Cafephilos Forums Les cafés philo Des cafés philo sur Grenoble Le café philo du Tonneau de Diogène, sujet du mardi 30.07.2024 à 18h30 : Un peuple peut-il se gouverner librement ?

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  • #7542
    René
    Maître des clés

      On se réjouit de lancer ce premier café philo au Tonneau de Diogène, c’est une manière de rendre hommage à ce lieu de luttes pour la citoyenneté. Merci de faire passer l’annonce.

      Quelques ressources dont je me suis inspiré pour ce sujet :
      Éduquer les filles – Martin Rueff, conférence au Bénin 2019. Durée 29mn. Cliquer ici.
      L’intérêt de ce cours donné à des élèves du Bénin réside dans une synthèse de la pensée de Rousseau. Elle est excellente, et l’on mesure son impacte sur la question de la démocratie non seulement en France, mais de par le monde. Ce n’est pas pour rien que la pensée de Rousseau est révolutionnaire, elle renverse un ordre des choses et prône une émancipation du citoyen, c’est-à-dire, une liberté, mais sans le chaos.

      Ci-dessous, quatre conférences de Sophie Wahnich sur la Révolution, organisées par le Monde Diplomatique.


      Lien vers la première conférence, ici, durée; 22.35mn

      – Lien vers la seconde conférence, ici, durée 30.02mn
      – Lien vers la 3ème est ici. Durée 22.51mn
      Lien vers la 4ème, ici. Durée : 5.56mn

      Ces conférences, organisées par le Monde Diplomatique en 2013, sont tout à fait d’actualité en ce que les trames de fond d’une révolution et de la question démocratique sont comme « permanentes » et peut-être universelles. A vous de voir, et de venir également avec vos propres références. Non pas nécessairement pour les opposer de manière stérile, mais pour comprendre ce que chaque point de vue éclaire d’un aspect d’un problème de fond, par ses références.

      De l’esprit de la démocratie, qui mieux que Rousseau en pose les bases ?
      Et aujourd’bui, comment repenser le Contrat Social ?

      Les dépositaires de la puissance exécutive ne sont point les maîtres du peuple, mais ses officiers.
      > il peut les établir et les destituer quand il lui plaît
      > qu’il n’est point question pour eux de contracter, mais d’obéir (…)
      > ils ne font que remplir leur devoir de Citoyens.

      Du point de vue de Rousseau, c’est au gouvernement et à ses ministres (étymologie, minus = servir) de servir le peuple, de l’élever, non de l’asservir, de le rabaisser, de le trahir.

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      Règles de base du groupe
      – La parole est donnée dans l’ordre des demandes, avec une priorité à ceux qui s’expriment le moins.
      – Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.
      – Pas d’attaque ad personam ni ad hominem.

      Pour limiter les effets de dispersion dans le débat
      – On s’efforce de relier son intervention à la question de départ, de mettre en lien ce que l’on dit avec ce qui a été dit.
      – Pour favoriser une circulation de la parole, de sorte à co-construire le débat avec les autres participants, on reste concis.
      – On s’attache davantage à expliquer la raison de sa pensée, plutôt qu’à défendre une opinion.
      – On s’efforce de faire progresser le débat.
      – Concrètement, on évite de multiplier les exemples, de citer de longues expériences, de se lancer dans de longues explications, mais on va au fait de son argumentation.

      > Le moment de la conclusion peut donner l’occasion d’un exercice particulier :
      – On peut dire ce que l’on pense des modalités du débat.
      – On peut faire une petite synthèse d’un parcours de la réflexion.
      – On peut dire ce qui nous a le plus interpelé, ce que l’on retient.
      – On peut se référer à un auteur et penser la thématique selon ce qu’aurait été son point de vue.

      —————-

      Avec ou sans préparation, chacun-e est le bienvenu-e, les cafés philo sont par définition, contre toute forme de discrimination par la classe sociale, le niveau scolaire, la confession, etc.

