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15 sujets de 1 à 15 (sur un total de 1,565)
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  • René
    Maître des clés

      C’est Allan qui écrit, not me 😉
      Bonjour à toutes et à tous,
      (…). Tout au long du développement, des questions me sont apparues : « Idéaliser l’autre n’est-ce alors pas le/la regarder pour ce qu’il/elle serait ? Mais pour ce qu’il/elle pourrait devenir ? » « Serions-nous toute notre vie des êtres inachevés ? Incomplets ? » « L’amour de soi passe t’il obligatoirement par l’amour des autres ? Et inversement ? » « Évoluons-nous dans une ‘’épochè’’ du désir ? »…et d’autres encore.

      Merci Allan pour ce document passionnant.

      J’ai adoré ta recherche sur Dali et l’Angelus de Millet.

      Je crois que nous pouvons nous en inspirer pour un prochain café philo.

      Ce tableau, qui représente une scène somme toute banale de la vie agricole de l’époque, obsède Salvador
      Dali qui en peint plus de 60 versions. Persuadé que l’œuvre renferme quelque chose de plus profond
      qu’il n’y parait, Dali affirme que ce couple de paysans ne prie pas au milieu d’un champ pour réclamer
      bonne récolte. Mais qu’il prie, parce qu’il vient d’enterrer leur enfant. Le peintre espagnol a, à l’époque
      une telle renommée, qu’il demande au Musée du Louvre de radiographier l’œuvre.
      Surprise, sous le panier aux pieds du couple, apparait une boîte noire qui serait le cercueil de l’enfant.
      Millet aurait renoncé à peindre cette scène sur conseil d’un ami et a remplacé le cercueil par un panier
      en osier.
      « Dali est-il parvenu à percevoir l’invisible grâce à l’amour infini de son art ? »
      « Les codes esthétiques et l’épistémologie de l’art, ont-ils permis à Dali de voir ce que personne ne voit ? »
      Allan Fadhel

      René
      Maître des clés

        Bonjour à toutes et à tous,

        Suite au sujet « De quelle vérité est l’amour ?  que nous avons abordé durant le Café Philo organisé le 29 juillet 2025, j’ai ressenti le besoin de développer le sujet autour du désir en tant que catalyseur d’accessibilité à l’amour et à la vérité.

        Dans les moments particuliers et même inédits que l’humanité vit actuellement, la passivité des comportements et des réactions, submergées par la disruption (notre incapacité à s’adapter) m’interroge sur notre faculté à réactiver notre désir d’apprendre, de comprendre, de se retrouver et de tenter de percevoir les entraves psychiques et sociales qui nous empêcheraient de transformer nos pulsions en désirs.

        Tout au long du développement, des questions me sont apparues :

        « Idéaliser l’autre n’est-ce alors pas le/la regarder pour ce qu’il/elle serait ? Mais pour ce qu’il/elle pourrait devenir ? »

        « Serions-nous toute notre vie des êtres inachevés ? Incomplets ? »

        « L’amour de soi passe t’il obligatoirement par l’amour des autres ? Et inversement ? »

        « Évoluons-nous dans une ‘’épochè’’ du désir ? »…et d’autres encore.

        C’est sans prétention aucune que je livre ce travail (pdf ci-joint, cliquer ici pour l’ouvrir ou le télécharger)

        Merci d’avance à celles et ceux qui prendront le temps de me lire.

        Allan FADHEL

        René
        Maître des clés

          Notre dernière séance philo n°7 au parc,  Nietzsche 1844 – 1900
          Suivie de son compte rendu.

          Quelques citations pêle-mêle ci-dessous tirées de quelques-unes de ses œuvres… L’une d’elles nous invitera à un débat autour de cette question : avec de la volonté, peut-on tout ? 
          La volonté entendue dans le sens, peut-on réaliser tout ce que l’on veut (pour les choses qui dépendent de soi) ?

          « Ma chère Lou. Votre idée de ramener les systèmes philosophiques aux actes personnels de leurs auteurs est vraiment l’idée d’une âme sœur ; moi-même, à Bâle, j’ai enseigné, dans ce sens, l’histoire de la philosophie antique et je disais volontiers à mes auditeurs : « ce système est réfuté et mort – mais la personnalité qui se trouve derrière lui est irréfutable ; il est impossible de la tuer ». Par exemple, Platon.
          Lettre de Nietzsche à Lou-Andréa Salomé. 1932.

          Prélude de la science –  Croyez-vous que les sciences auraient pu jamais se développer et grandir, si elles n’avaient eu pour avant-garde les magiciens, les alchimistes, les astrologues et les sorcières dont les promesses et les miracles devaient d’abord susciter la soif, la faim. Ne voyez-vous pas qu’il a fallu que fût promis infiniment plus qu’il ne pouvait jamais être accompli, pour que seulement quelque chose pût s’accomplir dans le domaine de la connaissance ? (…)
          Nietzsche, Le Gai Savoir. § 300

          Pas d’altruisme – Je constate chez beaucoup de personnes un excédent de force et de plaisir qui les incline à devenir fonction : elles ont un flair subtil pour toutes les positions où précisément elles-mêmes peuvent être fonction, et elles s’empressent de les occuper. Dans cette catégorie figurent les femmes qui se transforment en la fonction d’un homme chez qui cette fonction n’est que faiblement développée ; de la sorte elles deviennent ou la bourse, ou la politique ou la sociabilité de cet homme. Pareils êtres se conservent le mieux en s’intégrant à un organisme étranger : s’ils ne peuvent y réussir, ils s’aigrissent, s’irritent et se dévorent eux-mêmes.
          Nietzsche, Le Gai Savoir. §119

          Morale en tant que problème – « Le manque d’individualités personnelles se fait partout sentir ; une personnalité affaiblie, menue éteinte, qui se renie et se désavoue, n’est plus propre à aucune bonne tâche – et le moins à la philosophie.  Le désintéressement n’a de valeur ni au ciel ni sur la terre : les grands problèmes exigent tous le grand amour et seuls en sont capables des esprits puissant, entiers, et assurés, fermes dans leur assiette. (…)
          Nietzsche, Le Gai Savoir. § 345

          « Ce que l’homme veut, ce que veut chaque partie d’un organisme vivant, c’est un surplus de force ».
          Nietzsche, Essai de transvaluation et de toutes les valeurs, §702.

          « Ne prêtez aucune foi à aucune pensée qui n’ait été conçue au grand air, dans le libre mouvement du corps, à aucune idée où les muscles n’aient été aussi de la fête ».
          Nietzsche. Ecce Homo (Voici l’homme)

          « Le mauvais quart d’heure – Sans doute, tout philosophe a eu son mauvais quart d’heure où il pensait : je serai de peu d’importance, si l’on ne croit pas aussi à mes mauvais arguments ! – Et alors, il arrivait que quelque malicieux petit oiseau passât près de lui en gazouillant : « Qu’importe de toi ! Qu’importe de toi ! ».
          Nietzsche, Le Gai Savoir. 332

          « Les bienveillants – Qu’est-ce qui distingue des autres gens ces personnes bienveillantes dont le visage même rayonne de bienveillance ? Elles se sentent à l’aise en présence de quelqu’un de nouveau, et s’éprennent de lui rapidement : elles lui veulent du bien pour cela, leur premier jugement signifie : « il me plait ». Chez ces personnes-là se succèdent le désir de l’appropriation (elles se font peu de scrupules quant à la valeur d’autrui), l’appropriation rapide, la joie de la possession et l’action en faveur de l’objet possédé. »
          Nietzsche, Le Gai Savoir. 192

          « La musique du meilleur avenir – le premier musicien serait selon moi, celui qui ne connaîtrait que la tristesse de la plus profonde félicité, et nulle autre tristesse : pareil musicien, il n’y en a jamais eu jusqu’alors. »
          Nietzsche, Le Gai Savoir. 183

          « Zarathoustra a plus de courage inné que tous les penseurs pris ensemble. Dire la vérité et bien décocher ses flèches, telle est la vertu perse. – Me comprend-on ? (…) Le morale se dépassant elle-même par souci de vérité, le moraliste se dépassant en son contraire – en moi – voilà ce que signifie dans mon bouche le nom de Zarathoustra. »
          Ecce Homo. Pourquoi je suis un destin §3

          Christianisme et suicide. Le christianisme a fait de l’immense désir de suicide qui régnait au temps de sa naissance le levier même de sa puissance : tandis qu’il interdisait de façon terrible toutes autres formes de suicide, il n’en laissa subsister que deux qu’il revêtit de la suprême dignité et qu’il enveloppa de suprêmes espoirs : le martyre et la lente mise à mort par soi-même de l’ascète.
          Nietzsche, Le Gai Savoir. §131

          « La malice de Kant – Kant voulait prouver d’une manière qui saute aux yeux de tout le monde que tout le monde avait raison : c’était là la secrète malice de l’âme. Il écrivit contre les savants en faveur du préjugé populaire, mais pour les savants et non pour le peuple. » Nietzsche, Le Gai Savoir. §193

          But et châtiment – le châtiment a pour but d’améliorer celui qui chatie – c’est le dernier argument des défenseurs du châtiment.
          Nietzsche, Le Gai Savoir. §219

          Sacrifice – Les animaux sacrificiels pensent autrement du sacrifice et de l’immolation que les assistants : jamais cependant il n’a été question de leur donner la parole.
          Nietzsche, Le Gai Savoir. §220

          « Zarathoustra cependant regardait le peuple et s’étonnait. Puis il dit :
          L’homme est une corde tendue entre la bête et le Surhumain, — une corde sur l’abîme.
          Il est dangereux de passer au-delà, dangereux de rester en route, dangereux de regarder en arrière, frisson et arrêt dangereux.
          Ce qu’il y a de grand dans l’homme, c’est qu’il est un pont et non un but : ce que l’on peut aimer en l’homme, c’est qu’il est un passage et un déclin.
          J’aime ceux qui ne savent vivre autrement que pour disparaître, car ils passent au-delà. »
          Nietzsche, Ainsi parlait Zarathoustra

          Compte rendu de notre dernière séance, Nietzsche 1844 – 1900

          Nous étions près d’une vingtaine de participants.

          Une question a été proposée pour amorcer notre échange : avec de la volonté, peut-on tout ? 
          La volonté entendue dans le sens, peut-on réaliser tout ce que l’on veut (pour les choses qui dépendent de soi)…

          Cette question a rapidement évolué vers : avec de la volonté peut-on se dégager de nos déterminations ?
          En effet, dans ce groupe, nous sommes avertis qu’il y a des déterminations « partout » :

          En revanche, nous sommes également demandés si la « volonté » était pertinente aujourd’hui ? Autrement dit : ne devons-nous pas plutôt renoncer à notre « puissance » et tendre vers plus de sagesse, de sobriété ?
          Devons-nous faire appel à plus de volonté ? Ou plutôt, ne devons-nous pas mobiliser une volonté différente (une conscience différente) ?
          D’ailleurs, pour se référer à une conscience différente, ne faut-il pas faire appel à une autre forme de volonté ?

