Cafephilos Forums Les cafés philo Les sujets du café philo d’Annemasse Que peut-on attendre de la méditation ? Sujet traité le 10.03.2014 + 2 cartes mentales (une simplifiée, une déployée) et une transcription

  • Ce sujet contient 4 réponses, 1 participant et a été mis à jour pour la dernière fois par René, le il y a 10 années.
5 sujets de 1 à 5 (sur un total de 5)
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  • #4852
    René
    Maître des clés
      Que peut-on attendre de la méditation ?

      Les neurosciences étudient sous tous les angles les effets de la méditation mindfullness (pleine conscience), et les thérapies cognitivo comportementales l’ajoutent à la panoplie de leurs techniques. La méditation de pleine conscience semple être un recours, sinon une réponse apportée à la vie stressante de notre société et au mal existentiel de vivre. De plus, elle semble apporter une réponse à ceux qui ne peuvent se satisfaire de l’étroitesse des dogmes religieux, ni des réponses trop alambiquées de la philosophie. On peut donc se poser quelques questions la concernant, histoire de forcer un peu notre lucidité :blink: :
      – Que peut-on attendre de la méditation ?
      – Que dit-elle de notre manière de fonctionner ?
      – De quelle vérité peut-elle se faire le nom ?
      – Mais dans un premier temps, nous essaierons de définir ce qu’est la méditation, et la « mindfulness » en particulier, .

      Nous ne proposerons donc pas une pratique de la méditation, mais une mise en dialogue de ce que nous comprenons de cette situation/expérience, en ce sens où, derrière toute pratique, se love une philosophie de vie plus ou moins explicite. L’idée est de mettre en évidence les implicites de cette pratique qui peut s’apparenter à une « philosophie pratique sans questionnement ».

      Ressources bibliographiques:
      Un article détaillé de Christophe André (pdf, cliquer ici)
      La revue de presse d’un ouvrage de Jon Kabat-Zinn (pape et médecin de cette pratique) sur Sciences Humaines (cliquer ici)
      Une association de « mindfulness » à Genève (cliquer ici)
      Le site d’une autre association (Québec – cliquer ici)

      #4862
      René
      Maître des clés

        Quelques problématiques soulevées

        – Jusqu’à quelle profondeur peut-on descendre en soi, est-ce une question de temps, une disposition intérieure, une question de limite structurelle ?
        – Quelle différence y-a-t-il entre : ne plus penser, descendre en soi par la méditation,
        et opérer une recherche délibérée et précise menant à la connaissance de soi ?
        – Si un sentiment océanique est expérimenté, est-ce un auto-conditionnement, une expérience singulière ?
        – Cela conduit-il à une compassion universelle, à une fusion-confusion, à un bonheur béat, à une dissolution du moi ?

        – La perception intérieure est-elle en résonance avec la réalité extérieure ?

        – Peut-on, en méditation, voir sa rotule de l’intérieur ou est-ce notre imaginaire qui est sollicité ?

        – Les traces de bonheur observées dans le cerveau de Mathieu Ricard sont-elles une preuve de quelque chose d’autre que de son bonheur à lui ?
        – La méditation est-elle un isolement apaisé, voire autistique ?

        – Quelles différences y-a-t-il entre les exercices spirituels proposés par Pierre Hado (philosophe, historien), la philosophie du détachement d’Épictète,
        la philosophie de Pascal et la méditation de pleine conscience ?
        – Le Moi peut-il être dissous sans qu’on ne devienne fou ?
        – Le monde intérieur peut-il être confondu avec le monde extérieur ?

        – Le bonheur, la tranquillité, l’apaisement atteints par la méditation de pleine conscience nous disposent-ils à nous relier aux autres et au monde de façon plus ouverte ?

        – La méditation incline-t-elle à une forme de croyance qui ne dit pas son nom ?
        – Faut-il s’accrocher à l’idéal d’un Moi « essentialiste », pur et immatériel ?
        – La méditation cache-t-elle un désir de puissance ?

        – La méditation désengage-t-elle de la vie ?
        – Certes, il est recommandé d’accepter tout ce qui surgit en soi (ses joies, ses peurs, ses colères), mais faut-il tout accepter tout ce qui vient du monde (les injustices, la guerre, les violences) ?