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      Ps : En raison de la crise démocratique que nous traversons, nous postons (cliquer ici), des interviews d’historiens, de sociologues, d’économistes, de journalistes sérieux et qui nous aident à comprendre les tensions politiques que nous vivons en regard à leur discipline. Pourquoi et en quoi nous sommes à l’aune d’un fascisme en tout point comparable à celui des années 30 de l’Allemagne Nazi ?
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      René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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      #7556
      René
      Maître des clés

        Compte rendu ou plutôt, quelques questions et problématiques retenues de notre échange :

        Un peuple peut-il se gouverner librement ?

        La question nous est suggérée par un extrait de texte de Rousseau :

        « La souveraineté ne peut être représentée (…) Les députés du peuple ne sont donc ni ne peuvent être ses représentants,
        > ils ne sont que ses commissaires, ils ne peuvent rien conclure définitivement.
        > Toute loi que le peuple n’a pas ratifiée est nulle ; ce n’est point une loi ».
        Rousseau (1762) Du contrat social, livre III, chap. 15.

        L’essentiel des questions soulevées :
        – Si le peuple ne peut être représenté, qui parle pour lui, comment sa voix peut-elle être entendue ? Ainsi, je ne vois pas comment on peut échapper à la « représentation » ?
        – Le peuple est-il compétent ? N’avons-nous pas besoin d’experts ou/et de professionnels du droit et d’autres compétences techniques ?
        – Qui décide de l’intérêt général du peuple ? Le peuple, lui-même, peut-il en décider ?
        – Une majorité peut tout aussi bien se tromper sur l’intérêt général de son pays qu’une minorité ou que le peuple tout entier, le peuple n’a-t-il pas besoin d’une volonté « supérieure » qui en décide pour lui ?
        – Le langage ne trahit-il pas toujours la pensée ?
        – Le peuple, et l’individu lui-même, peuvent-ils échapper à leurs contradictions ?

        On observera que les questions présupposent plutôt l’impossibilité pour un individu de sortir de ses contradictions et, par conséquent, d’être en mesure de se gouverner lui-même en tant que peuple. A ce premier niveau de difficulté, s’ajoute celle de le faire « librement ».  Autrement dit, est-on vraiment certain qu’un peuple décide librement de sa destinée, et non qu’il se trouve contraint par tant de déterminismes individuels et collectifs, que la question de la liberté ne se pose plus ?
        « L’homme est né libre et partout il est dans les fers. » (Rousseau).
        Par la teneur des questions proposées, si elles suggèrent davantage les inclinations de chacun plutôt qu’un désir authentique d’y répondre, on se demande jusqu’à quel point il ne faut pas abdiquer par avance de la liberté et de la démocratie ? Mais probablement pas.
        Nous étions huit participants et, à la suite de ces questions, voici quelques unes de nos réponses.

        Quelques réponses apportées :
        > Comment entendre la voix du peuple, qui parle pour lui ? Quatre exemples ont été proposés :
        Ps : pour celles/ceux qui ont participé au débat, vous pouvez sauter les quatres exemples et passer directement au paragraphe qui traite de la seconde question, celles des compétences.
        Exemple 1.
        Sandrine (l’une des participantes) a rappelé l’expérience de la Convention Citoyenne pour le climat, mais que Macron a trahie sans vergogne. Cette convention citoyenne, représentative sur le plan sociologique de la société, a montré qu’elle s’est donné les moyens de s’informer, de se former, qu’elle a su se donner des règles pour débattre et pour construire un ensemble de propositions très pertinentes en faveur du climat et pour l’ensemble du pays. L’expérience, c’est-à-dire, l’éprouvé de la rencontre avec l’autre, avec la diversité des intérêts et des avis qui composent un pays, montre que, non seulement des citoyens savent se donner les moyens de penser l’intérêt général d’une population, mais qu’il s’agit de la condition par laquelle on y parvient : pour prendre en compte l’autre, il faut le rencontrer et le considérer dans la réalité de son éprouvé. A la différence d’un sondage des médias, d’un formulaire administratif, d’un processus de parcours sup, d’une IA, de l’image d’un écran, l’autre n’existe que si on le rencontre et que l’on est averti de la réalité de son vécu. C’est dans l’interaction que se réalise le rapport d’égalité citoyenne, et qui participe ainsi de la définition de la démocratie. Pour revenir à la Convention citoyenne, le « penser pour soi » se distingue objectivement de la mission que l’on se donne du « penser pour autrui » et, à plus large échelle, du penser pour l’ensemble d’un pays. Le sentiment de la conscience de soi se coconstruit directement avec autrui, il se prédéfinit avec lui et dans un collectif, par l’ensemble des règles et des choix que ce collectif se donne à lui-même.