          Comprendre le concept de volonté chez Nietzsche.
          Nietzsche distingue la volonté comme nous la comprenons classiquement : une force « consciente » que l’on mobilise contre des résistances intérieures ou une adversité extérieure. Il s’agit dans ce cas de se mobiliser pour remporter un défi, de se dépasser en raison d’un objectif que l’on se fixe (grimper un sommet, réussir ses études, son intégration professionnelle…). Cette volonté résulte en fait de la pression individuelle et sociale, elle est un « conditionnement ». Certes, elle a une valeur (selon Nietzsche) si elle mobilise une douleur (sa physiologie), si nous allons plus loin que nous ne pensions le faire initialement…
          Mais, là encore, il ne s’agit pas de la volonté de puissance que s’efforce de rendre claire Nietzsche.
          Pour information, Nietzsche a lu Spinoza (qu’il critique bien entendu, tout en s’en inspirant), mais la puissance nietzschéenne-spinozienne est entendue comme force créatrice de l’univers à laquelle notre être, notre physiologie, notre créativité, notre imaginaire ne doivent ne plus s’y trouver limitées…
          > C’est comme si Nietzsche, en tant que pionné et révolté contre le décadence morale du monde, recherchait une puissance-conscience ou une conscience-puissance jamais atteinte jusqu’à présent.(D’où sa quête d’une généalogie de la morale pour remonter à l’origine des valeurs de la vie, c’est-à-dire, plus loin que l’antiquité et plus avant que les religions, qu’il illustre notamment dans son ouvrage : Ainsi parlait Zarathoustra).

          C’est comme s’il s’agissait de mobiliser une « volonté » entendue comme « conscience-lucide-puissance » qui se situerait par-delà bien et mal, par-delà nos représentations, par-delà nos ressentis, y compris ceux du corps.

          Or, il y a là une sorte de trilemmes (note plus bas). Jusqu’où peut-on aller trop loin ?

          Il peut y avoir le danger d’aller trop loin, et pas nécessairement dans la bonne direction, précisément à cause d’un excès de volonté.

          Mais sur quoi peut s’appuyer la volonté lorsqu’elle a fait le tour de toutes les possibilités (de tous les savoirs, de toute son imagination, de toutes ses ressources) ? D’ailleurs, n’est-il pas sage de savoir de recentrer avant de s’aventurer trop loin ? Faut-il prendre le temps de se poser, de lâcher-prise ?
          Il ne s’agit pas pour autant de s’illusionner, de se projeter dans un au-delà (pas pour Nietzsche en tous les cas).
          Il semble ici, que nous sommes invités à « suspendre » notre pensée et nos jugements habituels… (Référence à l’épochè d’Husserl rappelé par Sébastien).

          Peut-être nous faut-il faire appel à d’autres formes d’intelligences (une intuition du corps, une intelligence des cellules, une intelligence collective…) ? Peut-être faut-il savoir rester « poreux » à autrui, au monde, à ce qu’il s’y vit ?
          Peut-être, la suspension à laquelle nous nous appliquons peut nous « connecter » au monde ou à des « possibilités » non inimaginables pour l’instant… Peut-être nous faut-il apprendre à explorer l’inconnu ? Peut-être nous faut-il apprendre à traverser des déserts… ?

           

          Note : Le trilemme de Münchhausen ou le trilemme d’Agrippa
          En épistémologie, il est proposé par le philosophe sceptique antique Agrippa. Il expose l’impossibilité d’établir une vérité absolue sur quoi que ce soit. En effet, toute tentative de fonder la connaissance sur une base solide tombe inévitablement sous un des trois écueils suivants  :

          1° la regressio ad infinitum, où chaque argument justifiant une connaissance doit à son tour être vérifié, et ceci à l’infini.
          2° la circularité logique, laquelle tente de justifier une thèse en l’employant implicitement.
          L’argument dogmatique ou argument ex cathedra qui fait appel à un principe supérieur à la vérité, mais qui ne peut être démontrer. Il ne peut ainsi n’être en aucune manière critiquée.

          C’est le philosophe Hans Albert qui a baptisé ce problème « trilemme de Münchhausen », en mémoire du baron de Münchhausen qui avait prétendu tirer son cheval et lui-même hors des sables mouvants par ses propres cheveux.

          Fin du compte rendu…Merci à tous pour votre participation. J’ai beaucoup appris avec tous les participants et en mettant en place celle nouvelle manière d’aborder la philosophie : en essayant de faire des liens autant avec les questions que nous nous posons aujourd’hui, tout en prenant en compte la pensée des auteurs, mais sans pour autant se fixer uniquement à leur philosophie…
          > à la fois car ma connaissance des auteurs et limitée mais également, parce que j’entrevois la pratique philosophique comme une rencontre avec le questionnement qui anime chacun des participants dans son cheminement, et son aptitude par son aptitude (volonté/aspiration) à rencontrer autrui.

          Merci à tous.

          ————————————-
          René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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          René
          Maître des clés

            Séance 5, dimanche 17 août, Edmond Husserl (1859 – 1938)
            suivie du compte rendu.

            Débat proposé pour accompagner notre séance :
            « Peut-on échapper à soi-même ? »
            La question peut s’entendre en plusieurs sens : oeut-on s’oublier ?  Peut-on se libérer de soi ? Peut-on échapper à son ego ? Peut-on ne pas être égoïste ?
            Si nous ne le pouvons pas (échapper à nous-mêmes), quelles conséquences en découlent-ils ? Et si nous le pouvons, à quelles conditions est-ce possible ?

            Quelques citations proposées

            « Toute conscience est conscience de quelque chose ».

            Étymologie,  conscience : avec science (avec savoir).
            Le savoir à propos de quelque chose.
            Questions corrélées : comment le savoir est-il produit ?
            Quelle est la pertinence de ce savoir ?
            Qui produit le savoir, et en vue de quoi ?
            Peut-on fonder le savoir ? (C’est le projet de Husserl – à la suite des limites de la raison qui se faisaient jour fin XIX /début XXème)

            Du point de vue d’Husserl, les phénomènes (ce qui apparait à la conscience) résultent des impressions transmises par nos sens, c’est ce à partir de quoi va se constituer notre « conscience ». C’est sous cet angle que s’amorce le questionnement de Husserl.

            « Aucune science objective, aucune psychologie, dont c’était pourtant la volonté que de s’ériger en science universelle du subjectif, aucun philosophe non plus, n’ont jamais découvert ce royaume du subjectif. »

            « La « chair » participe à ces différentes sensations : La chair est d’une façon tout à fait unique toujours présente dans le champ de la perception, avec une immédiateté entière, dans un sens d’être tout à fait unique […] qui est désigné par le mot organe ».

            Au lieu d’être orienté sur les choses pour les connaître comme elles sont, on les interroge au contraire sur les modes de leur donation subjective, sur la façon dont elles s’offrent comme étant.

            Il y a trois instances, que l’on saisit au cœur du cogito : l’ego, la cogitatio (ou pôle subjectif), et enfin la cogitata (le pôle objectif).

            Le paradoxe de la subjectivité humaine est d’être sujet pour le monde, et en même temps, objet pour le monde.

            Une méthode : l’épochè (la suspension de notre pensée), il s’agit d’interroger tout ce que l’on tient pour objectif et/ou habituel pour le métamorphoser en subjectif.

            Je me tiens au-dessus du monde, qui désormais est devenu pour moi un phénomène.

            Du point de vue de la phénoménologie, je pense le monde à partir du « centre » qu’est la « conscience », laquelle dépend de ses perceptions. La conscience est alors « intentionnelle » (délibérément ou pas).

            Voir le cours d’Annick Stevens sur Husserl (cliquer ici).

            Un compte rendu de la séance du dimanche 17 août
            Edmond Husserl (1859 – 1938)

            Nous étions une douzaine de personnes :
            Question proposée pour le débat : « Peut-on échapper à soi-même ? »

            Dans un premier temps, la réponse donnée est plutôt négative : on ne peut échapper à soi-même : les choses viennent de soi et nous reviennent, y compris lorsqu’on veut se fuir. Il peut même être « vital » de savoir revenir à soi-même si l’on souhaite ne pas se perdre totalement.

            Mais la réponse s’affine lorsqu’on précise son objet : qu’est-ce que le « soi » ? De quoi est-il fait ?
            Il ressort que le « soi » est composite : il résulte d’un héritage familial, scolaire, amical, il est corrélatif à nos relations intimes et il s’inscrit également dans un environnement social, politique, religieux,  etc … Spinoza parle de « complexion ».
            De fait, le « soi » ne se résume pas à l’unité individuelle, telle qu’elle se donne à voir par notre silhouette physique : la conscience de soi déborde largement les contours de notre apparence.

            Nous passons ainsi d’un regard objectivé par notre apparence physique à un regard tourné vers l’intérieur lorsqu’on fait référence à un « soi »,
            Classiquement, ce qui est perçu à l’extérieur de soi est « objectivé », car on peut le décrire et s’entendre avec autrui sur la description qui en est faite, mais lorsque le regard ou l’attention sont tournés vers l’intérieur, on parle de subjectivité, en relation à l’idée de « sujet » et à sa sensibilité. Or, de même que nous ne connaissons du monde que sous les aspects par lesquels il se révèle à nous, nous ne connaissons du soi et de notre intériorité que tels qu’ils apparaissent à la surface de notre conscience, c’est-à-dire, à la surface d’une profondeur et d’une complexité dont on peine à percevoir les abysses et les ressors. Questions : L’image que nous avons de nous-même par notre intériorité correspond-elle avec ce que voit autrui ? Non, n’est-ce-pas ? Puisque autrui n’a pas accès à notre intériorité, ni il ne sait pas ce que nous savons de nous-même.  Ce qui pose une autre question à l’égard de soi : de quelle manière notre soi se présente-t-il à notre conscience ?
            L’extérieur nous est donné par les savoirs du monde, mais comment se forme notre soi et notre image intérieure ?  Comment nous sont-ils donnés (par des rêves, des symboles, des analyses, notre imaginaire, par la pression de l’environnement, par nos perceptions, certes, mais comment) ? Comment, nous-même, contribuons à « façonner » notre soi ou son image ? Que fait-on de soi ?  On observe ici un premier niveau de conscience selon une structure tripartite :

            Selon Husserl, la conscience est « intentionnelle ». De point de vue du philosophe, la conscience comprend l’intention (dont on n’a pas nécessairement conscience), et tous les actes qu’elle opère (analyser, se souvenir, se projeter, imaginer, démontrer, mais aussi, nier, refouler, se défouler, se couvrir de honte, culpabiliser ou encore, se représenter l’espace et le temps, etc…). Mais tout cela, la conscience le fait-elle à l’insu d’elle-même ? Peut-on partir du postulat que la conscience sait ce qu’elle fait, bien qu’elle tende à se le masquer à elle-même ?
            Cela pose une autre question : à partir de quel regard je me pense, à partir du mien, de celui d’autrui, à partir de mon enfance, à partir des normes de la société, à partir du religieux, du politique ? A partir de la conscience elle-même ?

             La conscience peut-elle prendre conscience d’elle-même ?

