Cafephilos Forums Les cafés philo Les sujets du café philo d’Annemasse Compte rendu : « Une crise ne devient catastrophique que si nous y répondons par des idées toutes faites, c’est-à-dire par des préjugés.” Hannah Arendt.15.01.2024 Annemasse.

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    René
    Maître des clés

      Rencontres philo pour le monde d’aujourd’hui, tous les lundis à 19h00
      NOUVEAU LIEU BRASSERIE L’ATLAS, 16, place de l’Hôtel de Ville. 74100 ANNEMASSE
      juste à côté de l’ancien lieu, la Taverne

      Pour ce lundi 15 juillet 2024 (le compte rendu est en bas de cette page, dans le message suivant. Merci de votre attention. )

      Le sujet est choisi parmi les propositions de chacun.
      Nous remarquons depuis quelques séances que nous venons avec des propositions assez solides, parfois relativement préparées. Nous manquons tout simplement de temps pour l’annoncer avec d’avance.

      Nous vous invitons néanmoins à venir avec vos propositions, vos questions ou encore des citations. Éventuellement, elles seront retenues par un vote ou inscrite sur notre agenda pour une prochaine fois.

      Pensez à des sujets qui vous importent. Nous défendons l’idée que l’on philosophe mieux à partir des thèmes qui comptent pour soi, qui nous impliquent ou des questions qui nous motivent en raison de ce qui est dit, ici, lors de nos rencontres ou dans la société et les médias.

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      Compte rendu écrit de notre dernier sujet :  Les faits sont-ils incompatibles avec les croyances ? Cliquer ici.

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      Règles de base du groupe
      – La parole est donnée dans l’ordre des demandes, avec une priorité à ceux qui s’expriment le moins.
      – Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.

      Pour limiter les effets de dispersion dans le débat
      – On s’efforce de relier son intervention à la question de départ, de mettre en lien ce que l’on dit avec ce qui a été dit.
      – Pour favoriser une circulation de la parole, de sorte à co-construire le débat avec les autres participants, on reste concis.
      – On s’attache davantage à expliquer la raison de sa pensée, plutôt qu’à défendre une opinion.
      – On s’efforce de faire progresser le débat.
      – Concrètement, on évite de multiplier les exemples, de citer de longues expériences, de se lancer dans de longues explications, mais on va au fait de son argumentation.

      > Le moment de la conclusion peut donner l’occasion d’un exercice particulier :
      – On peut dire ce que l’on pense des modalités du débat.
      – On peut faire une petite synthèse d’un parcours de la réflexion.
      – On peut dire ce qui nous a le plus interpelé, ce que l’on retient.
      – On peut se référer à un auteur et penser la thématique selon ce qu’aurait été son point de vue.
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      Avec ou sans préparation, chacun est le bienvenu, les cafés philo sont par définition, contre toute forme de discrimination et de sélection par la classe sociale, le niveau scolaire, etc.

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      Ps : En raison de la crise démocratique que nous traversons, nous postons (cliquer ici), des interviews d’historiens, de sociologues, d’économistes, de journalistes sérieux et qui nous aident à comprendre les tensions politiques que nous vivons en regard à leur discipline. Pourquoi et en quoi nous sommes à l’aune d’un fascisme en tout point comparable à celui des années 30 de l’Allemagne Nazi ?
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      René Guichardan, café philo d’Annemasse.
      > Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse, ici.
      Des cafés philo à Grenoble. Cliquer ici.
      – Le café philo à la Maison Rousseau Littérature à Genève, le premier vendredi du mois, c’est ici.
      Le café philo de l’Ehpad, les Gentianes, Vétraz-Menthoux. Annemasse”
      > Lien vers le forum des problématiques de notre temps (écologie, guerre, zoonose, démographie et philosophie.
      Ici, nous postons des cours, interviews, conférences dont nous avons apprécié la consistance philosophique
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      > Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici)

      #7540
      René
      Maître des clés

        Compte rendu du débat à partir d’une citation :

        « Une crise ne devient catastrophique que si nous y répondons par des idées toutes faites, c’est-à-dire par des préjugés. » Hannah Arendt. La crise de l’éducation », in CC, op. cit., p. 223-252.