        Exemple 2.
        Dans cette conférence (voir note 1), Sophie Wahnish, historienne-anthropologue, spécialiste de la Révolution française, évoque comment le peuple s’organise pour penser le prix du pain, plutôt que de se le voir imposer à un coût prohibitif par les physiocrates du roi (lesquels ne pensent à prélever que davantage d’impôts en vue, par ailleurs, de faire la guerre et de dresser l’armée (des mercenaires) contre le peuple.
        Du point de vue du peuple, et de tous les partis pris dans la chaîne de fabrication du pain (le paysan, le meunier, le gestionnaire des stocks, le transporteur, le boulanger et le peuple lui-même en tant que consommateur) tous savent négocier et préfèrent s’entendre de sorte de ne pas se voir imposer un prix par des corps étrangers (celui des artistocrates ou des économistes). Il s’agit de concevoir un prix raisonnable pour chacun, et sans qu’aucun corps de métier ou parti pris (du paysan au consommateur) ne soit en mesure d’exercer un contrôle excessif sur un autre, ni que personne n’ignore les contraintes d’aucun.  En finalité, la liberté démocratique se joue là, dans la capacité qu’un peuple se donne de considérer tout citoyen comme un égal à soi. Sans cette liberté de négocier la valeur de nos biens, de nos relations à autrui et notre rapport d’interdépendance à tout groupe d’intérêt, cela revient à renoncer purement et simplement à la démocratie et à l’égalité citoyenne. En conséquence, c’est se désigner des chefs ou des corporations (étatiques, administratives, économiques, industrielles, etc.)  qui penseront pour nous, mais non à partir de notre éprouvé, ni selon notre intérêt. « Renoncer à sa liberté c’est renoncer à sa qualité d’homme » Jean-Jacques ROUSSEAU, Du contrat social, livre I chap. IV,

        Exemple 3 :
        La démocratie sanitaire.
        L’idée émerge lors de l’épidémie de Sida où, devant les échecs de la recherche de vaccins et des traitements diligentés d’en haut par de grands laboratoires, est pris en compte l’écoute des patients en direct et la remonté des effets secondaires rapportés, directement également, par les médecins traitants et les chercheurs indépendants dans les hôpitaux publics. L’idée d’écouter directement des patients et des soignants importe en ce qu’elle n’est pas égale à la récolte de données provenant de formulaires préremplis par une industrie. Dans le premier cas, c’est la réalité vécue du patient qui est prise en compte, c’est un mouvement du bas vers le haut, du réel vers une représentation ; dans le second cas, c’est l’administration ou l’industrie qui optimise sa base de données selon sa manière de catégoriser le patient et l’orientation qu’elle donne à ses priorités. Là aussi, de l’ensemble des corps de métier de la santé et plus spécifiquement, le patient lui-même à qui les soins sont destinés, personne ne doit ignorer la réalité de personne.
        Quant à la réponse thérapeutique pour le sida, elle résultait à l’époque en une trithérapie basée sur des molécules passées dans le domaine public. En conséquence, aucun grand laboratoire n’aurait été amené à découvrir ce traitement, chacun préférant travailler sur de nouvelles molécules dans la suite logique de ce qui constitue son intérêt et celui de sa spécialisation. L’intérêt pour soi, celui d’une industrie ou celui d’une administration, sont loin de rencontrer l’intérêt du patient et celui de la santé publique s’il n’y a pas d’interaction direct entre eux. Lorsque tout se décide à distance, sur le mode descendant, par une IA ou par des experts en raison de la prérogative de leurs intérêts, c’est la logique des puissances qui s’impose, et non la liberté démocratique et les valeurs citoyennes qui naissent de nos interactions.

