Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Les sujets du café philo d’Annemasse › Sujet libre avec compte rendu : Est-il nécessaire de comprendre un sujet pour le traiter ? ce lundi 22.07.2024. Annemasse.
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20 juillet 2024 à 10h39 #7547
Rencontres philo pour le monde d’aujourd’hui, tous les lundis à 19h00
NOUVEAU LIEU BRASSERIE L’ATLAS, 16, place de l’Hôtel de Ville. 74100 ANNEMASSE
juste à côté de l’ancien lieu, la TavernePour ce lundi 22 juillet 2024
Le sujet est choisi parmi les propositions de chacun.
Nous remarquons depuis quelques séances que nous venons avec des propositions assez solides, parfois relativement préparées. Nous manquons tout simplement de temps pour l’annoncer avec d’avance.Nous vous invitons néanmoins à venir avec vos propositions, vos questions ou encore des citations. Éventuellement, elles seront retenues par un vote ou inscrite sur notre agenda pour une prochaine fois.
Pensez à des sujets qui vous importent. Nous défendons l’idée que l’on philosophe mieux à partir des thèmes qui comptent pour soi, qui nous impliquent ou des questions qui nous motivent en raison de ce qui est dit, ici, lors de nos rencontres ou dans la société et les médias.
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Compte rendu écrit de notre dernier sujet : “Une crise ne devient catastrophique que si nous y répondons par des idées toutes faites, c’est-à-dire par des préjugés.” Hannah Arendt. La crise de l’éducation », Cliquer ici.
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Règles de base du groupe
– La parole est donnée dans l’ordre des demandes, avec une priorité à ceux qui s’expriment le moins.
– Chacun peut prendre la parole, nul n’y est tenu.Pour limiter les effets de dispersion dans le débat
– On s’efforce de relier son intervention à la question de départ, de mettre en lien ce que l’on dit avec ce qui a été dit.
– Pour favoriser une circulation de la parole, de sorte à co-construire le débat avec les autres participants, on reste concis.
– On s’attache davantage à expliquer la raison de sa pensée, plutôt qu’à défendre une opinion.
– On s’efforce de faire progresser le débat.
– Concrètement, on évite de multiplier les exemples, de citer de longues expériences, de se lancer dans de longues explications, mais on va au fait de son argumentation.
> Le moment de la conclusion peut donner l’occasion d’un exercice particulier :
– On peut dire ce que l’on pense des modalités du débat.
– On peut faire une petite synthèse d’un parcours de la réflexion.
– On peut dire ce qui nous a le plus interpelé, ce que l’on retient.
– On peut se référer à un auteur et penser la thématique selon ce qu’aurait été son point de vue.
—————-Avec ou sans préparation, chacun est le bienvenu, les cafés philo sont par définition, contre toute forme de discrimination et de sélection par la classe sociale, le niveau scolaire, etc.————————————-
Ps : En raison de la crise démocratique que nous traversons, nous postons (cliquer ici), des interviews d’historiens, de sociologues, d’économistes, de journalistes sérieux et qui nous aident à comprendre les tensions politiques que nous vivons en regard à leur discipline. Pourquoi et en quoi nous sommes à l’aune d’un fascisme en tout point comparable à celui des années 30 de l’Allemagne Nazi ?
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René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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> Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici)25 juillet 2024 à 4h31 #7550Compte rendu : Est-il nécessaire de comprendre un sujet pour le traiter ?
C’est la seconde fois que ce sujet est proposé. La première fois, il n’a inspiré personne, tant la question semble évidente : sans compréhension du sujet, il est impossible de le traiter. Mais ce soir, on souligne une distinction entre ce qu’est comprendre d’une part et, ce qu’est traiter, d’autre part. Comprendre relèverait davantage d’une activité cognitive qui voit s’élaborer des arborescences structurantes de sens dans de multiples directions, tandis que traiter d’un problème ou d’un sujet orienterait plutôt vers le pragmatisme, vers des modes d’action, vers l’effectivité de problèmes à résoudre.
Précisons également que selon le type de question à considérer, le rapport de compréhension et la manière de le traiter peuvent être très différents. Par exemple, en philosophie, il semble que ce soit parce qu’on ne comprend pas un sujet qu’il nous faille le traiter, c’est-à-dire, commencer à l’examiner. Dans ce cas-là, les activités de traitement et de compréhension s’entremêlent étroitement. Toutefois, la manière de traiter une question, donc d’élaborer à son propos des concepts et des logiques, changent la disposition du philosophe par rapport à lui-même, par rapport à la cité et par rapport à la vie en général. En effet, selon que l’on s’appelle Platon, Aristote, Kant ou Hegel, l’élaboration d’une pensée n’est pas sans effet sur soi, sur la manière d’appréhender la vie et sur les choix que l’on fait.
