Cafephilos Forums Les cafés philo Des cafés philo sur Grenoble De la révolution des sentiments, qu’en est-il de nos émotions et de nos sentiments ? Sujet pour le mercredi 4.12.2024, au Café des Arts. Grenoble.

3 sujets de 1 à 3 (sur un total de 3)
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    Messages
  • #7655
    René
    Maître des clés

      Merci à l’équipe du Café des Arts (36, rue St-Laurent, Grenoble) d’accueillir une pratique des cafés philo dans leur bel espace (voir leur page Evenements ici)

      En pratique, on se retrouve le premier mercredi du mois à 18h30
      Merci de venir un peu plus tôt pour prendre sa boisson, se mettre en place de sorte à démarrer à 18h30)
      Durée des débats (1h30 environ)

      Sujet proposé pour le mercredi 4 décembre 2024 :
      De la révolution des sentiments, qu’en est-il de nos émotions et de nos sentiments ? Y a-t-il quelque chose telle qu’une émotion ou des sentiments collectifs ?

      C’est l’ouvrage de Sophie Wahnich qui me suggère cette question.

      Explorons la question, qu’est-ce que supposent des émotions ou des sentiments collectifs ?
      Comment sont-ils liés à nos structures émotionnelles et affectives personnelles ?
      Quels rapports ont-ils avec les structures normatives, éducatives, institutionnelles, technologiques et étatiques ?

      Je présenterai brièvement la thématique de l’ouvrage en question, mais il ne s’agira pas pour nous, lors de débat, de nous y référer uniquement. Les savoirs et les expériences de chacun, quant à la question de leurs émotions, sentiments personnels et de leur rapport à autrui et au collectif sont susceptibles d’être suffisamment riches pour nous donner d’une part, à voir si nous nous comprenons et, d’autre part, à aller plus loin que là où nous en sommes de notre pensée et de nos prises de conscience en général par rapport à ce sujet.

      Éléments de définition : Les sentiments sociaux, c’est l’amour, l’amitié, la fraternité, et tout ce qui permet de faire lien entre des personnes, ça construit des liens sur le long terme. Par comparaison, les émotions, c’est la peur, l’effroi, la colère, et ce qui relève de l’expression sur le moment. Entendu dans l’interview de Sophie Wahnich à la Libraire Mollat (cliquer ici).

      Des références par rapport aux travaux de Sophie Wahnich
      (pour celles/ceux qui le souhaitent) :
      – Rythmes et révolutions. Conférence de Sophie Wahnich, ici.
      Basculements et imaginaires sociaux-politiques, exemple, la destitution du roi. Conférence ici.
      Dans ce forum, vous trouverez d’autres liens vers des conférences de Sophie Wahnich.
      Boris Cyrulnick, autour du thème de la guerre et de l’écologie. Interview ici, durée 30mn.
      Une interview tv de Cyrulnick pour réhabiliter le terme de résilience (en rapport avec son dernier bouquin) + les conditions du pardon. Durée 20mn

      Quelques règles concernant nos échanges
      – Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.
      – Pas d’attaque ad hominem /ad persona.
      – On essaie de rendre compte des raisons de sa pensée et de faire évoluer le débat.
      – Chacun est le bienvenu, quels que soient sa formation, sa confession, son niveau de vie et ses références philosophiques.

      Mon approche des cafés philo.
      Elle est plutôt non-directive, centrée sur les questions des participants. Nous nous efforçons de faire évoluer le débat au fur et à mesure de nos échanges. On cherche à rendre claire nos pensées autant pour soi que pour les participants présents.
      Nous partons du principe que chaque participant est adulte, autonome, responsable de ses dires, de son comportement et curieux d’examiner aussi bien les raisons de sa pensée que de celles d’autrui.
      Dans l’idée, nous nous appuyons sur le fait que le partage de nos réflexions et d’une écoute compréhensive est susceptible d’être profitable à tous, autant qu’à soi-même.

      Ce que le café philo n’est pas :
      Le café philo n’est pas un défouloir de ses inhibitions, ni un lieu de propagande pour déclamer ses croyances et convictions. L’effort porte bien sur une réflexivité mise en partage.