        Exemple 4, les sociétés sans État et le mode anarchique.
        Le mode anarchique de la prise de décision, c’est-à-dire, sans hiérarchie imposée contre la volonté d’un groupe ou celle d’un peuple existe, a toujours existé et a prévalu dans nombre de sociétés sans État. A son échelle, le café philo relève d’un partage et d’une expérience où l’on s’entend sur un ensemble de règles en vue de « faire philosophie », et chaque café philo établit son mode de fonctionnement, en s’inspirant notamment à différents degrés de la pratique des uns et des autres. C’est un savoir-faire qui se développe par la pratique, celle des animateurs comme celle des participants, et qui auront à cœur de nourrir une réflexivité sur les manières de faire et sur les visées de la philosophie. Sinon, sur le plan anthropologique, de Claude Levis-Strauss en passant par Françoise Héritier, Maurice Godelier ou Philippe Descola, l’observation des autochtones montrent que chaque communauté s’invente des manières de penser ses dieux, ses hiérarchies, ses formes de dons et de contre-dons, ses rituels d’appartenance et de solidarité. Les disparités entre les membres d’un groupe donné ne peuvent pas dépasser un certain degré sans exposer celui qui, tenté d’abuser de son pouvoir sur les autres, se mettrait lui-même en danger. Il y a un relatif rapport de contrôle et de liberté qui s’opère par la négociation tant que les membres d’une communauté donnée n’ignorent pas ce que vivent et subissent les autres membres de cette même communauté. (Voir note 2 sur l’anthropologie.) La volonté supérieure de ces groupes est celles de leurs mythes, de leurs dieux, de leurs traditions, mais quelle doit être la volonté supérieure qui prévaut à l’ordre des sociétés modernes et démocratiques ? Laissons la question ouverte pour l’instant (la réponse est dans les deux derniers paragraphes de ce compte rendu).

        Question deux : Le peuple est-il compétent ? N’avons-nous pas besoin d’experts, de professionnels du droit et d’autres compétences techniques pour nous gouverner ?
        Les exemples précédents illustrent deux aspects de la question des compétences : si tous les partis pris d’un secteur donné (alimentation, santé, industrie, éducation, justice, etc.) se réunissent et se concertent, chacun prenant en compte la diversité que compose l’ensemble, ce sont les compétences de tout un pays qui se trouvent réunies pour voir émerger de leur délibération ce que l’on pourra nommer : l’intérêt général. C’est en fait la condition sine qua non par laquelle un pays peut acquérir sa qualité de démocratie (note 3,  Joelle Zask, Écologie et démocratie). En effet, une démocratie pensée uniquement par des experts est un contre-sens, notamment s’ils travaillent dans le secret des affaires, s’ils ne rendent pas compte des décisions qu’ils prennent et si, de surcroit, ils se trouvent à l’abri des conséquences des choix qu’ils font pour les populations. Pour la gestion des épidémies et, à la différence de la grippe H1N1, on a pu observer pour la covid, le régime de confinement et d’état d’urgence sans précédent par lequel les populations ont été contraintes, et dont le bilan, près de quatre années plus tard, n’est toujours pas établi, ni même évoqué (contrairement d’ailleurs aux USA et en UK, voir note 4 en bas de page).  Ps : précisons-le, ce n’est pas moi, en tant qu’animateur, qui ait amené le sujet covid dans le débat ce soir.

        Qu’est-ce que l’intérêt général de la population ? Elle-même, le connait-elle ?
        La question qui se pose maintenant n’est pas comment prendre en compte l’intérêt général (car, nous le savons : par des comités de citoyens, des délégations, des états généraux, des parlements de citoyens, des associations d’usagers, etc. qui peuvent s’établir au niveau des quartiers, des communes, des départements, des régions…), mais comment s’arbitre l’intérêt général des populations ? Y a-t-il une hiérarchie des besoins et des valeurs à établir ? De quelle manière faire « consensus », c’est-à-dire, comment permettre à chacune des parties (comité, délégué, groupe experts, usagers) de, certes, penser à son intérêt et à celui d’autrui, mais également de concevoir une hiérarchie des valeurs et des intérêts qui fasse consensus (volonté supérieure) pour arbitrer les dissensus ? Par exemple, l’économie (entendons, le profit du capital boursier, celui des multinationales, des lobbys, des grandes industries et l’indice du PIB) doivent-ils primer sur la santé des populations ? On suppose que non, mais le dire, l’écrire et le stipuler dans un écrit (un contrat social renouvelé avec les générations montantes et à venir) peut donner corps à des manières de faire, et inspirer l’ensemble d’une nation qui se réclame des valeurs de la démocratie et d’une certaine qualité de vie et de relation à autrui.