            Toute conscience est intentionnelle (= mobilisé et motivée par une « tension »). De fait, il y a à minima deux niveaux d’intention :
            1° ce que la conscience perçoit résulte d’une intention délibérée ou non, sinon, la conscience ne percevrait pas ce qu’elle perçoit.
            2° Et la façon dont la conscience traite le phénomène perçu. En effet, lorsque nous examinons notre conscience, nous le faisons toujours animés d’une intention qui, elle, normalement, est consciente (elle est motivée, elle se fixe un but, par exemple : mieux se comprendre soi).
            La conscience est « réflexive » (elle se réfléchit elle-même) sinon, elle n’est pas.

            Husserl a pour ambition « d’objectiver » les perçus de la conscience (qu’ils soient suggérés par l’intérieur ou par l’extérieur).
            La phénoménologie se détermine donc à partir de ce qui apparaît à la conscience, sachant que, ce qui est extérieur à l’individu n’est pas nié pour autant, mais « voilé » par l’ensemble de nos sens.  De ce point de vue, la conscience est première : tout tourne autour d’elle. C’est de cette posture de la conscience, comme étant première, qu’Husserl élabore sa philosophie et qu’il en fixe la méthode. De ce point de vue, la réalité effective des choses (les noumènes) échappe à la conscience, mais l’hypothèse est faite qu’en remontant aux choses mêmes (c’est-à-dire, aux phénomènes – puisque c’est ce qui apparait à la conscience), la conscience peut se révéler à elle-même et mettre également à jour tous les actes par lesquels elle existe et se constitue.

            Revenons un instant à notre débat :
            Lorsque nous dénommons les choses à l’intérieur de soi comme étant : le moi, le ça ou le surmoi, il ne s’agit pas d’un perçu, mais d’une connaissance rapportée (en l’occurrence, ici, la topique freudienne). Nous ne faisons pas alors preuve de conscience, mais nous intériorisons un savoir venu de l’extérieur.  Husserl propose, à titre de méthode, de « suspendre sa pensée » (épochè ou epokhế) à propos de « tout ce qui apparait » à la conscience, de sorte à rendre « conscience » de tous les actes que la conscience opère. Ce sont les « Méditations Cartésiennes – 1931 » d’Husserl, et c’est son projet, celui de refonder l’état des savoirs à partir de la conscience et de ce qu’elle fait d’elle-même.
            Sartre, et la conscience existentielle, est un héritier d’Husserl, de même que Martin Heidegger, Emmanuel Levinas, Paul Ricoeur, Maurice Merleau-Ponty, pour ne citer que ceux-là…

            Pour conclure.
            Descartes, avec ses méditations, souhaitaient refonder les savoirs et distinguer la métaphysique du monde des étendues (ce qui est immanent et mesurable), Kant entend montrer les limites de la raison, Husserl se convainc qu’il faut atteindre les limites, l’infini ou l’indéfini de la conscience de sorte qu’elle se révèle à elle-même via les phénomènes qui l’animent.

            Ce sera tout pour ce compte rendu. Merci de votre attention.

            Ps : la question a été posée : qu’est-ce que l’épokhé, qu’est-ce que cette suspension de la pensée signifie, comment se pratique-t-elle ?
            On peut se référer ici, à Natalie Depraz et à ce schéma que j’en ai tiré.

            Sinon, l’excellent cours d’Annick Steven sur la phénoménologie, ici. 
            Les notes de son cours sont ici + l’extrait de texte qu’elle se propose d’expliquer.

            Soyez les bienvenus pour commenter, questionner ce compte rendu ou encore pour rédiger votre réflexion, votre synthèse. Merci pour votre attention.

            Séance suivante ci-dessous. 

            René
            Maître des clés

              Très intéressante question que la trois, « puis-je savoir si j’ai raison », car elle invite à revenir sur sa pensée (à en faire l’examen, dirait Socrate), autrement dit, à faire preuve d’esprit critique.
              A l’aune de quoi juge-t-on sa pensée (quel besoin, quelle éducation, quelle sociologie), en référence à quoi  (quelle information, auteurs, science) ?
              à propos de quel objet ? (car, par exemple, la physique, la biologie, l’être humain et les sociétés ne se jugent pas avec les mêmes outils).
              > Quel rapport de pertinence entre sa pensée et la réalité ?
              Qui arbitre ma raison ?
              Suis-je soucieux de la « véracité » de ma pensée et de la manière dont elle oriente mes choix, mes comportements, mon rapport au monde et à autrui ?

              J’ai l’impression que ce sont les questions qui se posent.

              René
              Maître des clés

                devons-nous chercher à satisfaire nos désirs, ou devons-nous plutôt chercher à nous en libérer ? Pour répondre à cette question, nous devons d’abord comprendre ce qu’est le désir.

                Intéressante question, notamment si l’on part d’une étymologie (par rapprochement littéraire) du mot désir :
                Désirer vient du latin desiderare, il est composé de de-siderare et du radical sidus, sideris, (l’étoile). Le préfixe de exprime l’éloignement, la privation, la cessation, la négation, la destruction…

                Desiderare rendait donc compte de ne plus pouvoir contempler l’étoile qu’on a laissé filer. C’est la nostalgie de l’étoile perdue. (Source ici sur le site de l’éléphant) 

                Mais si l’on rentre dans le dur, et avec des exemples à l’appui :
                – Le désir sexuel, faut-il s’en libérer ou s’y libérer ?
                > Il est fort probable que l’ensemble de nos désirs soit lié directement ou indirectement à autrui… Ils sont donc médiés par notre rapport à l’autre, à une éthique et/ou à des lois.
                > Comment alors nos désirs se composent-ils, se transforment-ils dans nos interactions à autrui ?

                Bon courage à vous pour ce débat. 🙂

                René
                Maître des clés

                  « Changer est-ce devenir quelqu’un d’autre ?

                  Par exemple, changer de coiffure, est-ce devenir quelqu’un d’autre ?
                  Oui, pour certains, non pour d’autres.  Tout est relatif au degré de changement, à la motivation (cause) du changement et au but (effet/conséquence) que l’on souhaite atteindre.
                  La question qui se pose est celle de l’identité, à quoi je la rapporte (identification de forme), à quoi je la rattache (identification d’appartenance) et dans quelle perspective, je vis (je la vis = identification à un sens).

                  Derrière les questions de type existentielles se posent peut-être les questions de choix, d’environnement, de vérité.

                  René
                  Maître des clés

                    Séance 5 dimanche 10 août, les citations suivies du compte rendu.
                    Kant 1724 – 1804

                    « Deux choses remplissent le cœur d’une admiration et d’une vénération toujours nouvelles et toujours croissantes […] le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi. »
                    Kant. Critique de la raison pratique.

                    « Agis de telle sorte que la maxime de ton action puisse être érigée par ta volonté en une loi universelle ; agis de telle sorte que tu traites toujours l’humanité en toi-même et en autrui comme une fin et jamais comme un moyen ; agis comme si tu étais à la fois législateur et sujet dans la république des volontés libres et raisonnables.
                    Kant, fondement de la métaphysique des mœurs.

                    « le beau est ce qui plaît universellement sans concept ».
                    Kant. Critique de la faculte de juger.

                    Lors de son vol libre, alors qu’elle fend l’air dont elle éprouve à cette occasion la résistance, la colombe légère pourrait se représenter qu’elle serait bien plus efficace (B 9) dans un espace vide d’air. C’est d’ailleurs ainsi que Platon quitta le monde sensible, ce dernier imposant, de son point de vue, à l’entendement des limites trop étroites, pour aller s’aventurer au-delà de ce monde, sur les ailes des Idées, dans l’espace vide de l’entendement pur. Il ne se rendit pas compte que, malgré tous ses efforts, il n’avançait nullement, car il ne rencontrait rien qui lui résistât et fût susceptible de lui fournir, pour ainsi dire, un socle sur lequel s’appuyer et appliquer ses forces pour pouvoir changer son entendement de place. C’est d’ailleurs le destin habituel de la raison humaine, dans son activité spéculative, que d’aller aussi vite que possible au terme de ce qu’elle édifie et de ne s’inquiéter qu’après coup de savoir si le fondement de l’édifice est lui aussi bien assuré. Mais, dès lors, nous nous mettons en quête de toutes sortes d’excuses pour nous réconforter sur la solidité dudit édifice, ou plus même, pour nous dispenser tout à fait d’un tel examen tardif et dangereux.
                    Kant, Critique de la raison pure.

                    L’insociable sociabilité des hommes : « L’homme possède une inclination à s’associer parce que, dans un tel état, il se sent davantage homme, c’est-à-dire qu’il sent le développement de ses dispositions naturelles. Mais il a aussi un grand penchant à se séparer (s’isoler) : en effet il trouve en même temps en lui ce caractère insociable qui le pousse à vouloir tout régler à sa guise ; par suite il s’attend à rencontrer des résistances de tous côtés, de même qu’il se sait lui-même enclin de son côté à résister aux autres.

                    Or, c’est cette résistance qui éveille toutes les forces de l’homme, le porte à vaincre son penchant à la paresse et, sous l’impulsion de l’ambition, de la soif de dominer ou de la cupidité à se frayer une place parmi ses compagnons qu’il ne peut souffrir mais dont il ne peut se passer. Or c’est là que s’effectuent les premiers pas qui conduisent de la rudesse à la culture laquelle réside à proprement parler dans la valeur sociale de l’homme. C’est alors que se développent peu à peu tous les talents, que se forme le goût et que, par le progrès continu des Lumières, commence à s’établir un mode de pensée qui peut, avec le temps, transformer la grossière disposition au discernement moral en principe pratique déterminé et, finalement, convertir l’accord pathologiquement extorqué pour l’établissement d’une société en un tout moral (…) »
                    Quatrième Proposition. Idée d’une histoire universelle au point de vue cosmopolitique.1784.

                    « Ni l’homme ne peut désirer la femme pour en jouir comme d’une chose, c’est-à-dire éprouver un plaisir immédiat dans la communauté simplement animale qu’il peut instaurer avec elle, ni la femme ne peut s’abandonner à lui dans ce but, sans que les deux parties renoncent à leur personnalité (cohabitation charnelle ou bestiale) : autrement dit, cela n’est pas possible en dehors de la condition du mariage, lequel, en tant qu’abandon réciproque de sa personne même, qui se trouve mise en la possession de l’autre, doit être conclu auparavant, pour que, par l’usage corporel qu’une partie fait de l’autre, il n’y ait pas déshumanisation.
                    Sans cette condition, la jouissance de la chair a, dans son principe (même si ce n’est pas toujours effectivement le cas), quelque chose de cannibale. »
                    Kant, Doctrine du droit, « Remarques explicatives », p. 189-190.