        Nous étions huit participants et, comme la dernière fois, je reste assez estomaqué de voir le débat tourner en rond. Rémy a parlé de “bouillabaisse” en fin de débat pour dire ce qu’il a sué de chercher à s’en tirer. Il a estimé qu’il était peut-être difficile de questionner les convictions qui nous animent. Je suis curieux des convictions auxquelles il pensait, car toutes ne s’appuient pas sur les mêmes pensées (arguments), toutes ne sont pas de mêmes valeurs, toutes ne sont-pas comparables entre elles, n’est-ce pas?

        Voici la citation en question, avec la phrase qui la précède, ainsi que celle qui la suit :
        « Une crise nous force à revenir aux questions elles-mêmes et requiert de nous des réponses, nouvelles ou anciennes, mais en tout cas des jugements directs. Une crise ne devient catastrophique que si nous y répondons par des idées toutes faites, c’est-à-dire par des préjugés. Non seulement une telle attitude rend la crise plus aiguë mais encore elle nous fait passer à côté de cette expérience de la réalité et de cette occasion de réfléchir qu’elle fournit. »

        Un ou deux éléments retenus dans notre débat, et qui me paraissent intéressants :
        Comment penser la crise ?
        Le mot fait référence à un point d’acmé qui voit une situation basculer. Autrement dit, la situation ou l’évènement en cause n’est plus gérable, la menace pèse sur un système : la santé d’un organisme, la santé publique d’un pays, la désertion des professeurs et la baisse du niveau des élèves qui engendrent une crise du système éducatif, c’est la crise du gouvernement qui ne sait ou ne peut gérer le pays, son économie, sa dette, sa justice, etc., tandis que les conflits entre les partis et les alliances se jouent sur le dos des populations, à leurs détriments.
        L’un des problèmes tient dans le constat d’une succession de crises, puisque depuis les subprimes (2007), nous passons de crises en crises (banque, pandémie, guerre, pauvreté, écart de richesse, crises environnementales, gouvernementale, etc.)  Sommes-nous en crise si la crise est permanente ?
        Qu’est-ce qui fait problème par rapport à « habituellement » quand tout fonctionne ?

        La crise est avérée.
        L’idée est de considérer que nous sommes dans un rapport de crises qui va s’aggravant car celles-ci impliquent de plus en plus d’inégalité, d’injustice, de souffrance, de victimes, de guerres, etc., mais ce sont en même temps des effets de système, de structure, d’organisation, d’administration qui, normalement, maintiennent la société dans un fonctionnement, qui se trouvent, en fait, totalement impliqués, sinon générateurs de la crise que nous subissons.
        La crise est avérée en ce sens également que des points de non-retour sont atteints, rien ne semble pouvoir revenir comme avant, sans que nous sachions pour autant comment changer les choses ni où nous allons. (Peut-être faut-il savoir/décider où nous voulons aller pour changer les choses en conséquence de la destinée que nous visons ?)

        La question du préjugé
        Le préjugé, dans le texte d’Arendt, s’oppose à celui de jugement. Dans notre échange, je proposais de l’opposer à l’éprouvé, au ressenti, au vécu, mais aussi à la question de “vérité” (une chose est vraie, lorsqu’on peut vérifier son rapport de correspondance entre la chose et ce qui est dit à son propos).
        Eva a évoqué aussi l’idée d’une prise de conscience du préjugé : se rendre compte que l’on s’appuyait sur une erreur, un préétabli, une généralité, un principe, etc, alors qu’il ne correspond pas à des faits ou à ce que l’on tenait pour vrai.
        Et bizarrement, il semble que nous ne sommes pas allés plus loin dans notre débat. C’est, en tous les cas, mon point de vue, que j’écris précisément pour l’exposer à la discussion (ici ou de vive-voix ou par écrit, pour celles/ceux qui souhaitaient le mettre en discussion).