        Je pense à l’instant à Hannah Arendt et aux trois modes fondamentaux de l’activité humaine, la vita activa (Condition de l’homme moderne, 1958), à savoir, le travail, l’œuvre et l’action. Le travail, car il faut bien soutirer de la terre notre subsistance ; l’œuvre car toute société s’invente par des techniques, et chacun peut y contribuer par ses talents et enfin, l’action, car par notre parole nous existons comme acteur de la vie de la cité, c’est-à-dire, comme contributeur de la vie sociale et du politique. Une démocratie doit permettre à chaque citoyen de développer et d’exercer ses talents selon ces trois modes d’actions (travailler, inventer et participer à la vie sociale). La vie s’apprécie d’autant plus qu’elle s’éprouve dans des interactions, dans des vis-à-vis, à l’égard de nos semblables, et que nos contributions constituent des opportunités de connaissance et de reconnaissance partagée. La connaissance de notre environnement social, économique et politique conditionne notre manière de le penser et de le faire évoluer.
        Nous sommes les auteurs de l’environnement social que l’on se donne, mais on le subit si l’on n’y prend pas part, que ce soit par renoncement délibéré ou parce que l’on nous empêche d’y prendre part – on = l’économie, le politique, les discriminations, les hiérarchies, le formalisme administratif, les techniques, les IA et GAFAM (eux, dans leur manière d’organiser les contenus du web, de se lier à la puissance des Etats et de les mettre en concurrence), etc, mais il y a d’inombrables raisons par lesquels un environnement contraint la liberté des personnes, et que celles-ci intériorisent leurs contraintes.

        De l’intérêt général, comment le définir par-delà les intérêts particuliers ?
        Par la délibération et par la participation de tous à la cité, nous soulignons la possibilité d’assumer nos choix en tant que population concernée par ses intérêts, mais notre intérêt général se résume-t-il à la somme des intérêts de tous ? Creusons un peu la question. Lors de notre échange, notre rapport à l’environnement et la durabilité de notre mode de vie ont été inévitablement évoqués. La pression du changement climatique est l’arrière-plan omniscient indépassable de notre monde aujourd’hui. La qualité de l’air, de l’eau, des terres, la biodiversité comptent d’office comme « bien commun », en ce sens que nul ne peut y porter atteinte sans que tous n’en soient affectés. (Voir note 5, sur la question de l’intérêt général et du bien commun). Dans les faits, la biologie et la biodiversité nous lient les uns aux autres dans un rapport à l’environnement qui, naturellement conditionne nos limites et nous dépasse. De fait, l’intérêt général des populations est arbitré par notre manière de considérer nos interactions avec l’environnement. Notre volonté supérieure se trouve ainsi prédéfinie par les effets physiques et psychosociaux que notre mode de vie génère dans ses interactions avec notre environnement. Par cela même, il y a un champ éthique et épistémologique totalement ouvert à explorer par l’ensemble de l’humanité, et à ne surtout pas remettre qu’entre les seules mains de groupes d’experts supposés penser pour le reste de la population.