        – Le sentiment d’universel atteint par une méditation de mindfulness, celui atteint par un questionnement philosophique ou par une quelconque approche de la psychologie des profondeurs sont-ils de même nature ?

        Ci-dessous, une carte mentale simplifiée du sujet, ou cliquez ici.

        Cartementalesimplifiede.quepeut-onattendredelamditation.pdf

        #4864
        René
        Maître des clés

          Ci-dessous, la carte mentale est déployée.
          La restitution des interventions de ce débat est difficile, de nombreuses problématiques ont été soulevées,
          je m’efforce de retranscrire les plus pertinentes 🙂

          Si l’image en bas n’est pas visible, vous pouvez la télécharger ci-dessous, ou encore, cliquer sur ce lien

          Cartementalequepeut-onattendredelamditation.pdf

          Une dernière carte mentale, pour le lien avec les 3 dernières cartouches en violet sur la droite.

          #4866
          René
          Maître des clés
            Que peut-on attendre de la méditation ?
            Restitution de quelques séquences d’échanges lors du débat

            De quoi parle-t-on ?
            Définition : La pleine conscience est la qualité de conscience qui émerge lorsqu’on tourne intentionnellement son esprit vers le moment présent. C’est l’attention portée à l’expérience vécue et éprouvée, sans filtre (on accepte ce qui vient), sans jugement (on ne décide pas si c’est bien ou mal, désirable ou non), sans attente (on ne cherche rien), on reste simplement attentif.

            N’y-a-t-il pas une contradiction dans l’idée d’agir sans but ?
            – Peut-on s’astreindre à une pratique assez contraignante (s’asseoir, rester tranquille,…) sans attente, et donc sans intention ?
            – La contradiction est également dans la question générale : que peut-on attendre d’une pratique méditative que l’on met en œuvre sans précisément en attendre quoi que ce soit ?
            – Il est dit également que le but est d’identifier des pensées négatives : il y a donc un jugement. De plus, il s’agit aussi de ne pas laisser le champ libre à ces pensées : il y a donc un contrôle.
            – Il me semble de mon côté que l’on peut identifier ce qu’on observe sans porter de jugement à son encontre. C’est comme observer ou dessiner une fleur sans la nommer, mais en s’appliquant simplement à l’observer attentivement.
            – Concernant la non-attente, il faut la comprendre comme une expérience de pensée pratiquée durant le moment même de l’activité. Toute attente est suspendue pour expérimenter une présence à soi-même.

            Quels sont les effets de cette pratique ?
            – D’après la documentation, il s’agirait de mieux digérer nos émotions négatives, comme par exemple la tristesse.
            – Le but thérapeutique serait d’accepter ce que l’on ressent, de sortir du refoulé, d’acquérir une identité plus stable, d’être au clair avec ce que l’on perçoit.
            – Que le but soit thérapeutique, ne me paraît pas une caution. A mon sens on est dans le registre de la croyance, et non pas dans celui de la science.
            – Il y a de vraies recherches effectuées sous contrôle universitaire et portant sur des patients dépressifs graves. Des études longitudinales (suivies sur quelques années) montrent une amélioration des personnes souffrant de dépression et une diminution des traitements.

            Philosophie du renoncement, engagement intérieur, engagement politique

            – Ces « zenitudes » que l’on veut nous faire adopter sont des philosophies du renoncement et de l’apolitique. C’est un désengagement du monde, inacceptable au nom du fait qu’il faille accepter tout ce qui se passe dans le monde.
            – Les Ukrainiens ne doivent certainement pas accepter Lanoukovitch. Si au lieu de se révolter, ils entraient en méditation, tous les dictateurs s’en trouveraient réjouis.
            – Epictète prône l’engagement dans la cité. Il invite à faire la distinction entre ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous, et cela ne doit pas conduire à l’inaction.
            – Psychologiquement et politiquement, nous sommes soumis à des dictatures plus ou moins sournoises ou violentes, elles comportent leurs phases d’acceptation, de soumission et de révolte.
            – Dans la méditation, on parle surtout d’une acceptation dans l’instant de sa pratique, et non d’une acceptation générale et indifférenciée. L’acceptation de ce qui est en soi (de sa propre colère, etc) n’implique par l’acceptation de tous les évènements extérieurs.