      Une biographie.
      – Rédaction d’un mémoire de maîtrise sur les cafés philo dans le cadre d’un diplôme de pratiques sociales (Collège Coopératif Rhône-Alpes / Université Lyon 2)
      – Administrateur du site des cafés philo.
      – Animation du café philo d’Annemasse depuis les années 1995 (voir ici les derniers comptes rendus)
      – Mon approche s’inspire de celle de Michel Tozzi (voir ici sa définition), sans y être aussi formelle (c’est une visée) et elle s’adresse surtout à des adultes (non à des enfants)
      – Actuellement (septembre 2024), j’entame un parcours de licence en philosophie (UGA Grenoble).
      – L’année passée (2023), j’ai entamé un DU sur les pratiques philosophiques.

      ————————————-
      René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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      Le NOUVEAU CAFE PHILO AUTO-GERE D’ANNEMASSE. Info et forum ici.
      > Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse d’avant, (avec comptes-rendus) ici.
      Ici, nous postons des cours, interviews, conférences dont nous avons apprécié la consistance philosophique
      – Lien pour recevoir notre newsletter Cliquer ici, puis sur Rejoindre le groupe.
      > Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici, Annemasse et Grenoble peuvent s’y retrouver)
      Le programme du Café des Arts. Grenoble, est ici.

      #7666
      René
      Maître des clés

        Un compte rendu organisé par thématique de notre échange
        De la révolution des sentiments, qu’en est-il de nos émotions et de nos sentiments ? Quel rapport entre les émotions/sentiments personnels et ceux du collectif ?

        Tout d’abord, un grand merci à Sophie Wahnich (ses publications sur le site HAL Sciences ouvertes sont ici) qui nous a fait la surprise de participer à notre café philo. Elle a pris place discrètement parmi les autres participants et a tenu à s’inscrire dans notre mode de fonctionnement (en demandant la parole à son tour, en faisant proposition de ses interventions, sans les imposer par des tournures d’autorité), et en rajoutant prudemment, « il me semble », lorsqu’il fallait distinguer les faits de leur interprétation.

        Un préalable à préciser en tant qu’animateur
        Je n’ignorais pas que le sujet des émotions / sentiments, tel qu’annoncé en introduction, était trop ouvert. S’il m’a été inspiré par l’ouvrage et les travaux de Sophie Wahnich (ici, des conférences avec des prises de notes sur notre forum), j’ai bien senti le grand écart « conceptuel et paradigmatique » qu’il fallait opérer pour joindre tous les bouts : entre les émotions telles que les définissent les neurosciences, la psychologie, l’éthologie, la philosophie, les approches du développement personnel et, par ailleurs, les émotions du collectif selon une approche à la fois historique et anthropologique de Sophie Wahnich.  La gymnastique n’a pas été parmi les simples pour rester à l’écoute d’organiser le tout, spontanément, dans un débat.

        Cela dit, pour ce « compte rendu », j’ai malgré tout repéré quelques thématiques et questions. Précisons que chacun des participants, et tout lecteur de ce forum, peut se prêter à l’exercice du partage de sa réflexion ou des questions qu’il se pose, plus bas et à la suite de ce message. Merci de votre attention.

        Plusieurs thématiques se sont entrecroisées durant notre échange, les voici résumées :

        Du rapport entre émotion et sentiment sur le plan individuel et collectif,
        > Comment l’historicité personnelle s’articule avec celle du collectif (l’histoire qui est faite de ce collectif et les discours qui y sont tenus) ?
        >> de soi à soi-même, de soi aux proches, de soi à des collectifs (communautés), de soi à l’institution, à l’Etat (le territoire), à la nation (la population dans sa diversité et répondant des mêmes lois sur un territoire donné) : comment les émotions et sentiments circulent de proche en proche et constituent un « collectif », une identité de valeurs et d’appartenance à un pays donné ?