        Dernière question, que ce soit par le langage, par sa finitude et ses contradictions, l’être humain (le citoyen) peut-il se dépasser lui-même, c’est-à-dire, se désaliéner de sa condition psycho-sociale et de ses déterminismes ?
        Dans notre débat, le questionnement existentiel pointe par toutes les limites évoquées jusqu’à présent. Nous en sommes tous avertis autour de cette table. Nous sommes conscients, sinon trop conscients de nos limites (celle de notre langage à traduire nos pensées, celles de nos sentiments, de nos désirs qui se frustrent de ne pouvoir s’étendre toujours davantage, celle de notre capacité à communiquer, à aimer, à posséder, à nous développer, etc.  Nous sommes conscients de notre fin de vie (l’être donné à la mort, Heidegger), de notre vulnérabilité (Corinne Pelluchon), de notre interdépendance, de notre « insociable sociabilité » dirait Kant.
        Or, le questionnement existentiel sur le plan individuel ne se confond pas avec celui du collectif. Le « pour soi » n’est pas l’équivalent du « pour autrui » ni de celui du « pour le collectif ». Le rapport de négociation que chacun met en place avec lui-même (en soi et pour soi), avec ses proches (avec et pour autrui) et selon les valeurs du collectif en lesquelles nous nous inscrivons tous, ne porte pas sur les mêmes niveaux. Au contraire, les confondre, ramener ses propres intérêts et ses propres inquiétudes à autrui et au collectif dans lequel on vit, relève précisément d’une négation de l’autre, d’une aliénation et de l’impossibilité alors à faire jouer nos marges de liberté, nos qualités réflexives et de citoyen comme être humain.
        Le « pour soi » s’élève par une idée du « pour autrui » et à celui d’un collectif. On découvre la possibilité de mettre en dialogue ces trois instances de notre condition humaine (pour soi, pour autrui, pour le collectif) tout au long de notre vie, notamment via l’éducation qui a été évoquée lors de notre débat. J.-J. Rousseau rédige « Émile ou de l’éducation » à la suite du « Contrat Social » pour considérer les besoins de l’enfant, l’allant naturel de son développement qu’il s’agit de guider, mais non de corrompre et de conformer à l’utilitarisme économique et élitiste d’une société violente, corrompue et inégalitaire.
        Renoncer à sa liberté c’est (vraiment) renoncer à sa qualité d’homme. On se rappelle à Rousseau, pour terminer, un philosophe dont on peut garder précieusement l’essentiel de son message.

        Note 1 : le lien vers la conférence de Sophie Wahnish, historienne-anthropologue, spécialiste de la Révolution française, se trouve dans notre forum, ici.

        Note 2 : anthropologie, anarchie et philosophie.
        > Dans sa chronique, la youtubeuse des Ethnochroniques évoque en 20mn les peuples premiers sans « état » (sans pouvoir centralisé). Cliquer ici.
        > Ici, un échange très intéressant avec Catherine Malabou pour son ouvrage, Anarchisme et philosophie. Sur le site, Lundi Soir. Durée 1H05.
        > Il est intéressant également de se rappeler l’histoire de l’Etat (notamment avec la création d’Israël. Comment, par la définition de la nation, on a créé des apatrides. Ecouter ici.Une vidéo de Guillaume Fleurance. Durée 23.13

        Note 3 : Joelle Zask, (spécialiste de J. Dewey), autrice de Ecologie et démocratie. Une conférence ici. 2023 à Nantes.
        Une autre conférence de Joelle Zask, la fabrique du citoyen. Ici. Bibliothèque de Bordeaux. Durée : 56mn
        Une capture d’écran d’un extrait de son ouvrage.

        Note 4 : La gestion de la grippe H1N1 avait fait l’objet d’une commission d’enquête du parlement quelques mois seulement après sa déclaration. A l’époque, il était permis de critiquer la prise de décision de l’OMS, c’est-à-dire, d’examiner sur quoi elle reposait. Voir ici, un mini reportage TF1 de 5mn.
        Ici, un lien vers le procureur du Kansas qui porte plainte contre Pfizer (2024), qui connaissait les effets secondaires de son vaccin, mais qui a délibérémment menti aux autorités. Une vidéo de 6mn en anglais, la charge du Procureur général, Mr. Kris Kobach, du Kansa

        Note 5 : Un article de Usbek § Rica : de l’intérêt général au bien commun. Cliquer ici.

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        René Guichardan, café philo d’Annemasse.
        > Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse, ici.
        Des cafés philo à Grenoble. Cliquer ici.
        Le groupe WhatsApp des cafés philo sur Grenoble. Cliquer ici.
        > Lien vers le forum des problématiques de notre temps (écologie, guerre, zoonose, démographie et philosophie.
        Ici, nous postons des cours, interviews, conférences dont nous avons apprécié la consistance philosophique
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