initiative et la performance individuelles sont érigées en impératifs catégoriques, éprouve une soudaine « fatigue d’être soi » et se retrouve dans l’incapacité de se donner des perspectives pour le futur. L’homme las de lui-même a encore de beaux jours devant lui.

      Ressources par rapport au nihilisme :
      Comme si de rien n’était… (typologie des nihilismes) Article de Open Edition. 
      Le nihilisme comme destin de la philosophie moderne. Le diagnostic de Jacobi et de Fichte. Article Cairn. 
      Le « marteau » de Nietzsche contre le nihilisme. Article de Jean-Pierre Moussaron dans Open Edition. 
      Le nihilisme en 6 minutes ! (Bac Philo). Une vidéo de base,
      Le nihilisme selon Nietzsche. Par la Caverne des idées. Durée 15mn
      Mohamed Amer Meziane, agrégé et docteur en philosophie, invité de l’historien Julien Théry pour ses deux livres, “Des Empires sous la terre. Histoire écologique et raciale de la sécularisation” (éd. La Découverte), et “Au bord des mondes. Vers une anthropologie métaphysique” (éd. Vues de l’Esprit). Durée 35mn. 
      Les labyrinthes face au nihilisme. Article dans Implications Philosophiques. 

      Une définition : du latin nihil, « rien ». Attitude ou doctrine qui nie l’être et l’absolu.
      Parfois associé au scepticisme, au pessimisme, à l’anomie, à l’absence de toute valeur, mais aussi à la critique, au relativisme, à l’ontologie, voire à l’utilitarisme.

      Le mot “nihilisme” apparut pour la toute première fois en 1763. Il était alors associé à la théologie chrétienne. Il fut ensuite repris en 1787 par Jacob Hermann Obereit, reprochant à Emmanuel Kant le traitement d’un sujet selon une méthode spéculative. Il fut ensuite utilisé par l’écrivain russe Ivan Tourgueniev, en 1861, pour qualifier une critique sociale radicale russe ayant perdu ses illusions face à de nouvelles réformes sociales. Ça n’est cependant qu’avec le philosophe allemand Friedrich Nietzsche que ce terme prit réellement son sens philosophique, pour désigner un scepticisme absolu.
      Chez Heidegger, le nihilisme désigne l’étape ultime de l’oubli de l’être : l’âge de la vision technique du monde où tout se vaut.

      Selon Friedrich Nietzsche, il existe deux formes principales de nihilisme :
      1° le nihilisme passif juge que le monde n’existe pas comme il devrait être. Il affirme que le monde juste est totalement absent de notre société et que, de ce fait, l’existence n’a aucun sens. Il conduit alors les faibles à renier la vie ;
      2° le nihilisme actif est plutôt considéré comme un nihilisme “des forts”. Il consiste à abandonner certaines valeurs pour en adopter de nouvelles. Ici, nul n’est abattu. L’idée est de dépasser le nihilisme pour se réinventer et évoluer.

      Une ou deux citations :
      « il eût mieux valu que le monde n’existât pas car tout ce qui existe est digne d’être détruit”.
      Méphistophélès in Faust. Goethe

      “Le nihiliste philosophe est dans la conviction que tout ce qui arrive est absurde et vain ; et il ne devrait rien y avoir d’absurde ni de vain. Mais d’où vient ce : il ne devrait ?”
      Nietzsche. La Volonté de puissance, livre 1 : le Nihilisme européen.

      Au cas où, d’autres références par rapport à la désoccidentalisation du monde
      –  
      La desoccidentalisation du monde, une bonne ou une mauvaise chose ? Institut La Boétie
      –  Maurice Godelier invité par Pascal Boniface. Durée 26
      Maurice Godelier, comment l’occident s’empare du monde ? Durée 1h36 (décembre 2023)

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      Le compte rendu du sujet dernier (en mode vidéo) : Distinguer la pulsion du comportement. Cliquer ici. 

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      Règles de base du groupe
      – La parole est donnée dans l’ordre des demandes, avec une priorité à ceux qui s’expriment le moins.
      – Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.

      Pour limiter les effets de dispersion dans le débat
      – On s’efforce de relier son intervention à la question de départ, de mettre en lien ce que l’on dit avec ce qui a été dit.
      – Pour favoriser une circulation de la parole, de sorte à co-construire le débat avec les autres participants, on reste concis.
      – On s’attache davantage à expliquer la raison de sa pensée, plutôt qu’à défendre une opinion.
      – On s’efforce de faire progresser le débat.
      – Concrètement, on évite de multiplier les exemples, de citer de longues expériences, de se lancer dans de longues explications, mais on va au fait de son argumentation.

      > Le moment de la conclusion peut donner l’occasion d’un exercice particulier :
      – On peut dire ce que l’on pense des modalités du débat.
      – On peut faire une petite synthèse d’un parcours de la réflexion.
      – On peut dire ce qui nous a le plus interpelé, ce que l’on retient.
      – On peut se référer à un auteur et penser la thématique selon ce qu’aurait été son point de vue.
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      Avec ou sans préparation, chacun est le bienvenu, les cafés philo sont par définition, contre toute forme de discrimination et de sélection par la classe sociale, le niveau scolaire, etc.