Il ressort que la recherche de ce que signifie « comprendre » (construire un ensemble de perspectives – une arborescence de sens) doive se détacher délibérément de ce que signifie traiter d’une chose, notamment si des attentes spécifiques sont visées : la résolution d’un problème, un besoin de soulagement, la recherche d’un gain quelconque, la construction d’un système éthique. En effet, si l’on n’élabore pas une arborescence libre de toute orientation par rapport à une thématique donnée, un chercheur orientera ostensiblement sa recherche selon des réponses pré-envisagées selon sa culture, son conditionnement, selon ses besoins du moment ou encore, selon les attentes de ses financeurs (de son éditeur). Dans tous les cas, il fera l’impasse sur de nombreuses autres possibilités, surtout s’il ne prend pas de recul historique, s’il ne s’impose pas de comparer la production de sa recherche avec celle d’autres chercheurs ayant travaillé sur des thèmes comparables. Bon, entre nous, à la différence du non spécialiste, lorsque des philosophes-chercheurs se donnent à une recherche inédite, ils situent leur pensée par rapport à l’histoire de leur discipline, et doivent expliquer en quoi ils repensent certains fondements de la pensée de leurs prédécesseurs.
Par ailleurs, on observe que le désir ou la volonté de comprendre ne se manifeste pas avec la même acuité chez chacun. On peut vouloir ne pas comprendre, précisément, car on s’imagine avoir déjà compris (avoir ses idées à propos d’une thématique donnée). En effet, la vie se présente à notre regard avec les attentes de notre groupe social que le conditionnement de notre enfance nous a préparé à accueillir. De fait, si philosopher relève d’un étonnement (Aristote), l’étonnement n’est pas premier, il suppose une prise de recul intellectuel préalable à la découverte qu’on s’apprête à faire. Cette découverte a lieu si on se montre curieux de la différence, et si l’on ne rechigne pas à dépasser nos déceptions et quelques résistances. S’étonner requiert ainsi que l’on prenne conscience que nous sommes déjà habités d’un savoir ou d’attentes, et que ceux-ci sont inadaptés à ce que l’on croyait savoir. Ce soir, notre curiosité porte sur ce qui motive le questionnement et la manière dont celui-ci s’élabore.
Le besoin de faire sens.
Il semble que c’est surtout le besoin de faire sens qui motive la quête philosophique (le besoin de comprendre, que l’on rattache pour l’instant, à un besoin de philosophie) : il s’agit d’extraire des faits (note 1) une vue de l’esprit qui recherche, par exemples, une libération, une joie, un soulagement, la délivrance de nos tourments ou encore, une résignation (Schopenhauer), une méthode (Descartes), une géométrie (Spinoza), une métaphysique (Leibniz), un travail sur soi et ses représentations (Épicure, Marc Aurel), une épistémologie (Bachelard, Popper).
De toute évidence, une « volonté philosophique » cherche à « co-prendre » (prendre avec, embrasser l’ensemble), à concevoir un tout rendu visible aux yeux du néophyte, grâce à une série de démonstrations, de logiques et d’argumentations. La question semble s’imposer : le besoin de sens précède-t-il la recherche ? Si oui, jusqu’où la conditionne-t-il, l’oriente-t-il ? Ainsi, nous considérons l’idée que nous tendons à rechercher du sens selon un environnement et selon des dispositions/prédispositions préalablement acquises qui orientent déjà notre pensée. Les choses pensent déjà en nous sans que nous en ayons une conscience effective. Nous y reviendrons. En attendant, c’est une autre idée qui va s’imposer à nous ou plutôt, une autre perception : le sentiment esthétique.L’esthétique est un mode de compréhension.
La proposition peut paraître choquante ou contre-intuitive en ce que le beau échappe au concept (Kant) il est une « appréciation », un affect du ressenti. Toutefois, comprendre engendre un sentiment du beau (note 2). Or si des dispositions psychiques (inconscientes ou préconscientes) précèdent l’acte de comprendre, la question se pose : est-ce le beau, dont j’ai besoin, qui alors dispose ma pensée dans une direction donnée ? Dans l’affirmative, la logique, la connaissance, les auteurs, l’histoire, et tout ce qui relève d’une connaissance ou d’une autre ne sont pas nécessaires, puisque c’est une appréciation esthétique qui est moteur de mon besoin de philosopher. La question se pose, et tout le monde ne se la pose pas : supposons que le sens de cette esthétique suffise à ma joie et à mon équilibre, ai-je alors besoin de comprendre autre chose que la beauté (ou une expérience esthétique) que cet affect qui me comble ?