        De l’émotion et de nos difficultés personnelles à les vivre, à les éprouver, à les reconnaître, à les partager (mais pourquoi donc avons-nous des problèmes avec nos émotions ?)
        > Ce que demande le travail sur soi pour « intégrer » (assumer, reconnaître, intégrer ou accueillir) ses émotions (tous les registres de nos émotions ?). Jusqu’où savons-nous, pouvons-nous toutes les intégrer ? Nos émotions – certaines d’entre elles, peuvent-elles être « dangereuses » pour nous-mêmes ?
        > Dès lors, si nos émotions nous emprisonnent, comment faisons-nous « lien » avec le collectif dans lequel, nécessairement, nous sommes inscrits. Sommes-nous un empire dans un empire ? contesterait Spinoza (et plus prosaïquement tout sociologue et anthropologue).

        Du rapport entre l’émotion animale et l’émotion des êtres humains.
        >  L’émotion animale est-elle la même (de même nature, expression, sensibilité) que l’émotion humaine ?
        >  L’émotion des animaux domestiques,  du petit élevage d’une ferme,  de l’industrie alimentaire et celle des animaux sauvages doit-elle être considérée sur le mode d’une égalité de principe ?
        > A quoi, conceptuellement, rattacher les animaux, l’environnement et la nature elle-même puisque nous dépendons d’eux, et que les actions que nous avons sur eux ont des répercussions sur nous ?
        > Comment la sensibilité à l’égard des animaux devient-elle un objet social sensible, politique, voire polémique ou, à l’inverse, comment cette question de la sensibilité à l’animal va-t-elle se trouver marginalisée ?

        – De la socialisation par les outils informatiques et de la socialisation dans la vie réelle.
        Comment se structure une nouvelle carte émotionnelle de nos relations et de la socialisation en train de se faire dans le monde d’aujourd’hui ? (Une schizophrénie numérique, voir Anne Alombert pour cette thématique, ici ) C’est comme si les lieux de la fabrique de notre « socialisation » (de nos appartenances) se multipliaient à ce point, que nous n’appartenions plus à rien de « concret », d’opérationnel, d’effectif. Sommes-nous incarnés ou désincarnés entre le monde des « Idées » et la réalité du monde ?

        Clairement, nous ne pouvions pas répondre à toutes ses questions et, si nous n’en avions prise qu’une seule, il m’aurait fallu mieux la préparer en amont. Mais je m’en explique plus bas, dans le paragraphe : le café philo n’est pas un cours de philo ni un atelier de philo, mais un dispositif de la rencontre de la pensée (de la réflexion) – de celle des autres et de la sienne en train de se faire.

        La question de la définition des émotions
        Bien que la frontière entre émotion et sentiment ne soit pas hermétique, généralement, les distinctions données par les neurosciences ont fait école : les émotions se mesurent et s’objectivent dans des signes physiques (battements de coeur, pupilles dilatées, frissons…)tandis que les sentiments sont ressentis plus profondément, ils sont liés à des affects, à des souvenirs, à des scènes, à des histoires, à des attachements, ils sont intimement et profondément associés à une idée de sens. Les émotions, elles, restent, momentannées, elles connaissent un pic qui, si on le laisse faire, va en s’amenuisant.

        Mais Sophie Wahnich, d’un point de vue anthropologique, situe d’emblée l’émotion comme « informée », puisque l’émotion nous met en action, avant même que la conscience n’en soit « avertie ». Par exemple, la peur, le plus souvent, fait fuir. Dans tous les cas, la peur allume tous nos circuits d’alerte et pré-conditionne les décisions que nous allons prendre. Puis, lorsque la tension émotionnelle s’attenue, on peut revenir à soi, dérouler le fil des événements. Dès lors, par un retour sur soi, il est possible de reprendre les séquences de penser qui se sont succédées (approche chronologique, associative) pour tenter de comprendre les enchaînements cognitifs par lesquelles notre pensée s’organise (approche typique de Hume). Plus loin, sur le mode introspectif, on peut tenter de situer l’origine sur un plan vertical de nos pensées, voir de quelle manière elles sont liées à notre passée, à notre éducation, à notre enfance. Et sur un autre plan, en extériorité à soi-même, on peut questionner les référents (les savoirs, les ouvrages, les sciences, les influences, les auteurs, etc.) à partir desquelles on se pense (on se met à distance de soi). En somme, on pense toujours à l’aune d’un référent, à vrai dire, à l’aune d’un ensemble de référents, qui font culture et civilisation selon les régions du monde qui nous ont influencées.