            Détachement philosophique et détachement par la méditation

            – Dans son Manuel Epictète propose, en tant que stoïcien, des exercices de détachement : « A propos de tout objet d’agrément, d’utilité ou d’affection, n’oublie pas de te dire en toi-même ce qu’il est, à commencer par les moins considérables. Si tu aimes une marmite, dis : « C’est une marmite que j’aime ; » alors, quand elle se cassera, tu n’en seras pas troublé : quand tu embrasses ton enfant ou ta femme, dis-toi que c’est un être humain que tu embrasses ; et alors sa mort ne te troublera pas. » Epictète a le mérite d’être précis, concret dans l’exercice de la prise de distance, sans être dans un idéal indéfini.
            – Je pense en effet qu’on ne peut pas se proposer abstraitement de prendre de la distance, cela ne peut se réaliser que par un effort de volonté délibéré portant sur des objets désignés. Or la méditation recommande d’être concentré sur le moment présent, ce moment est par définition insaisissable, c’est, au mieux, prendre du sable et le voir couler entre ses doigts. (Rires)
            – Blaise Pascal : « Tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. » J’ai mis au défi cette pensée quand j’étais jeune mais j’ai échoué lamentablement (Rires).
            – On atteint les limites de la pensée avec « La Nausée » de Sartre, on ne peut au-delà, on est dans l’écœurement. L’épreuve est vaine, et la pensée ne tarde pas à s’agiter à nouveau.
            – Dans le document d’introduction du sujet, on peut lire : On pense souvent que la méditation consiste à faire le vide dans sa tête. En réalité, dans la méditation de pleine conscience, les instants sans mentalisation sont assez rares, et l’essentiel du travail consiste non à faire taire le bavardage de l’esprit, mais à ne pas se laisser entraîner par lui, en l’observant au lieu de s’y identifier. L’objectif est de se rapprocher d’une « conscience sans objet», où l’esprit n’est engagé dans aucune activité mentale volontaire, mais tente de rester en position d’observateur. Ce n’est donc pas une absence de pensées, mais une absence d’engagement dans les pensées.
            – Est-ce que les « détachements » obtenus par la philosophie sont de même nature que ceux obtenus par des exercices de méditation ?

            La volonté d’essentialiser l’homme
            – En s’exerçant simplement à être dans l’instant présent, imaginons-nous arriver à quelque chose comme la bienveillance, et à un bonheur qui serait le même pour tous, car tout cela serait inscrit dans notre nature ? Outre la naïveté de cette pensée, il me semble dommageable de ne pas y voir l’expression d’une volonté de puissance.
            – Oui, et ce serait une manière archaïque d’essentialiser l’homme.

            Religion et méditation
            – Ce serait donc un voyage au pays du religieux sans prière, et aller à confesse à domicile.
            – La rêverie m’est sympathique, mais la psychose religieuse beaucoup moins.
            – Quelle est la différence entre la méditation et les exercices spirituels que proposait Pierre Hadot (historien-philosophe, spécialiste du néoplatonisme, Plotin, Marc-Aurèle) ?
            – La méditation de pleine conscience n’est pas religieuse, même si des adeptes la pratiquent de façon dogmatique, ou comme une religion.
            – C’est le cœur du sujet : quelles sont les croyances et les sous-entendus attachés à la pratique méditative ? Par ailleurs, les bénéfices procurés par cette pratique témoignent-ils d’une quelconque vérité (celle des philosophies orientales ou celle observée par l’imagerie cérébrale) ?

            Thérapie et méditation
            – Aux HUG, la personne qui s’occupe des malades chroniques enseigne des pratiques pour diminuer la souffrance. La douleur est nécessaire comme signal pour avertir d’un problème, mais dans le cas de douleurs continues, et dont on connaît les causes, on peut les apaiser par des approches méditatives.
            – J’ai des douleurs aux genoux, et quand je fais des exercices de conscience, comme entrer dans le genou, examiner les ligaments, etc. les douleurs s’effacent dans les minutes qui suivent.
            – C’est une hypothèse, les douleurs chroniques occupent toute la conscience, et il faut libérer cette dernière en détournant l’attention.
            -. Il y a des professeurs de médecine qui soignent des cancéreux grâce à des méditations traditionnelles, mais ces pratiques doivent être intensives.
            – Si j’ai mal au genou, ou si j’ai un cancer, que sais-je de l’influence de la pensée sur mon physique ?
            – Par ailleurs, faut-il ne plus être alerté des douleurs que nous avons ? La conscience intérieure délivre-t-elle des analyses de sang et des diagnostics médicaux ?