                    Un bref retour de la séance 5 du dimanche 10 aout
                    kant 1724 – 1804

                    Citation mise en discussion 

                    « Ni l’homme ne peut désirer la femme pour en jouir comme d’une chose, c’est-à-dire éprouver un plaisir immédiat dans la communauté simplement animale qu’il peut instaurer avec elle, ni la femme ne peut s’abandonner à lui dans ce but, sans que les deux parties renoncent à leur personnalité (cohabitation charnelle ou bestiale) : autrement dit, cela n’est pas possible en dehors de la condition du mariage, lequel, en tant qu’abandon réciproque de sa personne même, qui se trouve mise en la possession de l’autre, doit être conclu auparavant, pour que, par l’usage corporel qu’une partie fait de l’autre, il n’y ait pas déshumanisation.
                    Sans cette condition, la jouissance de la chair a, dans son principe (même si ce n’est pas toujours effectivement le cas), quelque chose de cannibale. »
                    Kant, Doctrine du droit, « Remarques explicatives », p. 189-190.

                    Nous étions une douzaine de personnes, et nous nous sommes attachés à décrypter dans un premier temps l’extrait de texte de Kant, puis à réagir aux questions qu’il nous suggérait.

                    Décryptage simple :

                    « Ni l’homme ne peut désirer la femme pour en jouir comme d’une chose, c’est-à-dire éprouver un plaisir immédiat dans la communauté simplement animale qu’il peut instaurer avec elle,
                    ni la femme ne peut s’abandonner à lui dans ce but, sans que les deux parties renoncent à leur personnalité (cohabitation charnelle ou bestiale) »

                    Traduction : s’adonner au registre animal de la sexualité avec son partenaire, c’est réduire l’autre à un objet, c’est réduire le registre du plaisir de la chair au stade de l’animalité, et c’est renoncer à sa personnalité.

                    « autrement dit, cela n’est pas possible en dehors de la condition du mariage »

                    Traduction : toutefois, ce triple abandon (chosification, animalité, servitude ou abandon de sa volonté) est possible si l’on consent préalablement à un contrat de mariage.

                    « lequel mariage, en tant qu’abandon réciproque de sa personne même, qui se trouve mise en la possession de l’autre, »
                    Traduction : le mariage est un abandon de soi des deux parties, et où chaque partie s’en remet à la volonté de l’autre (possession respective et réciproque d’un commun accord, note 1).

                    Ce contrat « doit être conclu auparavant, pour que, par l’usage corporel qu’une partie fait de l’autre, il n’y ait pas déshumanisation. »

                    Traduction : de fait, l’usage corporel de l’autre doit être conclu avant (par un mariage, un contrat, un accord) pour qu’il n’y ait pas déshumanisation.
                    Autrement dit, le « contrat » protège de la déshumanisation (thèse principale).

                    « Sans cette condition, la jouissance de la chair a, dans son principe (même si ce n’est pas toujours effectivement le cas), quelque chose de cannibale. »

                    Traduction : faire usage du corps de l’autre est possiblement cannibale (bien que pas systématiquement).

                    Reformulation de la proposition de Kant :
                    S’adonner au plaisir de la chair (au registre animal de la sexualité), c’est se chosifier et c’est renoncer à sa personnalité.

                    En effet, la jouissance de la chair a, dans son principe, quelque chose de cannibale.
                    Par ailleurs, le mariage est un abandon de soi où chaque partie s’en remet à l’autre (se dépossède d’elle-même et renonce à sa volonté).

                    ° De fait, pour répondre de cet usage corporel de l’autre, et se protéger d’une déshumanisation, il convient qu’un contrat soit conclu avant la jouissance des corps (avant l’abandon des corps à eux-mêmes et à l’autre, pour pondérer son objectivation et sa chosification).

                    Les questions que nous nous sommes posées se répartissent sur deux plans :

                    La sexualité, est-ce animal ?
                    – S’adonner à la part animale de la sexualité, est-ce abandonner son humanité ?
                    – Y a-t-il du cannibalisme dans la sexualité ?

                    Le mariage :
                    De quel contrat homme et femme ont-ils besoin pour se « donner » (s’abandonner) à l’un et à l’autre… sans se perdre ou sans se déshumaniser ?

                    Des réponses :
                    La sexualité, est-ce animal ? Oui, et alors ? On est animal, il n’y a pas de problème.
                    Il y a problème si, effectivement, l’un abuse de l’autre, le violente. L’animalité est entendue alors sur le mode d’une bestialité brute, typiquement « humaine », en ce que l’être humain projette ce qu’il a d’inhumain en lui sur autrui. Mais, la part animale de soi comprend des aspects structurants, non offensants, naturels. La dimension animale de l’être humain peut alors être reconnue et explorée par les deux parties et dans le cadre d’un accord commun.
                    La question peut néanmoins se poser : se donner à la part animale de sa sexualité n’est pas, par nature, un mal en soi, mais y a-t-il un risque de se déshumaniser ? Jusqu’où les partenaires peuvent-ils se « suivre », se répondre dans l’animalité qu’ils se découvrent dans l’exploration d’eux-mêmes ? Leur « animalité » se correspond-elle ?
                    Jusqu’où désirer autrui est-il animal, jusqu’où cela revient à manger l’autre, à le posséder ? Jusqu’où peut-on s’abandonner à l’autre ?

                    Le problème peut survenir avec l’évolution des relations : une évolution asynchrone des besoins de chacun.  La tonalité du désir, exploré au plus près de lui-même pour chacun des partenaires, peut ne pas entrer en résonance de la même façon pour les mêmes partenaires, alors qu’ils sont déjà allés plus loin qu’ils ne pouvaient le soutenir.

                    De la vulnérabilité :
                    Un autre problème se fait jour : la rencontre charnelle engage des fragilités de l’être, la vulnérabilité du soi intime. Dans ces conditions, l’idée d’un contrat peut avoir quelque chose de rassurant. Il peut être structurant d’un rapport de confiance qui se cherche. Le rapport de confiance, la sensibilité et la vulnérabilité qui s’engage avec autrui dans une « rencontre intime et charnelle » requiert cette « protection », la garantie, précisément, qu’on ne sera pas violé/détruit et abandonné à soi-même.

                    Nous retrouvons ainsi la problématique posée :
                    Le moralisme kantien est formellement (dans l’expression de sa forme) rigide, pourtant une protection est « requise », c’est-à-dire une confiance, précisément, car notre vulnérabilité est exposée.
                    Comment comprendre alors le « contrat » dont nous avons besoin, et la confiance qui lui correspond ?
                    Réponse : le contrat kantien porte, dans son principe (sa raison pure), une idée d’humanité qui est protectrice de la vulnérabilité de chacun. C’est en ce sens que la « raison pure » de Kant doit se comprendre.
                    Mais c’est également en cela que cette raison pure peut difficilement s’appliquer et s’illustrer dans la vie réelle. Cette idée d’humanité portée à un plus haut degré est cependant régulatrice de nos pulsions partagées.

                    A première vue, le processus et le travail d’affinement de sa conscience est continue, plus on va profondément, plus les cadres et les lois que l’on se donne s’affinent, s’ouvrent, se précisent.

                    La loi et les principes moraux de Kant sont pensés en termes de raison pure, c’est-à-dire non pas selon le formalisme d’une pratique dogmatique et rigide, mais comme une possibilité donnée à l’humanité de structurer sa raison selon des principes catégoriques, lesquels peuvent lui épargner de basculer dans l’inhumanité.

                    « Deux choses remplissent le cœur d’une admiration et d’une vénération toujours nouvelles et toujours croissantes […] le ciel étoilé au-dessus de moi et la loi morale en moi. »
                    Kant. Critique de la raison pratique.

                    « Agis de telle sorte que la maxime de ton action puisse être érigée par ta volonté en une loi universelle ; agis de telle sorte que tu traites toujours l’humanité en toi-même et en autrui comme une fin et jamais comme un moyen ; agis comme si tu étais à la fois législateur et sujet dans la république des volontés libres et raisonnables. »
                    Kant, fondement de la métaphysique des mœurs.

                    Note 1 : la possession respective et réciproque d’un commun accord.
                    Parce que la volonté des deux est remise à l’autre, alors il y a égalité et accord commun de se donner des lois/cadres/règles où les deux s’engagent et se garantissent de ne pas se mettre en danger. Il s’agit de considérer l’humanité en chacun et en tout autre de sorte à se donner l’environnement social le plus favorable au développement de chacun.

                    Séance suivante ci-dessous. 

                    René
                    Maître des clés

                      Séance 4 dimanche 3 août, les citations proposées suivies du compte rendu. 

                      Spinoza 1632 – 1677

                      Nous choisirons ou nous nous inspirerons de l’une des citations ci-dessous pour lancer notre échange, à partir d’une question.
                      Par exemple : « Vouloir tout régler par des lois, c’est irriter les vices plutôt que les corriger. Ce que l’on ne peut prohiber, il faut nécessairement le permettre, en dépit du dommage qui souvent peut en résulter ».
                      Traité théologico-politique, chap. XX, parag.10
                      Question possible : les lois répressives conduisent-elles à plus de violence ?

                      « Le droit de la nature s’étend aussi loin que s’étend sa puissance ; car la puissance de la nature est la puissance même de Dieu qui a sur toutes choses un droit souverain. »
                      Traité théologico-politique, chap. XVI, parag.2
                      Question possible : Dieu ou la nature peuvent-ils être tenus pour équivalent comme le suggère Spinoza ?

                       (…) la puissance universelle de la nature entière n’étant rien en dehors de la puissance de tous les individus pris ensemble, il suit de là que chaque individu a un droit souverain sur tout ce qui est en son pouvoir, autrement dit que le droit de chacun s’étend jusqu’où s’étend la puissance déterminée qui lui appartient. »
                      Traité théologico-politique, chap. XVI, parag.2

                      Question possible : Dieu ou la nature peuvent-ils être tenus pour équivalent comme le suggère Spinoza ?

                      Traduction possible : Il y a des rapports de correspondance entre le pouvoir souverain de chacun, le pouvoir souverain de tous ensemble et celui de la nature toute entière.

                      Ne pas rire, ne pas pleurer, ne pas haïr, mais comprendre.
                      « Ne pas rire (des actions des hommes), ne pas les déplorer, ni les détester, mais les comprendre ».
                      Spinoza, Traité politique, I, I, § 4 (GF 1997, p.12)
                      Question possible : Comprendre, est-ce déjà « pardonner » ?

                      « La haine qui est complètement vaincue par l’amour devient de l’amour ; et cet amour est plus grand que s’il n’eût pas été précédé par la haine. »
                      Ethique, L III, proposition 44

                      « La joie qui provient de ce que nous imaginons que l’objet détesté est détruit ou altéré de quelque façon n’est jamais sans mélange de tristesse. »
                      Éthique, L III, proposition 47
                      Jusqu’où notre bonheur de vivre peut-il se faire contre le bonheur d’autrui ?

                      « Quand nous aimons un objet qui nous est semblable, nous faisons effort, autant que nous pouvons, pour qu’il nous aime à son tour. »
                      Éthique, L III, proposition 33

                      « Nous ne désirons pas une chose parce que nous la jugeons bonne, mais nous la jugeons bonne parce que nous la désirons. »
                      Éthique, L III, prop. 9, scolie
                      La beauté, la motivation, le plaisir sont-ils dans le moteur du désir et non dans les choses (les objets désirés) ?