        Ainsi, il y a un sens immédiat dicté par l’émotion et un sens « réfléchi », qui s’amorce dans un second temps. Là peuvent s’élaborer des arborescences de sens selon les registres introspectifs ou informationnels (lecture, littérature, sciences humaines, religion, etc..) dans lesquels on puise ce qui nous inspire et, par lesquels on finit par se définir soi.

        Nous n’avons pas abordé l’idée de volonté comme mode de représentation du monde. Mais intervient ici l’idée d’une « volonté » (Schopenhauer ou Nietzsche) ou encore une intention (phénoménologie, Husserl), sans omettre une « perception » (de Hume à Merleau-Ponty) qui peuvent contribtuer à structurer notre ontologie (le sentiment de soi). Voir Philippe Descola (ici, dans les Idées Larges) ou Sophie Wahnich (ici, conflits et projets) et d’autres auteurs et disciplines qui soulignent le lien inéluctable et nécessaire entre soi et autrui. On ne peut devenir soi que par autrui. En ce sens, toute émotion est adressée et, peut-être, initialement, nous a-t-elle été adressée (transmise) ?  Il n’est pas impossible que nos émotions les plus profondes nous aient été transmises, ou que nous les avons intégrées/intériorisées par « imititation »- adaptation à l’alentour social qui s’impose à nous. Si l’on devient soi par autrui,  y a-t-il une cause, une trame de fond, des intentions à partir desquelles nous nous faisons advenir comme être humain et comme humanité ?

        Si l’émotion n’était qu’animale (et bien que la structure de nos émotions s’inscrive dans la théorie darwinienne), elle ne nous poserait pas de question. On peut imaginer qu’on se prélasserait dans sa condition animale et ses instincts sans se poser de question : la cause serait entendue, admise, ritualisée pour qu’elle n’envahisse tous les espaces de notre vie, et elle ne nous poserait pas de question morale, on s’y adonnerait selon un rythme convenu, et sans état d’esprit particulier. Or, la condition humaine est telle qu’elle est traversée par des questions existentielles. Nous nous serions auto-détruit si nous nous étions laissés gouvernés que par des instincts animaux et en les systématisant comme règle de vie. Ce n’est pas à quoi l’humanité aspire : nous souffrons lorsqu’il y a trop d’injustice et, partout dans le monde, nous nous sommes dotés d’institutions (ou de structures symboliques) pour nous gouverner. Il n’est de groupe humain qui n’ait inventé ses dieux, ses mythes et qui ne se structure sans se prédéfinir selon une architecture du bien et du mal.

        – Du traitement de l’animal dans la société de consommation, voir le lien ici (l’association L214) qui a été mentionnée lors de notre débat)

        Du rapport entre l’émotion personnelle et collective.

        Toute la difficulté, lors de notre débat, a été de tirer ce lien d’un rapport entre soi et le collectif (les émotions, le sentiment du soi et celles et ceux du collectif, par exemples : le sentiment national, les Gilets Jaunes, « Nous sommes Charly », Me Too, le sentiment de la valeur « démocratique », de sa sensibilité à l’environnement, à la cause animale, etc.), tous ces termes renvoient à des « appartenances », à des sensibilités, à un rapport à soi et à l’autre, à tout ce qui existe dans la société et le monde en général.

        Mais, dans un premier temps, ce qui se présente à sa conscience, en tant que sujet, ce sont nos émotions, c’est SOI, on se sent soi plus ou moins distinctement. SOI s’impose à sa conscience et, éventuellement, on ne parvient pas à distinguer autrui sans le ramener (le rapporter) à soi. Cela peut faire référence à l’ensoi de J.-P. Sartre – L’être et le Néant. C’est à partir d’une « absence à soi », d’un point aveugle en soi (de l’impensé) qu’on se projette dans le monde. Pour reprendre l’exemple de Sartre de la femme qui court pour rattraper le bus, elle est toute entière dans la course pour le rattrapper, elle ne se voit pas en train de courir pour le faire. On est projeter dans la vie ainsi, on court sans avoir une conscience claire de nos raisons et donc, à partir d’un point aveugle. Ce point aveugle porte en lui la possibilité de faire disparaître le monde alentour en raison du fait qu’il rend aveugle au monde, comme s’il envahissait la conscience de ses convictions (typiquement le narcissisme pathologique de Macron en illustrerait la figure).