            Volonté de puissance

            – On parle de se guérir d’un cancer, d’être apaisé, de mieux communiquer, de prendre de la distance par rapport à ses émotions ou à ses douleurs, la méditation ne cache-t-elle pas, plus qu’une volonté de maîtrise, une volonté de puissance ?
            – Je verrai trois mobiles : 1) La méditation serait une pratique par laquelle on cherche à restaurer une puissance perdue parce qu’on est en pleine dépression, on a des angoisses, on est anxieux.
            – 2) On chercherait à augmenter notre puissance car on ne parvient pas à nos objectifs et, en méditant, on espère augmenter ses capacités.
            – 3) On se positionnerait dans une éthique de la non-puissance, on casse ses désirs pour ne plus se heurter à ce qui est inaccessible et, du coup, on se perçoit à nouveau comme étant puissant.
            – Est-ce que la volonté de puissance fait référence à Nietzsche, ou à la volonté de « toute puissance » de Freud ?
            – Le mot puissance me dérange, car il n’a pas sa place dans cette pratique.
            – Le terme de « puissance » recouvre une catégorie générale dans laquelle on peut ranger tout ce qui a été dit.
            – Il faudrait parler de potentiels plutôt que de puissance. C’est bien que de les mobiliser plutôt que d’y renoncer.
            – Pour moi, la puissance n’est pas négative en soi.

            Une ontologie du soi
            – La méditation de « pleine conscience » s’inspire du bouddhisme, une religion sans dieu, et vise un Ego transcendantal. Chez Kant, c’est la perception originaire, le « je pense » qui accompagne toute nos représentations. Il y aurait une saveur qui accompagne tout ce qui nous traverse et qui se réunit en un point ultime, lequel serait ce qu’on est réellement.
            – Oui, c’est ce que Husserl appelle le moi pur, c’est une sorte substance qui n’est pas un corps en tant que tel. Mais la philosophie contemporaine considère cela comme une abstraction : une substance sans corps, ça n’existe pas.
            – En effet, c’est là que réside de la croyance. Elle serait dans ce point qui existe en nous et qui témoignerait que nous serions autre chose que tout ce qui nous traverse. Ce n’est pas notre ontologie, et basculer d’une ontologie à une autre, c’est une conversion, c’est un acte de foi.
            – On ne peut s’emparer de la présence d’un moi mystérieux suspendu dans les airs et qui accompagne tout ce qui nous submerge jour après jour. On ne peut faire des contorsions pour le saisir, ni, à partir de là, trouver la paix, la sérénité, la joie.
            – Certes, on ne peut pas mais on y aspire. Le mental est plutôt, de mon point de vue, la petite voix qui critique sans arrêt. Il s’agit de ne plus écouter cette voix-là, de la laisser tranquille. S’y essayer fait du bien, même si cela n’est attaché à aucune une réalité « bouddhiste».

            Se désaliéner
            – Nous serions tous dans notre quotidien comme aliénés. Si on peut faire un break, ce n’est pas plus mal, c’est un repos salutaire.
            – A mon sens, avec la méditation, on est loin de la foi et de la religion à l’intérieur desquelles on ne cesse de juger du bien et du mal.
            – Je comprends l’expression « accepter le moment présent » comme une invitation à avoir de la compassion pour soi, et à être moins sévère avec soi-même. Si on s’évertue à ne pas se juger, mais simplement à s’accepter, cela doit effectivement conduire à un apaisement.
            – Ce qui me gêne, c’est de penser qu’on pourrait n’être gouverné par rien. Ce qui est fondamentalement une erreur.
            – Les marxistes dénonçaient beaucoup les aliénations idéologiques. On sait les dictatures qu’ils ont construites. Aspirer au plus haut des cieux, c’est secrètement vouloir la toute-puissance.