                      « Les hommes se réjouissent ou s’affligent plus par imitation que par les causes réelles. »
                      Éthique, L III, prop. 27

                      « Celui qui commence de prendre en haine l’objet aimé, de façon que son amour en soit bientôt complètement éteint, s’il vient d’avoir contre lui un motif de haine, il ressentira une haine plus grande que s’il ne l’eût jamais aimé ; et, plus grand a été l’amour, plus grande sera la haine. »
                      Éthique, L III, prop. 38
                      Autrement dit, quand l’amour cesse, plus grand aura été l’amour, plus grande sera la haine. » ?

                      « La joie est le passage d’une moindre perfection à une perfection plus grande.
                      La tristesse est le passage d’une perfection plus grande à une moindre perfection. »
                      Ethique, L III, déf. 1 et 2
                      Question possible : la joie peut-elle être l’horizon de l’accomplissement humain ?

                      Un bref retour de la séance 4 du dimanche 3 août
                      Spinoza 1632 – 1677

                      Nous étions une poignée de participants (5 ou 6) et une discussion s’est engagée à partir de cette citation :

                      « La joie est le passage d’une moindre perfection à une perfection plus grande.
                      La tristesse est le passage d’une perfection plus grande à une moindre perfection. »
                      Ethique, L III, déf. 1 et 2

                      Elle engageait à répondre à ces questions ci-dessous :
                      – Qu’est-ce que la perfection, comment la joie y conduit-elle ?
                      – une joie perpétuelle, est-ce une extase (comment la distinguer d’une hystérie) ?
                      – Qu’advient-il du mal, des malheurs, de nos souffrances et des guerres ?

                      Une réponse ci-dessous, par des schémas :

                      Le schéma ci-dessous, définit d’une certaine manière le Dieu (ou la Nature) selon Spinoza.

                      La perfection, d’une certaine manière, c’est Dieu (ou la Nature) ou son essence/puissance en acte. 
                      Or, puisque l’homme résulte de la nature, et que son entendement peut en percevoir l’essence (mais non tous les attributs), en étant attentif à la joie qui l’anime, l’homme peut s’orienter vers une plus grande perfection, car Dieu est « béatitude absolue » (du moins, c’est la conscience que notre entendement peut en avoir).
                      La joie est relative à des degrés et à des causes extérieures, la béatitude, elle, est incommensurable, en cela, elle est un aspect de l’essence de Dieu que l’être humain peut percevoir.

                      L’autre affect, celui de la tristesse, si vous la suivez, autrement dit, si vous prenez des décisions qui vous attristent, alors vous risquez d’emprunter une pente glissante. Elle vous enfermera en vous-même et conduira à plus d’amertume, de déprime, d’épuisement, et toutes sortes d’affects ressentis comme négatifs et qui indiquent une passivité de votre « âme » et/ou de votre conscience. De ce point de vue, cela peut indiquer que vous subissez les choses et les évènements, plutôt que vous en deveniez les « acteurs ».

                      Question : mais comment puis-je être acteur de la perte de mes proches, des guerres et des malheurs du monde ?
                      Réponse proposée par Deleuze (que je résume trop rapidement): si vous êtes consciemment affecté par des malheurs (et ils sont inévitables), alors vous grandissez en conscience, vous devenez acteur d’un lien que vous mobilisez entre vos affects et votre pensée, entre votre corps et votre conscience. En somme, pour reprendre l’expression de l’un de nos participants, vous « grandissez » par les prises de conscience qui proviennent de la compréhension de vous par vous-même.

                      Spinoza parle de « raison adéquate » lorsque celle-ci « comprend » ou s’aligne (prend en compte) un ensemble de causes perçues par l’entendement et que, d’un seul coup, cette prise de conscience se traduit par un gain d’énergie.
                      Fin du compte rendu.

                      Certains schémas  proviennent d’un exposé trouvé sur le net, ici (il me semble digne d’intérêt)

                      Pour les personnes intéressées par Spinoza, dans ce forum (cliquer ici), il y a une approche pour comprendre Spinoza + l’ensemble des cours de Deleuze à son propos. 

                      Séance suivante ci-dessous. 

                      René
                      Maître des clés

                        J’eus aimé être avec vous pour ce sujet… et oui, à partir de quoi, sur le plan collectif et individuel, on verse dans la dictature, ou dans l’esprit de la dictature ? C’est ma manière d’entendre la question.

                        J’ai écouté avec intérêt, Johann Chapouto :
                        Le NAZISME est-il au cœur de notre MODERNITÉ? l Sur Anti-thèse

                        et  Félix Tréguer,invité de Laura Raim dans Les Idées Larges ; Internet devient-il une dictature ? Cliquer ici.
                        Auteur de : « Contre-histoire d’Internet. Du XVe siècle à nos jours » (Agone, 2023)

                        Bon débat à vous.

                        René
                        Maître des clés

                          Bonjour à tous,

                          Je n’ai pas compté, mais on m’a rapporté que nous étions près d’une quarantaine de personnes. L’échange était plutôt sympa en ce sens que les participants ont joué le jeu du questionnement et de l’enquête philosophique : on cherche à travailler une question, les tensions et les problèmes qu’elle soulève.

                          Rappel du sujet : n’y a-t-il pas d’amour vrai ?
                          Le fait que nous soyons tous revenus d’une histoire d’amour déçu peut inviter à nous demander s’il n’y a pas d’amour vrai. Quant à savoir ce qui est vrai ou à ce qui fait « vérité », il y a, là, de nombreux points à éclaircir. De quelle « vérité » est l’amour ?

                          Quelques propositions ont été suggérées :

                          L’amour vrai suppose (dans un premier temps de notre échange) qu’il soit sincère, durable, authentique, partagé, absolu…
                          > Ce sont des qualités (des attributs ?), des ressentis (des idées ou des espérances) que l’on associe à l’idée d’amour.

                          Pourtant, ce qui est sincère n’est pas forcément partagé, ni durable.
                          Par ailleurs, l’absolu peut nous tromper par son « intensité » ou par son « concept ».
                          Autrement dit : d’un côté, l’absolu (ce qui est total, inconditionnel) semble relatif à l’expérience du moment que l’on vit, mais de l’autre, en tant que « concept », il comprend tout et dépasse alors nos capacités de représentation.
                          Ce qui pose la question du rapport entre, d’une part, l’expérience (qui s’éprouve comme absolue parce qu’authentique, sincère, totale) et, d’autre part, l’idée (le concept d’absolu) qu’on rapporte à l’expérience.

                          Ø  La chose (l’absolu) correspond-elle à ce que l’on vit ?

                          Ø  Nommons-nous bien la chose ?

                          Ø  Prenons-nous conscience de cet absolu par l’expérience que l’autre révèle à nous ?

                          Ø  Est-ce notre expérience qui donne vie à l’amour (et que nous prolongeons par la « volonté ») ?

                          Ø  Cet absolu existe-t-il indépendamment de l’expérience que l’on vit ?

                          Ø  D’autres absolus nous attendent-ils, mais nous n’en avons tout simplement par encore fait l’expérience ?

                          Pour info, le nominalisme est un terme générique qui désigne un ensemble de doctrines selon lesquelles, l’universel est une propriété des mots (signes ou noms), mais non des choses. Autrement dit, la chose n’existe que parce qu’on la nomme.
                          > Je n’ai pas l’impression que « nous » pensions au nominalisme, mais la question de notre rapport à l’amour semblait se poser ainsi : du rapport à soi, du rapport à la chose (l’amour) et de notre rapport à l’autre.

                          Dans un premier temps, ça se présente comme dans ce schéma : le concept, soi et l’autre.

                          Un état, une expérience ? Non, un apprentissage.

                          Nous nous sommes demandé également si l’amour n’était pas davantage une « école », une expérience qui amorçait un processus de « conscience », un apprentissage du vivre comprenant des transformations, voire des métamorphoses ?
                          De ce point de vue, l’expérience du moment compte moins que la conscience de l’apprentissage que l’on serait en train de vivre. Cet apprentissage dessinerait alors une perspective de vie.
                          A nouveau, il se pose la question entre le sentiment (le percept d’un apprentissage profond, au long cours) et l’idée que l’on s’en fait. L’idée correspond-elle bien au sentiment (à l’intuition) que nous avons de cet apprentissage que l’on percevrait (pressentirait / intuitionnerait) dans notre tréfonds ?

                          • Comment je me repère par rapport à cet apprentissage ?
                          • Où me conduit-il ?
                          • L’amour préexiste-t-il comme guide d’apprentissage à notre conduite, à notre destinée ?

                          Osez, osez disaient-ils…
                          Il y a eu la question d’oser en dépit des épreuves, douleurs, échecs éprouvés. Mais, à force d’oser, comment savons-nous si nous ne nous enlisons pas sans fin ? Comment savons-nous si nous ne nous leurrons pas, si nous n’allons pas au crash, si l’on ne se fait perdurer pour se maintenir dans son inertie ? Ou, à l’inverse, avons-nous une sorte de claire conscience qui nous indique que nous nous ouvrons, que nous nous transformons ?

                          Lorsque nous n’osons plus, ne croyons plus en l’amour, basculons-nous dans le cynisme ? Nous établissons-nous dans le nihilisme ?  (Une croyance du négatif ou une autodestruction ?) Au contraire, sommes-nous dans une étape intermédiaire qui prépare à une ouverture ?

                          Si tout se transforme, où va l’avion ? y a-t-il un pilote ?
                          (pourrait demander un Héraclite des temps modernes)

                          Apparemment, quatre possibilités s’offrent à nous : reproduire ses schémas, se perdre, renoncer et se transformer.

                          Il m’a semblé que nous étions parvenus à cette étape de notre échange (c’est à la louche et très « subjectif), et que des points délicats demandaient à être démêlés :

                          Faut-il poser par devers soi un concept (une idée d’amour) pour continuer à vivre, en dépit du « vase, susceptible de se briser » ? » (la vase, symbolisant ici l’amour).

                          Le « vase se brise, et alors tout se brise. Faut-il dès lors, renoncer à l’amour ?

                          En référence à Épictète :
                          « Si tu aimes un vase, dis-toi : « C’est un vase que j’aime. » Ainsi, s’il se casse, tu ne seras pas troublé. »
                          — Épictète, Entretiens, III, 24

                          Autrement dit, la « vraie identité de l’amour » (le vase) dépasse la forme qu’il prend (et l’utilité qu’il a), il comprend toutes les formes dans ces potentialités du départ, y compris s’il se brise.
                          De ce point de vue, on aime l’amour avec tous les risques qu’il comprend, avec les transformations qu’il implique (dont celles du temps, celles de nos émotions, celles de nos prises de conscience) et, finalement, de cet apprentissage à la vie qu’il implique.

                          Je vais laisser la question en suspens, car il me semble que nous en étions là, en ce sens, que je ne savais ce qui se tramait dans le « vécu » (la conscience, les croyances, les idées, la philosophie, la psychologie de chacun). Peut-être, pour aller plus loin, devrons-nous resserrer, pour une prochaine fois, la question. En attendant, j’imagine qu’elle va cheminer en chacun et à sa manière.