        Cela dit, il semble que la plupart des gens sont généralement conscients de leurs émotions, en particulier parce qu’ils en souffrent ou parce que, nécessairement, chacun est tenu à des comportements structurellement normés pour exister dans un groupe, ne serait-ce que pour échanger avec autrui, se faire comprendre, partager des émotions, se sentir, en somme, « relié ». Ainsi, le sens de l’amour, des peurs, de la justice, des hontes, du courage, y compris le sentiment de « soi » varient d’une époque à l’autre, d’un lieu à un autre. On peut soutenir que c’est à partir de cet « invisible » (l’alentour indisctinct) qui nous enveloppe et qui nous précède, que la société advient à travers nous, et que nous la faisons exister. Tout ce qui nous entoure constitue un invisible à partir duquel on se fait advenir (on se métabolise soi peu à peu) de même que nous métabolisons notre monde en devenir.

        Je vais terminer sur une référence que Sophie Wahnich a évoqué et qui m’a questionnée, l’article de Patrice Loraux: Les disparus. Accessible ici sur Cairn Info.


        Patrice Loraux, les disparus, les figures/modalité de la honte.
        Et, les impasses de la pensée.

        Patrice Loraux (philosophe) rapporte la mise en scène des disparus argentins. Voici la réprésentation que le gouvernement Pinochet en a faite : « On emmène ces gens, qui sont destinés à disparaître, en hélicoptère, on les lâche au-dessus de la mer, avec les pieds lestés d’une pierre. Et c’est là que se joue l’insupportable: est-ce qu’un œil d’homme est capable de supporter ou de ne pas supporter le moment de l’impact, où le corps disparaît radicalement dans l’eau ? »
        Fin de la citation de l’article.

        Ce que nous en avons dit (résumé subjectivement retenu)
        La mise en scène (la publicité, le média, le journaliste, le pilote d’hélicoptère, etc.) dit en s’adressant à tout un peuple : voilà ce que l’on fait de vous.
        Or, ce que l’on fait à une personne, c’est à tous, symboliquement, virtuellement et potentiellement qu’on le fait. On intériorise dès lors une honte, une peur, sinon le trauma d’exister.

        Questions qui se posent à la suite de cette scène : quelle honte je porte en moi d’une disparition ou d’un trauma non représentable ?
        Il y a ainsi des strates de honte qui se sédimentent si loin dans l’ensoi qu’elles sont « irreprésentables. » Elles sont néanmoins agissantes (opérantes) dans la manière dont elles façonnent le sentiment de soi, dans la définition de qui l’on devient. Il y a alors des hontes qui deviennent « silencieuses », inaudibles, inconscientes. Et il y a en d’autres qui « saignent ».
        Il est préférable d’entretenir celles qui saignent, car on peut en tirer le fil d’un rapport au sens, d’une réhabilisation de son sentiment d’appartenance à l’humanité.
        Toute la question va se poser là : que puis-je accepter que l’on fasse à l’autre, mais aussi à moi en tant qu’individu puisque, intimement, on le fait à l’humanité en soi et, ainsi, à toute l’humanité ?

        Autrement dit : jusqu’où pouvons-nous faire parler l’humanité en soi ou, à l’inverse, la taire ?
        Autre question : lorsque nous nous levons, quelle humanité, quelle dignité, quel affect, quel sentiment de soi, quel rapport à l’autre mettons-nous en mouvement ?

        Fin du compte rendu, subjectivement rédigé.
        Merci à tous pour votre participation.
        Un grand merci à Sophie Wahnich de nous avoir gratifié de sa présence.