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      René Guichardan, café philo d’Annemasse.
      > Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse, ici.
      – Le café philo à la Maison Rousseau Littérature à Genève, le premier vendredi du mois, c’est ici.
      Le café philo des ados de Evelaure. Annemasse.
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      #7204
      René
      Maître des clés

        Compte rendu vidéo 1. Peut-on sortir du nihilisme ? Cliquer ici.

        En fait, il ne peut y avoir, littéralement parlant, une doctrine de “rien”, car il y a toujours quelque chose d’existant, et donc, une puissance de vie, dirait Nietzsche, “quelque chose plutôt que rien”, dirait Leibniz ou un chaos primordial selon l’antiquité grecque, etc.

        > De fait, l’idée du “rien” traduit avant tout l’absurdité immédiate de la vie, son absence de valeur et, par conséquent, les tourments, voire les ressentiments qui lui sont liés. (Le manque de justice peut être ressenti autant du coté de l’absence d’un “dieu”, que du côté de la justice sociale (inégalité sociale) ou de la fabrique des lois par nos élus au sein de l’appareil gouvernemental.


        Le nihilisme ne se limite pas à nos croyances personnelles… On peut très bien se sentir bien, mais si le nihilisme est tout autour de nous, quelle belle affaire ! De fait, si l’absence de sens est “partout”, quelle part prenons-nous sur nous pour en rajouter un peu ?
        Mais se peut-il alors que nous participions à une autre forme de nihilisme…?

        Fondamentalement, la question ne vaut pas que pour soi, car pour soi, on peut trouver toutes les réponses qui siéent à notre psychologie.

         

        Et Benoît posa une bonne question :

        Pour François, c’est plutôt : moins je crois en de choses, plus je me réjouis, car je dois compter sur moi pour élaborer ma propre pensée. Et, ci-dessous, à Hischème et Nadège de répondre :

        De nombreuses causes sont associés au nihilisme aujourd’hui, c’est-à-dire à une absence de sens social, politique et géopolitique. La cause globale étant la marchandisation du monde et une logique économique guidée sur la financiarisation qui font que de grandes multinationales sont aussi puissantes que certains Etats. Tous se mettent en compétition les uns contre les autres, quoiqu’il en coûte à leur population, par les guerres, les maladies et l’effondrement des administrations de la santé, de la justice, de l’éducation, tandis que les inégalités se creusent et que le budget des armées augmentent.

        Or, nulle part dans les pays occidentaux, et dit “démocratique”, on ne voit des élus prendre en considération les populations.

         le vidéo 2 est ici.

        Il a y des degrés de nihilisme (une intensité destructive ou constructive), mais aussi des lieus, des domaines où la puissance destructive-constructive de la vie se joue.

        En fait, il apparait rapidement que chacun garde en lui un rapport à une forme de croyance (en la démocratie, si ce n’est en les membres de notre gouvernement d’aujourd’hui, en la technique, en la transition énergétique, en l’économie ou en la philosophie… On pose nécessairement un petit quelque chose devant soi pour s’autoriser à faire des pas.

        Pour faire appel au surhumain en soi, il ne faut pas redouter les forces les plus instinctives et pulsionnelles que nous portons en nous. En fait, Nietzsche observe que les “religions” (toutes les religions et les morales) sont des marchés de dupes qui ne veulent que soumettre l’homme, et non le révéler à lui-même… à sa vraie puissance, et qui est celle qui est à l’oeuvre même dans la nature.

        Nietzsche fait usage de la métaphore du chameau, du lion et de l’enfant. La question de la puissance n’est pas le pouvoir que l’on exerce sur les autres…mais celle que l’on sait faire parler en soi et rencontrer en l’autre.

        L’esprit se sent chameau et il se charge des plus lourds fardeaux pour endurer les pires épreuves. Le chameau s’inscrit dans histoire d’une lignée basée sur l’endurance et la force d’assumer les épreuves de la vie. Mais il se retrouve dans le désert et la solitude de sa réussite. Pour se libérer de son mal et de sa charge, il se métamorphose en lion et affirme, “je veux”. Ce stade correspond souvent à l’injonction : « si on veut, on peut ».  Le chameau devenu lion s’émancipe, gagne en autonomie, refuse de se soumettre et fait plier le genou au chameau qui est en lui. Mais pourquoi faut-il que le lion féroce devienne enfant, demande Zarathoustra. La réponse ne tarde pas : “L’enfant est innocence et oubli, un nouveau commencement et un jeu, une roue qui roule sur elle-même, un premier mouvement, un ‘oui’ sacré.”
        En somme, pour retrouver l’origine du monde en soi, il faut faire appel à l’enfant en soi et inventer, ou rappeler à soi de nouvelles valeurs qu’il saura nous suggérer. C’est enfant qu’il faut devenir.

        Mais il s’agit de répondre à la question de Nadège : en quoi, aujourd’hui, peut-on dire que nous sommes dans une période de nihilisme ?

        La 3ème vidéo est ici. Oui, j’ai beaucoup de retard pour les poster les schémas des vidéos dans le forum. !

        Merci de votre attention. Ps : si vous souhaitez avoir les schémas, merci de m’envoyer un mot.
        Si personne ne les demande, c’est qu’ils n’intéressent personne, n’est-ce pas ? 😉

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