                          En tous les cas, je vous remercie tous pour votre participation à nos échanges.

                          Si je devais faire un schéma des questions ontologiques que pose l’amour, je crois qu’il ressemblerait à celui-ci dessous :

                          Une référence transmise par Béatrice  à la suite de notre débat (cliquer ici) sur France Culture : Amours philosophiques : les coups de foudre de vos penseurs préférés.

                          Une autre référence trouvée après coup.
                          Chagrins philosophiques : solitude, râteaux et peines de cœur. Sur France Culture. L’amour oedipien /incestueux de J.-J. Rousseau et la relation asymétrique entre Hannah Arendt et Martin Heidegger. Cliquer ici. 

                          Soyez les bienvenus pour, à votre tour, formuler vos questions et/ou votre synthèse du moment sur un aspect du débat ou par rapport à ce compte rendu.

                          Voir ci-dessous la contribution d’Allan. Merci à lui.

                          ————————————-
                          René Guichardan, café philo d’Annemasse.
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                          Ici, nous postons des cours, interviews, conférences dont nous avons apprécié la consistance philosophique
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                          René
                          Maître des clés

                            Bonjour à tous,

                            Dans l’attente du compte rendu, je vous transmets les questions d’Allan, que notre sujet sur l’amour, lui a suggérées.

                            • L’objet du désir conditionne-t-il le sentiment amoureux ?
                            • Y a-t-il différentes formes d’amour ?
                            • ⁠Faut-il commencer par s’aimer pour aimer ?
                            • ⁠⁠L’amour est-il un sentiment empirique ou rationnel ?
                            • ⁠La vérité doit-elle s’inscrire dans le monde sensible ?
                            • ⁠L’amour sincère doit-il être raisonnable ?
                            • ⁠La sincérité est-elle une condition de l’amour ?
                            • ⁠Peut-on vivre une histoire avec un amour unilatéral ?
                            • L’amour requiert-il de l’abnégation ?
                            • Faut-il croire en l’amour pour y accéder ?
                            • ⁠La résilience de l’état amoureux dépend-il de sa capacité à ne pas abdiquer ?

                            Merci Allan pour ta contribution. Je perçois déjà que certaines de tes questions recoupent les miennes.

                             

                            René
                            Maître des clés

                              Séance 3, dimanche 27 juillet, les citations proposées suivies du compte rendu. 

                              Descartes 1596 – 1650

                              Cogito, ergo sum, «Je pense, donc je suis »
                              Discours de la méthode (1637), deuxième partie
                              > Les sens peuvent me donner le sentiment que je n’existe pas, or je pense, donc je suis.
                              Question : Les vérités n’existent que si une raison claire et distincte peut les soutenir.

                              « La première et principale vérité est qu’il y a un Dieu (…) et tirons même de la joie de nos afflictions en pensant que sa volonté s’exécute en ce que nous les recevons. »
                              A Elisabeth, le 15 sept 1645.

                              « Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée. »
                              Discours de la méthode (1637), première partie

                              « De ne recevoir jamais aucune chose pour vraie, que je ne connusse évidemment être telle »
                              Traité des passions. 1648

                              « Que ce qui est passion au regard d‘un sujet est toujours action à quelque autre égard. »
                              Article 1, Les passions de l’âme. 1649

                              « Nos volontés sont de deux sortes, car les unes sont fonction de l’âme qui se terminent en l’âme même (…) les autres sont des actions qui se terminent en notre corps. »
                              Les passions de l’âme. 1649

                              « Je ne doute point que l’esprit, aussitôt qu’il est infus dans le corps d’un enfant, ne commence à penser et que, déjà lors, il ne sache qu’il pense  (…) l’âme humaine, quelque part qu’elle soit, pense toujours même dans le ventre de nos mères »
                              4ème réponse, Lettre aout 1641

                              « Toutes les sciences ne sont en effet rien d’autre que l’humaine sagesse, qui demeure toujours une et identique à elle-même, quelque différents que soient les objets auxquels elle s’applique, et qui ne reçoit pas d’eux plus de diversité que n’en reçoit la lumière du soleil de la variété des choses qu’elle éclaire. »
                              Règles pour la direction de l’esprit. AT, t. X, p. 360, t,I, p.78

                              « Toutes les choses peuvent se disposer sous forme de séries, non point en tant qu’on les rapporte à quelque genre d’être, comme ont fait les philosophes qui les ont réparties en leurs catégories, mais en tant qu’elles peuvent se connaître les unes à partir des autres en sorte que, chaque fois qu’il se présente une difficulté, nous puissions aussitôt nous rendre compte qu’il sera utile d’en résoudre d’autres au préalable, lesquelles, et dans quel ordre. »
                              AT, t. X, p. 380, t,I, p. 101 -102

                               

                              Un compte rendu de la séance n°3, Descartes

                              Nous avons commencé le débat à plus d’une vingtaine de personnes… Puis, à mi-parcours de l’échange et vers la fin, certains participants nous ont quitté. Nous avons fait le constat que l’accroche a mal fonctionné durant notre échange, tout allait un peu trop dans tous les sens, sans que j’aie eu moi-même la possibilité de recentrer les échanges. D’après les avis partagés en fin de séance, voici une manière de nous expliquer les choses :

                              Une diversité de questions a été lue lors de notre rencontre, peut-être un peu trop ? Mon souhait était de donner quelques éléments de connaissance de Descartes, avant de passer au débat. Il me manquait également mes imprimés pour mieux structurer le cheminement visé.

                              J’ai finalement démarré les échanges avec les questions posées spontanément par des participants, alors qu’habituellement, nous procédons à un tour de parole pour choisir entre plusieurs questions, et pour voter celle susceptible de retenir l’intérêt du plus grand nombre.

                              D’autres facteurs ont pu contribuer à l’absence de structure de notre débat. Par exemple : une plus grande diversité du public et, parmi lequel, certains participants n’avaient jamais entendu parler de philosophie, d’autres semblaient préférer (ils le disaient d’emblée avant que le débat ne commence) que l’échange ne soit trop « intellectuel » ou « mental ».

                              Bien que la pratique des rencontres philo soit ouverte à tous et sans prérequis, il importe, durant la séance, qu’il y ait une volonté de comprendre autrui, de poser des questions, que l’on soit motivé par un désir d’apprendre, de s’exercer à la mise en mots de sa pensée. La diversité des publics, en effet, ne comprend pas seulement des variations se rapportant à l’âge, au niveau de formation, à la multiplicité des connaissances, mais cette diversité se rapportent également à des « comportements », des niveaux d’attention, de besoins, d’attente. D’une certaine manière, les rencontres philo, dans un milieu ouvert, demandent de canaliser l’ensemble de cette diversité.

                              Il est possible également que nos questions, inspirées par les citations de Descartes, aient été trop éloignées de celles que nous nous posons aujourd’hui. Par ailleurs, mon « degré » d’ouverture à toutes les questions montre ses limites selon la composition du groupe en question.

                              Par rapport au sujet lui-même.

                              Voici l’une des citations proposées :« Nos volontés sont de deux sortes, car les unes sont fonction de l’âme qui se terminent en l’âme même (…) les autres sont des actions qui se terminent en notre corps. » Les passions de l’âme. 1649
                              Et elle a suggéré cette question :
                              L’âme, a-t-elle des désirs plus nobles que ceux du corps ?
                              Une autre question lui était liée : les passions (à supposer qu’elles soient destructrices, comme il était coutume de le penser alors) peuvent-elles être « mauvaises » en soi ?
                              Mais nous nous sommes demandés si ce n’était pas notre manière de vivre nos passions (dévorantes, en excès) qui posait problème, et non l’objet de la passion elle-même (faire du sport ou même, être amoureux). Dans ce cas, c’est le fait de ne pas savoir tirer un enseignement de nos passions qui serait destructeur, et non l’objet de nos passions.

                              Je ne vais pas développer plus longuement ma pensée à propos de cet échange, mais par rapport à ce rapport entre le corps et notre conscience, il y a une réflexion très riche à développer. Dans le cas présent, nous avons appelé « âme », cette manière de rapporter à notre conscience une puissance qui nous anime. Il s’agissait également de ne pas limiter le terme « âme » à la métaphysique, ce qui pose d’autres questions dans l’usage des concepts et dans l’ordre de nos représentations.

                              En tous les cas, je remercie tous les participants pour leur participation, je suis un partisan de l’intelligence collective…d’où l’approche, parfois trop scrupuleuse que j’ai de limiter mes interventions; il s’agit effectivement de ne pas trop orienter le débat, précisément pour donner une chance à chacun de contribuer à cette intelligence dite collective.
                              Une courte vidéo ici (durée 4mn), sur l’intelligence collective (un de ses aspects).

                              Merci à tous, infiniment, pour votre contribution.

                              Quelques définitions :
                              Désir :
                              Désirer vient du latin desiderare, avec une réduction phonétique tout à fait pardonnable. De-siderare était composé du radical sidus, sideris, (l’étoile) et du préfixe de qui exprime l’éloignement, la privation, la cessation, la négation, la destruction…Desiderare rendait donc compte d’une privation sidérante, desiderare : ne plus pouvoir contempler l’étoile qu’on a laissé filer, constater son absence et regretter, regretter, regretter… Extrait de l’article vu ici, La revue Eléphant. 


                              Passion :
                              latin passio, qui signifie « souffrance », lui-même apparenté au grec pathos, de même sens. La passion, c’est donc la souffrance. Historiquement, le mot a été utilisé d’abord pour désigner la période de souffrances du Christ. Dans ce sens précis, il s’écrit aujourd’hui avec une majuscule initiale.
                              Le mot passion est ensuite passé de la souffrance physique à la souffrance psychique causée par l’expression intense de sentiments, comme l’amour. Vu ici, sur le site Orthodidacte. 

                              Âme :
                              L’âme (du latin anima, « souffle, respiration ») est le principe vital et spirituel, immanent ou transcendant, qui animerait le corps d’un être vivant (humain, animal), et selon certains philosophes antiques d’un végétal. Extrait du site Eurekoi.
                              A propos d’âme, pour celles/ceux qui souhaitent approfondir, une conférence ici du philosophe-chercheur, Emmanuel Salanskis, mai 2025, MSH-UGA Grenoble: L’âme, comme intériorité psychique chez Nietzsche et Foucault.