Peut-être en sommes-nous restés là pour ce débat, tout en nous demandant si nous pouvons aller plus loin que ce « contentement » qu’a comblé ladite expérience esthétique ? Reprenons la question à nouveau : si je suis contenté, ou si je vis une expérience pleine par la contemplation vécue qui me ravit (comme si elle exprimait une expérience d’unité intérieure), ai-je besoin de pousser ma quête plus loin ? A priori pas, n’est-ce pas ? Je peux alors avoir l’incroyable sentiment que je me suffis à moi-même par l’expérience que je fais.
Tant mieux mais, encore une fois, est-ce suffisant ?Faut-il pousser les murs plus loin que là où notre intérêt s’arrête ?
Si rien ne me satisfait, et que malgré tout, je me sente sans besoin, ou plutôt que mes besoins ne me parlent pas, qu’il ne m’est pas possible d’imaginer ce qui me manque, dans ces cas-là, la faculté de comprendre, est-elle encore motivante ?La question se pose, car on peut se trouver « dépressif », déçu ou encore atteint d’une maladie dégénérative, y compris si, à l’occasion, on s’est trouvé bouleversé par des expériences esthétiques ; dès lors la motivation pour poursuivre une quête peut se réduire à zéro, sauf s’il l’on prend sur soi de se motiver, en dépit du « rien », en dépit de l’absence d’intérêt que l’on éprouve. Mais pourquoi le ferions-nous ? Qu’est-ce qui peut alors orienter sa quête quand rien ne semble tenir, quand aucune motivation ne peut trouver d’appui ? Et, dans ces cas-là, quelle direction prendre ?
Faut-il s’accrocher à l’expérience esthétique vécue une fois, faut-il chercher à la raviver, chercher à la revivre indéfiniment ? Cette expérience esthétique, est-elle en elle-même porteuse d’une autre vérité, n’est-elle qu’une étape sur le chemin ? Doit-elle seule faire vérité par elle-même ?
Ici, pour répondre à ces questions, il est possible que nous soyons en pleine spéculation, mais peut-être également, dans un rapport authentique à l’expérience du vivre sur tous les plans, et non seulement sur celui d’une dimension esthétique qui nous a affecté à un moment donné de notre histoire.
L’idée de comprendre, ici, ne se situerait pas uniquement sur le plan esthétique, elle ne découlerait pas nécessairement du plan esthétique, mais viendrait par d’autres chemins : c’est l’élaboration d’une multitude de sens, la conscience d’une épistémologie qui s’élabore, la mise en dialogue permanente des dissensions qui émergent de toutes parts, qui inviterait la conscience à toujours pousser plus loin ses investigations. Oui, mais pourquoi (cause), pour quoi (but) ? Pour le pure plaisir que la faculté de comprendre produit, liant ainsi la pensée, les affects et le sens ?
Je termine mon compte rendu ici, mais il est possible que je tente de répondre plus finement à ces dernières questions dans un prochain message, car nous avons effectivement tenté d’y répondre… L’échange fut très intéressant… quoiqu’assez difficile à retranscrire.
Merci de votre attention.
Note 1 : extraire des faits pour faire philosophie.
Les faits s’entendent ici au sens large, c’est tout ce qui participe de l’argumentation en philosophie. En effet, la philosophie s’efforce de justifier sa pensée (c’est une épistémologie). Par opposition à la pensée religieuse qui, elle, assume l’idée d’une révélation et d’un mystère premier. Le philosophe, lui, doit poser une hypothèse de départ afin de justifier/fonder sa pensée. Cette hypothèse fait « proposition », elle s’appuie souvent sur une observation, sur des textes antérieurs, ce sont les faits premiers du philosophe. Il sait que sa proposition n’est pas une vérité en soi indépendante de tout (une essence), mais un choix, un levier qu’il estime suffisamment solide pour y édifier sa pensée.Note 2, à propos du beau et de son rapport à la raison :
Le sentiment du beau est universelle (tout le monde l’éprouve ou peut l’éprouver), mais pas la cause qui le déclenche. C’est pour cette raison que le beau est sans concept (sans raison ou par-delà toutes raisons). Néanmoins, nous associons toujours le beau à une raison, Kant en fait l’exercice dans l’extrait ci-dessous, par la raison (la loi de l’univers), il éprouve une expérience esthétique. La loi de l’univers le renvoie à une loi morale, dont il voit à quelle condition, elle peut se proposer à l’humanité.
« Deux choses remplissent le coeur d’une admiration et d’une vénération toujours nouvelles et toujours croissantes à mesure que la réflexion s’y attache et s’y applique : le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi. Ces deux choses, je n’ai pas besoin de les chercher et de les conjecturer comme si elles étaient enveloppées de ténèbres ou placées dans une région transcendante en dehors de mon horizon ; je les vois devant moi et je les rattache immédiatement à la conscience de mon existence. »
Kant, Critique de la raison pratique, Conclusion. trad. F. Picavet, Felix Alcan, 1921
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