        Un mot concernant la présence d’auteurs et/ou de professeurs fréquentant les cafés philo. Merci à eux de ne pas les snober et de participer à un partage des savoirs et de la réflexion à hauteur du citoyen lambda. Et merci au citoyen lambda de se prêter à l’exercice du partage de sa pensée en train de se faire.

        L’intérêt des cafés philo résident dans la potentielle diversité des rencontres qu’il permet, diversité en termes de formation, de croyance, de niveau d’étude et d’origine de tous les participants. Mais, mettre en discussion une question, un sujet ou un extrait de texte requiert une discipline de la pensée dans la mesure où l’on souhaite que l’échange reste ouvert.
        Il s’agit de combiner à la fois le questionnement, l’exploration et la structuration d’une pensée en train de se faire. Dans le même temps, on veillera à lutter contre les réponses toutes faites, les rivalités d’égo, les idées convenues, et, bien entendu, les généralisations abusives, les citations à l’emporte pièce, la récitation de ce que l’on sait, etc. On assume une quête que l’on met en partage et un rapport de questionnement à soi et à l’autre.

        Dans le message ci-dessous (en préparation), quelques éléments pour tenter de répondre à cette exigence de penser, qui n’enferme pas, mais qui ouvre des possibles pour cheminer en terrain inconnu. A ce propos, et pour terminer avec Patrice Loraux, je suis tombé sur les prises de notes de l’une de ses conférences intitulée : Du bon usage de l’impasse dans la pensée (voir ici).

        Trois ou quatre extraits :
        4- Un rat très malin sort trop vite du labyrinthe ; un rat qui l’est moins se heurte partout mais dessine ainsi le dédale. Sorte d’apologue chinois.

        5- Ni trop génial ni trop borné un philosophe comme Aristote se heurte aux difficultés mais ainsi il les indique, persévère et poursuit pensivement sans se perdre dans aucune aporie abyssale.

        6- Modifions la fiction en supprimant l’observateur (vérificateur, psychologue cognitiviste mesurant les performances…) : la pensée exige de n’être pas placée sous surveillance.

        7- On le comprendra mieux plus tard : c’est un labyrinthe dont il n’y a pas à sortir à la différence de la Caverne de Platon.

        Un schéma inspiré de notre échange

        ————————————-
        René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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        #7669
        René
        Maître des clés

          Le café philo n’est pas un cours de philo ni un atelier de philo, mais un dispositif de la rencontre de la pensée (de la réflexion) – de celle des autres et de la sienne en train de se faire.

           

          Echanger, débattre à plusieurs autour d’un thème s’apprend. Il ne s’agit pas de se donner raison ou de faire usage du groupe pour défendre sa thèse, pour dispenser tous les savoirs que l’on a acquis par ailleurs.

          On assume, dans un café philo, les hésitations d’une pensée en train de se faire.

          L’autre défi, dans un lieu qui assume une relative « anarchie » (un partage de la réflexion sans prise de pouvoir et sans discours d’autorité), c’est de rester attentif à l’idée de construire un débat structuré et structurant. Il s’agit de se disposer à faire évoluer le sujet en débat et à formuler les problématiques les plus prégnantes du moment par rapport au groupe donné.

          Pour les personnes qui cherchent à dispenser un enseignement, nous les invitons à rédiger leur thèse, à faire des conférences ou à créer un cercle spécifique, mais non à faire usage de ce café philo, qui entend rester un dispositif destiné à la pratique d’une réflexion en partage.

          Pour information, il existe des formations aux pratiques philosophiques. Nous nous en inspirons depuis plus de 25 ans de pratique, et nous continuons à apprendre.
          Voir dans ce forum quelques références sur le cahier des charges de l’animateur, par exemple.

          Voir ici, la formation proposé par Anda FOURNEL, diplômée en Philosophie, Sciences du langage et Sciences de l’éducation, accompagnée par Bilal Chérif, coordinateur des parcours philosophiques.
          Téléphoner ou écrire à La Maison des Ecrits, 6 All. du Rhin, 38130 Échirolles
          Téléphone : 04 76 09 75 20

           

           

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