                              Et Descartes, lui-même, qu’entendait-il par « âme » et que signifiait cette distinction entre les « volontés de l’âme et les actions du corps » ?
                              La philosophie de Descartes relève d’une métaphysique, or comme toutes les métaphysiques (ce qui se situe en dehors du champ de la physique (de la matière et du susceptible d’être mesurable, objectivé, situé), il s’agit d’établir le lien (l’interaction, la liaison, la communication) entre ce paradigme immatériel et le lieu de l’immanence (de la matière). Descartes parle des « étendues », car tout ce qui existe s’incarne dans un temps et un espace.
                              Or, la rencontre de l’âme et du corps (chez les humains) se situerait, selon Descartes, au centre même de notre cerveau : la glande pinéale (ou épiphyse)
                              « Si nos volontés sont de deux sortes, car les unes sont fonction de l’âme qui se terminent en l’âme même » , il s’agit, selon Descartes, d’attribuer à l’âme uniquement des activités pensantes et des propriétés de l’ordre d’une « substance pensante ». Tandis que le corps, lui, est animé de tous les appétits que nous nous lui connaissons. C’est le manque de distinction entre ce qui vient du corps et ce qui vient de l’âme qui serait responsable de nos troubles. Nous retrouvons ici, le fameux dualisme de Descartes : les choses du monde répondent des « étendues », tandis que les choses du « spirituel » peuvent s’appréhender que par des pensées claires et distinctes qui, elles, relèvent de la démonstration, autrement dit, des mathématiques.
                              Ce qui est « clair » relève de la vue, de vision (de l’aptitude de l’âme également), tandis que ce qui est distincte relève du discernement que peut effectuer la raison. Ainsi, l’âme peut être le lieu d’une union entre le corps et la substance pensante.

                              Séance suivante ci-dessous. 

                              René
                              Maître des clés

                                Séance 2 du 20 juillet. Les citations proposées suivies du compte rendu.

                                Aristote 384 – 322 av. J.-C.

                                « La cité est au nombre des réalités qui existent naturellement, et l’homme est par nature un animal politique. »
                                Politique 1, 2, 1253 a 2-3

                                « Ce qui est le plus important de tout, c’est que nous ne menons pas une vie bonne en connaissant certains êtres mais en agissant bien »
                                Protreptique VIII

                                « Il faut philosopher, ou bien s’en aller d’ici-bas en disant adieu à la vie, puisque tout le reste paraît un amas de futilités et de frivolités ».
                                Protreptique XII

                                « Tous les hommes désirent savoir naturellement savoir : ce qui le montre, c’est le plaisir causé par les sensations, car en dehors de leur utilité, elles nous plaisent par elles-mêmes ».
                                Métaphysique. A 1, 980 a 21

                                « La vertu est une disposition à agir d’une façon délibérée, consistant en une médiété relative à nous, laquelle est rationnellement déterminée et comme la déterminerait l’homme prudent ».
                                Ethique à Nicomanque, II, 6, 1106 b 29-1107 a 2

                                « Aucune des vertus morales ne naît naturellement en nous (…) pour tout ce qui nous donné par la nature, nous n’obtenons d’elle que des dispositions, des possibilités ; c’est à nous ensuite de les faire passer à l’acte. » Or précise plus loin, Aristote, « sur le terrain de l’action et de l’utile, il n’y a rien de fixe, pas plus que dans le domaine de la santé ».
                                Aristote, Éthique de Nicomaque, livre II. 1103 b.

                                Le Souverain Bien est la finalité de tous nos actes.
                                « Tout art et toute investigation, et pareillement toute action et tout choix tendent vers quelque bien à ce qui semble. Aussi a-t-on déclaré avec raison que le Bien est ce à quoi toutes choses tendent. (…) Or, comme il y a une multiplicité d’actions, d’arts et de sciences, leurs fins aussi sont multiples (ex. l’art médical a pour fin la santé)… Si nous ne choisissons pas indéfiniment une chose en vue d’une autre (car on procéderait ainsi à l’infini de sorte que le désir serait futile et vain), il est clair que cette fin ne saurait être le « Souverain Bien ». Le Souverain Bien est, de toute évidence, parfait. C’est lui que la philosophie recherche, ainsi que les moyens d’y parvenir.
                                Éthique à Nicomaque. I,1 1094 a 1

                                 

                                Un compte rendu de la séance n°2, Aristote,  dimanche 20 juillet 2025

                                Nous étions environ 6 ou 7 personnes. Notre séance a été interrompue par l’orage devenu trop fort (nous avons dû quitter notre abri sous tente sur la demande des animateurs).  Alors un grand merci à Béatrice et Guy (si je ne me trompe pas sur leurs prénoms), car notre échange a pu se poursuivre dans leur appartement situé à deux pas du parc, où ils nous ont généreusement invités.

                                Parmi l’ensemble des citations d’Aristote proposées (voir ici dans le message 1 de ce forum), trois ont été proposées au vote :
                                1° L’homme est-il un animal politique ?
                                Citation exacte qui suggère la question :
                                « La cité est au nombre des réalités qui existent naturellement, et l’homme est par nature un animal politique. »
                                Politique 1, 2, 1253 a 2-3

                                2° :  Sans philosophie, la vie vaut-elle d’être vécue ?
                                Citation exacte qui suggère la question :
                                « Il faut philosopher, ou bien s’en aller d’ici-bas en disant adieu à la vie, puisque tout le reste paraît un amas de futilités et de frivolités ».
                                Protreptique XII

                                3° L’amitié (voire l’amour) peuvent-il soutenir toutes les vérités ? 
                                Citation exacte qui suggère la question :
                                « Mais tout le monde le reconnaîtra sans doute : il vaut mieux, et même il faut, lorsque c’est la vérité qu’il s’agit de sauver, détruire jusqu’à ce qui nous tient le plus à coeur, surtout lorsqu’on est philosophe, c’est-à-dire ami du savoir : c’est entre deux amis qu’on a alors à choisir et, de ces deux amis, c’est un devoir sacré de préférer la vérité.  » Éthique à Nicomaque  I, 4, 1096 a 11-16)

                                Les deux citations, sur le rapport entre l’amitié / la vérité et celui entre l’animal et le politique ont reçu le même nombre de voix. Nous réservons le sujet sur l’amitié/la vérité pour une prochaine fois, car l’un des participants a formulé directement la tension du problème se rapportant à l’animal politique, ce qui ouvrait déjà la discussion :
                                Aristote veut-il signifier par cette proposition de l’animal politique, que l’homme politique tend à se comporter comme un animal, c’est-à-dire, que son règne, son ambition et ses pulsions sont mues par des instincts de puissance, de pouvoir et de domination sans partage, nonobstant l’insulte faite à l’animal qui, pourtant, ne se comporte pas ainsi ?
                                Ne nous attardons pas trop sur le comparatif homme-animal. En effet, nous sommes, dans ce groupe, assez avertis, et tous les éthologues partagent cette idée : les animaux sociaux n’agissent pas selon des idéologies et, si parfois au sein d’une même espèce, des luttes en période de rut notamment, peuvent comprendre des agressions et des accidents mortels, ces derniers sont le plus souvent évités.

                                Plusieurs enjeux ont rythmé notre échange :
                                – 
                                A l’aune des observations que nous faisons des politiques aujourd’hui, l’instinct animal commande-t-il le monde politique ?
                                – Est-ce inéluctable (en raison de notre biologie et de nos passions) et, néanmoins, dépassable, contournable ?
                                – Qu’advient-il de la liberté de l’être humain s’il ne peut se dégager de sa nature animale ?
                                – La démocratie relève-t-elle d’une utopie ?

                                En résumé.
                                L’un des problèmes soulevés était celui-ci : nulle part nous ne voyons de démocratie ou de société gouvernée sur un mode anarchique (au sens noble du terme : a (privatif) arkhê (pouvoir = absence de pouvoir), soit, sans volonté de pouvoir pour organiser la prise de décision dans un groupe, un pays. Voir note 1). Dès lors, peut-on croire en la démocratie, puisqu’elle suggère que le peuple revendique la liberté de s’auto-gouverner, précisément en considérant une égalité de droit et de dignité entre tous ?

                                Quelques questions et problèmes évoqués :

                                – Si nous expliquons le fonctionnement du monde à partir de ce que nous en observons, plusieurs questions se posent :

                                –       D’où nous vient cette observation ? Des médias, de l’histoire, de l’anthropologie ?
                                En effet, nous tendons à formuler des conclusions en raison des observations et/ou des informations que nous avons. Mais jusqu’où nos informations sont-elles bien documentées ?

                                –       Si nous expliquons le monde à partir de ses déterminations massives et effectives (biologiques, anthropologiques, sociologiques, politiques), de quelle liberté peut-on se revendiquer pour le penser différemment ?

                                –       Si nous voulons penser le monde autrement, à partir de quoi pouvons-nous le faire ? (Et en vue de quoi ?)

                                –       Notre savoir sur le vivant, et l’être humain en général, est-il à ce point « total » qu’il n’y a rien à en attendre ?

                                –       Peut-on faire en quelque sorte un état des lieux de nos savoirs aujourd’hui ?

                                –       Les IA peuvent-elles trouver des réponses, si l’être humain qui les façonne, ne le peut pas ? (Voir, à ce propos, nos références vers la fin de ce message)

                                Des réponses évoquées :

                                Un mot sur les théories de l’évolution. Par définition, les théories de l’évolution observent des adaptations récursives à des environnements, eux-mêmes, toujours changeant. Autrement dit, les premières bactéries changent le milieu qui, lui-même, évolue et qui, à son tour, modifie la génétique des espèces (bactéries et autres) qui y vivent.  Ainsi, les registres de changement/transformation et d’évolution sont multiples et ils s’agencent selon des rythmes et des profondeurs qu’aucun modèle théorique ne peut prédire véritablement. Les savoirs sur l’évolution et les changements doivent prendre en compte le concept d’émergence selon lequel, les propriétés globales d’un système ne sont pas déductibles de ses composants. De fait, les évolutions font apparaître des phénomènes nouveaux, inédits, voire non-imaginables. Par exemple, la conscience n’est pas logiquement dérivable de l’activité neuronale : neurones, synapses, neurotransmetteurs, circuits cérébraux.  Et, aujourd’hui, qui peut dire ce que la « conscience » peut (de ses potentialités et de celles des groupes sociaux) ?
                                Questions : comment rester ouvert, tout en sachant considérer certaines déterminations ? Comment, néanmoins, ne pas être « indifférent » sous prétexte qu’on ne peut rien savoir de manière définitive ? Comment, non plus, ne pas être « relativiste » dans l’absolu et considérer, finalement, que tout est égal ? (Voir éventuellement, note 2, La nature et ses usages, Raphael et Catherine Larrère.)

                                Sur le plan philosophique
                                Montesquieu prône la séparation des pouvoirs (législatif, judiciaire, exécutif) : « C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser ; il va jusqu’à ce qu’il trouve des limites.  Pour qu’on ne puisse abuser du pouvoir, il faut que, par la disposition des choses, le pouvoir arrête le pouvoir. »
                                L’esprit des loi, livre XI, chap. IV

                                Et Rousseau s’opposait farouchement au gouvernement représentatif. Nous devons notre Révolution et des valeurs de liberté et à sa conception du Contrat Social. (Voir note 3, une excellente conférence)

                                Autrement dit, l’analyse de nos modes de gouvernance nous donne la possibilité de les repenser. L’être humain sait se repenser lui-même. Il existe, par ailleurs, de multiples manières de s’organiser et/ou de prendre des décisions par consensus et délibération en fonction de l’intérêt général le plus grand de tous les membres d’un groupe ou d’un pays donné.