            La méditation, c’est comme descendre en soi
            – Je trouve intéressant de considérer comme une base de départ le travail initial de ces chercheurs qui se sont évertués à déconnecter les théories spirituelles de la pratique méditative pour n’en garder que la part qui peut s’avérer bénéfique.
            Certes, tous les médecins ne sont pas aussi sérieux, ni tous les pratiquants.
            – L’idée de ne pas se laisser accaparer par ses pensées, et de se positionner comme un observateur neutre, permet de laisser émerger des pensées et des émotions qui surgissent de plus en plus des profondeurs du moi.
            – En les laissant remonter, ou en descendant vers ces strates de la conscience, on peut découvrir des raisonnements, des schèmes de pensée qu’on ne reconnaît plus tellement comme étant les nôtres : on se découvre les ayant en soi. Ces schèmes ou ces raisonnements gouvernent nos émotions et nos comportements à des niveaux très profonds.
            – Il y a deux problèmes majeurs : une fois la paix trouvée avec soi-même, le détachement opéré peut faire à lui seul philosophie de vie. On se contente alors de ce qui est, et on n’exerce plus aucune capacité critique, on n’entraîne plus sa curiosité, on ne questionne plus le sens de la vie.
            Problème 2 : Le sentiment d’unité ou d’intensité vécue conduisent à formuler des théories vaseuses sur l’unité du monde. Autrement dit, on fait de ses convictions personnelles des vérités absolues applicables au monde environnant, et on idéalise un monde converti à la non-violence comme une réponse à toutes les questions.
            – Le problème que cela pose, c’est que ces pratiques peuvent mener à un sentiment de dissolution du « moi ». On peut y vivre des expériences d’absolu, un sentiment de fusion océanique qui sont très impressionnants.
            – Oui, ces expériences nécessitent un surcroît de lucidité pour « saisir » ce qui se passe.

            Méditation et fusion océanique
            – Je m’inquiète quand on parle de « fusion » avec le monde, de sentiment océanique. Freud demanderait : voulez-vous parler du sentiment de toute-puissance ?
            – Le sentiment océanique, c’est la fusion avec la mère. Ce serait un retour sur soi « in-formé » (non formé), ce serait un sujet « infra-langage ».
            – Tu parles d’une part du sentiment océanique en même temps qu’on découvre une vérité sur « soi », mais le « soi » est fondu dans l’océan, la fusion, c’est perdre son moi. Est-ce que je me trompe ?
            – Je ne vois pas comment tu réconcilies cette nostalgie de l’océan que chacun porte en soi (quant à moi, je pense qu’elle ne sera jamais satisfaite). Certes, l’être humain garde cette nostalgie de fusion.
            – Quel est le rapport entre l’orgasme et le sentiment océanique ? (Rires)
            – Personnellement, je me dégage mieux de mes pensées en recherchant activement en celles-ci les raisons pour lesquelles elles m’aliènent parfois.

            La méditation prétend dépasser la simple distraction
            – Ne portons-nous pas la mémoire d’une fusion quasi parfaite avec la mère dans le tréfonds de notre conscience ? Certaines thérapies non comportementalistes invitent à aller au plus loin de soi pour découvrir ce qui nous fonde. Ce qu’on découvre peut être artificiel (créé de toutes pièces) comme cela peut conduire aussi à un retour sur soi authentique.
            – Mais c’est là où il faut faire attention, le sentiment d’être ne se confond pas avec ce qu’est la vie autour de nous. L’environnement extérieur exige d’autres modes de pensée pour être appréhendé.
            – J’ai mentionné l’aliénation, on est aliéné dans le rapport à soi-même, mais on l’est aussi par rapport aux autres, à notre famille, à nos amis. Le mal-être qui nous pollue se déverse autour de nous et affecte toutes nos relations. En revenant sur soi, en se dégageant de nos automatismes, on peut essayer de retravailler nos liens à autrui, et tenter de les habiter différemment.
            – Il y a une sorte de démon qui flotte et qui nous critique sans cesse, il a le visage d’un Janus : d’un côté, on veut s’en débarrasser pour s’immerger dans la nature à la manière des animaux, et d’un autre côté, on veut être pleinement conscient et tout maîtriser. Je crois qu’on ne peut faire ni l’un, ni l’autre. Nous sommes condamnés à cet entre-deux. On veut tour à tour s’immerger dans ce qui nous envahit et nous en détacher.
            – Oui, le mouvement de la pensée est pris dans les contradictions que tu décris. Mais ce que suggère la méditation, c’est de rester un observateur attentif des mouvements de son être. Elle propose de ne se laisser tenter ni par l’identification océanique, ni par la volonté de tout maîtriser.