        Un problème classique : la pensée circulaire et/ou généralisante.
        L’un des problèmes « classiques » que l’on rencontre dans ce type de discussions consiste à estimer qu’un point de vue renvoie à un autre point de vue, considéré comme égal au premier. Des exemples émis lors de notre débat :
        – le discours des économistes de gauche s’oppose à celui des économistes de droite et, à partir de là, personne n’a raison ou tous ont raison.
        – La politique, ce ne sont que des affaires d’ego et donc, il n’y pas de politique.
        – Les gens sont mus par des peurs, s’ils expriment leurs craintes et émotions, tout s’arrangera, etc.
        Ce genre de pensées circulaires et de boucles de récursion inopérantes surviennent par toutes sortes de généralisations, elles jettent un flou sur la teneur du débat, empêchent de mettre le doigt sur des enjeux pertinents, de s’y arrêter et de les analyser dans le sens de la profondeur.

        Tous les arguments se valent
        Dans les faits et les conséquences :
        1° penser une économie de droite ou de gauche, cela n’a rien à voir,
        2° mettre sur un pied d’équivalence les analyses (la propagande) des experts plateau TV et, par ailleurs, ceux des universitaires qui étayent leurs études et en définissent les limites, ce n’est pas comparable,
        3° attribuer la cause du comportement des populations, qu’elle que soit leur fonction, (soldat, homme d’Etat, professeur, simple citoyen et tout quidam) à la peur, et qu’il suffirait de l’exprimer pour qu’il n’y ait plus de problème ! C’est vraiment surprenant.
        Comment tous ces arguments peuvent-ils s’exprimés, se relayer les uns aux autres et s’énoncer comme s’ils étaient équivalents, tandis que tous les participants présents viennent dans ce café philo depuis des années ?

        Je n’ai pas de réponse à cette question, et elle ne dit pas non plus la totalité de ce que je perçois car, dans le même temps où ces propositions sont faites, on peut observer des mimiques de doutes, d’hésitation. En réalité, les participants « essayent » leurs pensées, elles sortent brut de décoffrage », mais toute la conscience du participant ne s’y réduit pas. Certes, les énoncés témoignent de résistances, d’inerties de fond, d’habitus, mais aussi d’une lutte qui se travaille dans la réflexion intérieure du participant. Toutefois, et dans la forme, les propositions de ce soir font montre d’un refus de hiérarchiser la valeur des arguments. On passe ainsi d’une idée à l’autre sans approfondir aucun de ses points.

        Toute idée est-elle un préjugé ?
        « En tant que femme, pour moi, donner la vie a été important. Pourtant, aujourd’hui, dans mon environnement social, elles sont nombreuses à ne plus considérer la maternité comme quelque chose de fondamental. J’avais un préjugé sur la femme ». Témoignage d’une participante.

        Autre exemple cité : lorsque le soldat sur le front ne veut plus tirer sur l’ennemi, quelle est sa prise de conscience ? Sur quoi portait son préjugé : sur le mensonge d’Etat, la propagande militaro-industrielle, le nationalisme ou encore, sur l’instinct grégaire du sentiment d’appartenant à une terre et à un clan ?  A l’aune de quelle idée, voire de quel ressenti questionne-t-on les « préjugés » qui nous animent ?  Mais précisément, les affects, le ressenti, les sentiments profonds ou encore, le désir de maternité sont-ils des préjugés ? C’est un autre problème que nous avons rencontré : toute pensée est mise sur le compte d’un préjugé, y compris les affects profonds et les convictions. Si la réalité sensible et le sentiment de soi sont considérés comme étant des préjugés, cela revient à s’interdire de penser. Ils sont probablement pensé à partir de préjugés, mais le sensible et les sentiment de soi ne sont pas des préjugés en eux-mêmes, ils sont éprouvés.