                                Des propositions évoquées :
                                Aujourd’hui, on peut se demander si les « médias » ne doivent pas être indépendants des pouvoirs, notamment financiers ? Idem pour les rapports entre le politique et les lobbys des multinationales. Julia Cagé (note 5) propose, par exemple, que les médias soient considérés comme un « bien commun » au service de la démocratie et de l’émancipation citoyenne, et non plus qu’ils soient subordonnés au capitalisme financier.
                                Autre proposition : pour tout ce qui relève des services publics (justice, éducation, santé, grandes administrations – INSEE, Service de l’eau, etc.), la question se pose : peuvent-ils être cogérés par des usagers et des comités citoyens indépendants de tout conflit d’intérêt ? (On peut, par exemple, s’inspirer du travail effectué par la Convention Citoyenne sur le climat)

                                En ce qui concerne le bien commun (qualité de l’air, de l’eau, de l’environnement, de la biodiversité, du littoral, etc.) l’intérêt général des populations est prioritaire, n’est-ce pas ? En effet, elles sont aux premières loges des décisions qui sont prises pour elles. Faut-il dès lors confier ce qui nous est commun, en tant que peuple, à des gouvernements, qui ne nous représentent plus et qui ne rendent aucun compte de l’exercice du pouvoir qui, pourtant, leur est confié au nom de nos valeurs et de la démocratie ?
                                En fait, nous sommes loin d’avoir épuisé le potentiel démocratique de nos manières de nous gouverner, tandis que les élus n’ont cessé de trahir la visée démocratique du pays depuis les Lumières. En fait, je me demande, personnellement, si le degré de corruption des élus (ou de toute personnes en rapport à ses fonctions) n’est pas relatif à l’intérêt privé qu’elle peut en tirer ? Autrement dit, sans intérêt privé (et caché), pas de corruption ? Voir note 6)

                                Comment comprendre la citation d’Aristote, à partir de sa philosophie ?

                                Aristote n’a pas eu une intuition « darwinienne » avant l’heure, mais ses manières de penser l’âme, les premiers principes, les quatre causes fondamentales, etc. lui ont permis de se représenter des catégories,  des genres, des espèces et, finalement, ce rapprochement entre l’homme et l’animal (voir note 6).

                                Pour faire simple, l’ensemble du vivant est donné par l’âme (et passe par elle), or dans la métaphysique d’Aristote, il ne peut y avoir de « vivant » sans matière, c’est-à-dire sans corps, ils forment à eux deux une substance et une essence. Par ailleurs, l’âme se subdivise en trois grandes fonctions : nutritive (croitre et se régénérer), sensitive (percevoir, sentir, désirer) et rationnelle (penser, élaborer une morale, etc.)
                                Ainsi, l’homme est aussi animal car il a des appétits du fait de son âme, mais c’est précisément parce qu’il est pensé comme une finalité (téléologie) qu’il est « politique ». De fait, l’homme est un animal par les fonctions de son âme, et non par son héritage génétique (Darwin). Du point de vue d’Aristote, c’est la politique (la cité et apprendre à se gouverner) qui permet à l’homme de dépasser son animalité et de s’acheminer vers le plus haut degré de son accomplissement. C’est donc un renversement de tendance par rapport à ce que nous observons aujourd’hui. Selon Aristote, plus nous grimpons dans la hiérarchire, plus notre responsabilité, notre honneur et notre vertu est engagée (ou devrait l’être). La nature, selon Aristote, ne fait rien en vain. Et tout tend vers une finalité heureuse, parfaite, accomplie, notamment par rapport à l’être humain, si ce dernier apprend à se gouverner.
                                Dans la philosophie d’Aristote, il y a une gradation des formes de vie selon leur degré de perfection, mais chaque espèce est stable, a une essence propre, un but (telos) propre, tandis que l’homme se tient au sommet de la chaîne du vivant (minéral > plante > animal > homme).

                                Notes et références
                                Note 1 : de la possibilité de se gouverner par anarchie.
                                Une discussion sur cette thématique avec Catherine Malabou (philosophe) sur le site Lundi Matin (cliquer ici). 

                                Note 2 : Le relativisme est un double piège, celui de considérer que tout égal et, par conséquent, indifférent et  donc sans « valeur » (ni relative ni absolue = nihilisme). Or si tout se transforme, la conscience, la sensibilité et les valeurs humaines nous forcent à prendre en compte ce qui se joue dans les interactions même que nous entretenons avec les autres, avec le vivant en général et avec notre environnement. Il s’agit de savoir se donner des priorités, à la fois comme être humain et comme société, dans l’intérêt de tous. Voir ici une conférence de Catherine Larrère autrice avec, Raphael, son mari de La nature et ses usages (2020), 
                                – Une autre conf des mêmes auteurs sur le thème de l’effondrement (2024). Voir ici.

                                Note 3 :  Pourquo le message de liberté est-il si important dans la philosophie de J.-J. Rousseau. Quelle est sa portée ? Une excellente conférence de Martin Rueff à écouter ici : Eduquer les filles, Durée: 29mn.

                                Note 4 : L’être humain sait se repenser lui-même. 
                                Bourdieu parle de « réflexivité »; Kant, de savoir s’orienter dans la pensée. Aristote et Socrate expriment l’idée qu’une vie sans examen ne vaut pas la peine d’être vécue. Dans le langage commun, on parle de se remettre en question. Mais bizarrement, quand il s’agit de l’Etat, du gouvernement et de la société, c’est comme si, regardant la « masse » ou le collectif, on ne lui attribue pas la possibilité de se penser autrement.
                                La question est de savoir à l’aune de quelle science, valeur, idée, projet (vérité, éthique, réalité) nous questionnons notre réalité. Or, nous savons faire cela, il suffit de s’y mettre et/ou d’apprendre à le faire.

                                Note 5 : Les médias peuvent-ils être considérés comme un bien commun ?
                                La proposition est faite par Julia Cagé (voir ici, interview) et elle se comprend bien puisque l’émancipation du citoyen et sa capacité critique sont nécessaires à la démocratie, à sa santé politique et citoyenne.
                                Voir également ACRIMED (Analyse Critique des médias), les médias, la guerre et le gouvernement, ici. 

                                Note 6 : Le degré de corruption semble dépendre directement de l’intérêt à en tirer.
                                Un exemple typique de corruption de nos institutions pour faire passer la loi Duplomb, laquelle réintroduit l’usage de poluants réputés dangereux pour l’environnement et cancérigène pour la santé. Voir ici l’explication avec le journaliste Serge Faubert. 
                                Autre exemple, un administrateur d’Anticor, Philippe Pascot, démolit le sénat et son président, Gérard Larcher. Cliquer ici. 
                                Il ressort clairement que l’intérêt privé, lorsqu’on est en charge d’un intérêt public, prend le pas sur ses responsabilités publiques, et que les élus se sentent au-dessus des lois, puisqu’ils les votent, sans en rendre compte aux populations.

                                Un mot par rapport aux IA
                                Il me semble que trois grandes questions se posent  :
                                1° comment les IA fonctionnent, comment elle produisent des réponses (épistémologie, science et éthique)
                                2° Comment prendre en compte, en tant que démocratie, que la mise à disposition des IA aux publics relève seulement des politiques et des multinationales (et uniquement d’eux) ?
                                3° Quelle étude pour considérer l’effet effectif que les populations en font, les conséquences que cela a sur elles, notamment pour prendre en compte la liberté de penser, l’émancipation et l’autonomie des personnes ?
                                > tout en considérant, bien entendu, que l’usage qui en est fait par les populations est fonction des sollicitations produites par les multinationnales et les politiques.
                                Pour s’organiser dans la pensée, à mon avis, l’analyse critique qui peut être faite des IA peut (ou doit) distinguer ces trois champs sus-mentionnés, à savoir : 1° qui les fabrique et les distribue, 2° en vue de quoi et 3°, pour quels effets ?
                                Quelques ressources :
                                Neuro-Pouvoir, Intelligence Artificielle et algorithme démocratique par la philosophe Anne Alombert. Cliquer ici.
                                > Mécaniser les automatismes de la pensée, ce n’est pas de l’intelligence, mais une manière d’industrialiser les automatismes de la pensée des populations.
                                – Cybersécurité, finance, travail, armée, tout sera impacté, selon Maxime Fournes. Une interview d’Elucid Media.
                                La société au défi de l’IA 1/6, Thierry Ménissier de l’UGA Grenoble (plutôt défenseur de l’IA)

                                Des références par rapport à Aristote
                                Les excellents cours d’Annick Stevens sont ici. 

                                En début de séance, j’ai évoqué trois manières de faire philosophie ou de la pratiquer.

                                Merci de votre attention. Sentez-vous libre de rédiger votre pensée en réaction à notre échange ou/et de ce compte rendu. 

                                Compte rendu de la séance suivante ci-dessous. 

                                en réponse à : Bernard Lahire, différentes interviews et/ou conférences. #7811
                                René
                                Maître des clés

                                  Des extraits de l’ouvrage : Les structures fondamentales des sociétés humaines. Bernard Lahire. La Découverte. 2025.

                                  P. 188 Les fondamentaux de Maurice Godelier 

                                  Maurice Godelier liste cinq préconditions à toute vie sociale humaine : 
                                  1° un individu est toujours issu de l’association d’un homme et d’une femme,
                                  2° la propriété d’altricialité secondaire est qu’une individu ne peut survivre durant les premières années de sa vie que « grâce aux soins d’autres humains, des adultes en général, qui se sentent obligés de le protéger;
                                  3° l’héritage d’une place avant même tout processus de transmission intergénérationnelle, qui fait qu’un individu naît toujours à une époque et au sein  d’une société qu’il n’a pas choisies;
                                  4° Tout individu découvre une langue qu’il n’a pas inventé (+ savoir, artefacts);
                                  5° Naît dans un groupe qu’on appelle habituellement une famille.

                                  Ces cinq préconditions sont des invariants « transhistoriques » et transculturels à l’oeuvre depuis qu’homo sapiens existe, parallèlement à d’autres hominidés.
                                  La nature humaine n’épuise pas la réalité de l’homme, s’y ajoute l’histoire qui reste ouverte.

                                  Autres remarques : quelles que soient les différences culturelles entre sociétés, l’altérité sociale, historique, des autres n’est jamais absolue. Donc, il y a toujours de l’individualité.
                                  > toutefois, la possibilité même de traduire et de comprendre une langue qui nous est totalement étrangère, de comprendre des gestes ou des comportement, des intentions ou des émotions qui sont papparemment très éloignés des nôtres est la preuve que des strucutres sociales, invariantes ou profondes, sont partagées par toutes les sociétés humaines.

                                  p.878 De la division du travail

                                  « Dans mon travail d’élaboration de la notion de champ, j’ai insisté sur ce processus que Durkheim, Weber et Marx ont décrit, à savoir que, à mesure que des sociétés avancent dans le temps, elles se différencient en univers séparés et autonomes – c’est des seules lois tendancielles sur laquelle, je pense, on peut s’accorder ». 
                                  Pierre Bourdieu. Sur l’Etat, cours du Collège de France (1989 – 1992) (2012 , 318)

                                  > Pourquoi observe-t-on une loi tendancielle de différenciation sociale toujours plus poussée dans la très longue durée des sociétés humaines ?

                                   

                                   

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