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            #5227
            René
            Maître des clés
              Méditer peut-il changer la personnalité ?

              Je copie ci-dessous le résumé d’une recherche répondant à la question posée en titre. L’article est publié par Jean-François Briefer, Dr psych Site de l’auteur : http://www.ressourcespsychologiques.ch/
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              Il est admis que la méditation de pleine conscience améliore le bien-être physique et mental des individus en général et qu’elle a une valeur thérapeutique pour ceux souffrant de troubles psychiques. Mais qu’en est-il de son effet sur la personnalité? Peut-elle modifier, voire transformer une personnalité? Quels traits de personnalité va-t-elle affecter? J’essayerai de répondre à quelques-unes de ces questions en prenant appuis sur la recherche scientifique.

              La personnalité est ce qui fait que chacun est unique et qu’il possède des dispositions internes stables qui vont l’amener à se comporter préférentiellement de telle ou telle manière dans une situation donnée. La recherche en psychologie la mesure à l’aide d’auto-questionnaires qui évaluent la perception qu’a un sujet de sa propre personnalité. Ces données ont notamment permis d’élaborer un modèle basé sur cinq dimensions indépendantes de la personnalité (Ouverture à l’expérience, Consciensiosité, Extraversion, Agréabilité, Neuroticisme ou instabilité émotionnelle).

              Plus récemment les chercheurs ont développé des questionnaires permettant de mesurer le niveau de pleine conscience d’un individu dans sa vie quotidienne et ont pu ainsi voir les corrélations existantes entre cette mesure et les caractéristiques de la personnalité.
              De telles études (Giluk, 2009, Thompson et al, 2007, Hurk et al, 2011) montrent que des niveaux élevés de pleine conscience sont reliés négativement au neuroticisme (la tendance à l’anxiété, aux inquiétudes, à l’impulsivité, à l’auto-critique) et sont reliés positivement à l’agréabilité (fiabilité et altruisme), la consciensiosité (efficience, organisation et auto-discipline) et à l’ouverture à l’expérience (curiosité et créativité).

              Ces études ne montrent toutefois qu’une association entre le développement d’une attitude de pleine conscience (spontanée ou par la pratique méditative) et certains traits de personnalité et ne permettent pas de juger de l’effet direct de la pratique sur la personnalité des méditants. C’est par contre le cas des études longitudinales, telle celle de Campanella et al. (2014), dans laquelle trois groupes de méditants inexpérimentés au départ ont été évalués avant et après un programme de méditation de pleine conscience de huit semaines au moyen d’un questionnaire basé sur la théorie biosociale de la personnalité de Cloninger. Les analyses ont porté sur la partie caractère du test qui comporte trois dimensions décrivant le niveau de développement et de maturité du sujet au plan individuel (autonomie), social (coopération) et spirituel (transcendance). Une augmentation significative de la maturité a été observée pour chacune des trois dimensions dans les groupes après les huit séances, toutefois cette évolution de la personnalité était subordonnée à une pratique régulière à domicile entre les séances de groupe.

              Etant donné que des valeurs basses aux échelles autonomie (auto-détermination, responsabilité et estime de soi) et coopération (acceptation de l’autre et empathie) à ce test sont des indices de troubles de la personnalité (Gendre et al. 2012), l’élévation des valeurs observées par Campanella et al. parlent en faveur d’un impact positif et le cas échéant thérapeutique de la méditation sur la maturité de la personnalité. Ces résultats ne sont en eux-mêmes pas surprenants puisque la méditation de pleine conscience vise à promouvoir une attitude face au monde et à soi même faite d’acceptation, de non jugement, de bienveillance et de compassion, mais encore fallait-il pouvoir l’objectiver.

              Ces résultats sont d’autant plus remarquables que la personnalité est supposée stable dans le temps et qu’un changement de celle-ci s’obtient difficilement. Cette ouverture sur le changement du soi et du rapport à soi-même fait par ailleurs écho avec le concept bouddhiste de l’impermanence de toutes choses, le soi y compris. C’est aussi un des mécanismes d’action de la méditation de pleine conscience (Hölzel et al., 2011) que d’amener un changement de perspective sur le soi, à travers un désengagement d’une identification à un soi statique et permanent, cause de souffrance pour l’homme.
              Fin de l’article

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              Peut-on vivre sans croyance ?

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