        Qui suis-je ?
        On sent que l’on touche à quelque chose de bizarre, c’est comme si les participants n’étaient plus certains de rien, ni même d’eux-mêmes : si je suis femme et que je désire un enfant, est-ce mon désir ou est-ce celui de ma condition féminine que m’impose la société ? D’ailleurs qu’est-ce qui s’impose à moi de la société : mon genre, mon identité, mes comportements, le patriarcat, le capitalisme, mais aussi, mon employeur, mes parents, mon petit ami, telle ou telle branche du féminisme ? A tout questionner et à douter jusqu’aux sentiments en soi (les sentiments que l’on a) et au sentiment même de soi (le sentiment de soi = celui que l’on se sent être), questionnons-nous encore ? Devenons-nous les auteurs de notre propre désorganisation psychique en écho à la désorganisation sociétale ?

        J’ignore s’il faut s’en étonner, mais c’est comme si les pensées d’une partie des participants présents n’avaient pas d’ancrage ou plutôt, l’ancrage en question n’est pas situé (incarné, conscientisé). C’est comme si, à chaque fois, toutes les propositions étaient possibles. Pourtant, le chemin des idées qui déroule en notre conscience la succession de ses raisons ne vient pas de nulle part, ni le sentiment de ce que l’on se sent être intimement ne vient de nulle part. Est-il possible que la société, le bruit ambiant des médias, l’usage excessif des écrans aient conduit à « nous » faire perdre le sentiment de soi ? Perte d’autant plus accentuée qu’il y a peut-être eu, par ailleurs, des vulnérabilités dans la petite enfance, tout comme dans le système éducatif du pays ? De quelle aliénation sommes-nous la conséquence ?

        En fin de débat, une proposition questionnante ?
        Caroline : « Le rapport vrai aux choses ne change rien, car chacun est convaincu de sa vérité. »
        La proposition me semble intéressante effectivement, car soutenir un rapport vrai aux choses donne des appuis pour faire valoir des faits et faire tomber des préjugés.  En effet, c’est à partir des faits que des préjugés peuvent être questionnés et contrebalancés de manière substantielle comparativement à des idées toutes faites. Supposons que l’on ait affaire à des interlocuteurs sérieux, c’est-à-dire qui examinent les faits, qui distinguent les causes des conséquences, qui mesurent la pertinence des propositions qu’ils font, qui comparent les propositions et qui admettent que rien n’est sans effet ni sans conséquence, dès lors, on peut demander à chacun de ces interlocuteurs : êtes-vous prêt à soutenir le prix (en sueurs, en larmes, en sang et en euros) pour vous et vos enfants des choix que vous faites ?
        Lorsque nous sommes dans l’examen des causes, de l’éprouvé et du conséquentialisme des propositions faites, nous sommes dans un rapport à du réel, dans un rapport à l’éthique, nous nous confrontons à « cette expérience de la réalité et à cette occasion de réfléchir » auxquelles Hannah Arendt nous invite dans sa citation.

        A propos de préjugé, je suis tombé sur cette citation de Günther Anders.

        Autrement dit, il n’est pas impossible que certains préjugés ne soient pas questionnés en raison de notre confort de vie. Questionner nos préjugés demande que l’on fasse preuve de discernement, et non que l’on brasse le tout dans une même soupe.
        Mais l’autre point que nous avons vu, c’est la “fragilité” (l’inconsistance) du sentiment de soi. Puis-je me laisser convaincre que je ne suis “rien” ou même, un “chien”, un animal asservi, et que je doive me tuer à la tâche ou sacrifier les gens autour de moi si l’économie, le gouvernement et les médias me convainquent de le faire ?

        Des ressources
        Chapitre 2. Hannah Arendt : la crise à la lumière de l’événement. Dans La fin du politique. Open Edition. Cliquer ici.
        Hannah Arendt penseur de la crise. Myriam Revault d’Allonnes. Article la Revue. Cairn. Cliquer ici.

        en l’occurence, ceux des milliardaires et de la tv d’Etat.

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        René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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