Toutes mes réponses sur les forums

15 sujets de 1 à 15 (sur un total de 1,537)
  • Auteur
    Messages
  • René
    Maître des clés

      Compte rendu du débat : de la honte prométhéenne, peut-on en sortir ?

      Merci à Eve, Geneviève et Sylvia du Café des Arts pour leur accueil. Malheureusement, le Café des Arts ne peut plus nous recevoir compte tenu de leur frais de gestion. Nous verrons plus tard si nous trouverons une solution.

      Mais en attendant, et heureusement pour nous, un grand merci au Café citoyen La Chimère, 12, rue Voltaire, Grenoble (lien ici), qui se réjouit de nous accueillir.

      Le prochain débat à la Chimère citoyenne aura lieu : ce mardi 28 février à 18h30.
      > En principe, nous tiendrons séance le dernier mardi de chaque mois à 18h30

      Question pour ce premier débat dans ce nouveau lieu : A quoi devons-nous notre liberté ?  (voir ici l’introduction)

      En attendant, le compte rendu de notre dernière rencontre au Café des Arts: de la honte prométhéenne (Gunther Anders).

      Nous étions une petite vingtaine de participants et le débat s’est quasiment organiser « naturellement ».  Je n’ai pas retenu les noms, mais l’un des participants a distribué la parole fort judicieusement. Il a pris en compte à la fois l’ordre des demandes de parole et la dynamique du débat, c-à-d en pondérant à qui la donner pour respecter une relative cohérence dans le fil de la discussion. Aux côtés du distributeur de la parole, Lucas invitait les participants à préciser leur pensée lorsqu’elle n’était pas comprise et, de mon côté (René), j’ai introduit brièvement le sujet. Par la suite, chacun s’est évertué à avancer avec les problématiques qui se faisaient jour au fil du débat.

      En deux mots, la honte prométhéenne revient à renoncer à soi-même pour laisser les machines (la technique, l’informatique et les écrans) nous dominer (et/ou décider à notre place). Mais précisément, cette idée n’allait pas de soi : comment, de l’admiration que les machines peuvent susciter ici et là et, par ailleurs, compte tenu des services qu’elles procurent, comment peut-on y lire une honte ?

      Ainsi, une problématique plus profonde semblait s’engager : tout désir est-il empreint de « honte » (d’une honte originelle, venant des « Dieux » et/ou de la mythologie) ?
      Et, par ailleurs, s’agit-il d’une honte ou d’une culpabilité (d’une faute originelle ou sociale) ?

      Une première réponse en attendant d’aller plus avant : fasciné par la puissance de la bombe atomique (Gunther Anders y fait référence) ceux qui l’ont créé ont senti ce qui les dépassait, tandis que l’homme, en général, s’efface devant l’efficacité de la machine. De fait, la honte n’est pas ressentie comme première, elle est un effacement, un renoncement à soi-même devant les techniques qui accomplissent mieux que les humains, ce que nous ne saurions accomplir sans elle. De là, le titre de l’ouvrage, « L’obsolescence de l’homme » (version pdf ici, p. 87 pour la honte), de Gunther Anders : plus la technique s’améliore, moins l’homme devient utile, et plus son obsolescence devient patente. (Voir nos extraits de textes sélectionnés en bas de cette page)

      L’anthropologie s’invite dans notre débat. Selon Pierrhane, la technique exerce un pouvoir dès lors qu’elle est enchantée, et la tentation du technicien (depuis la création de l’homme) consiste à se cacher derrière sa technique pour exercer un pouvoir. Par exemple, dans les tribus premières, les hommes se cachent pour créer les masques et autres objets rituels. Puis, lors de fêtes, de célébrations, de cérémonies d’initiation, ils reviennent pour magnifier la puissance et la cosmo-vision de la tribu qu’ils représentent, pour se faire craindre des femmes, des enfants, des non-initiés.

      Pour faire le lien entre l’ IA et Dieu, un participant suggère que le stade de perfection recherché avec la machine, revient à créer un double de soi (un Frankenstein réussi, un androïde) quelque chose qui nous ressemble. C’est l’idée de se réifier soi-même pour démultiplier sa puissance, le sentiment de son existence. Cela revient à se dupliquer à l’infini (à se faire Dieu – à se vivre tel Mr. Smith in the Matrix (analyse du personnage ici, par le Clap)

      Est-ce la technique qui nous fait agir ainsi ou est-ce le système social (ses règles sociales) qui inclinent à nous faire agir et qui confèrent à la technique toute la valeur symbolique qu’on lui donne ?

      Quelle place le pouvoir acquiert-il pour celles/ceux qui ont la maitrise des machines à l’égard de ceux qui en dépendent ? Le pouvoir abuse-t-il toujours de lui-même (de sa propre jouissance) ? Le pouvoir rend-il indifférent aux gens ?

      Entre soi et autrui, il y a une technique, mais aussi un ordre social et ses conventions, qui rencontrons-nous lorsque nous rencontrons autrui ? Qu’est-ce qui agit à travers moi, l’ordre social, la machine, le sentiment de mon exaltation, ma honte, mon éthique ?

      D’autres questions s’enchainent dans notre débat :
      Les machines (les IA) ne pensent pas, certes, mais ceux qui les fabriquent, parviennent-ils à les faire penser à notre place ?
      Le but des IA est de nous maintenir captifs des réseaux et des écrans. Jusqu’où peut-on se laisser asservir ? Ou, à l’inverse, à quel prix peut-on s’émanciper, se libérer de nos dépendances ?

      Comment reprendre du pouvoir sur notre vie ?

      Avoir honte des compétences que l’on perd par l’usage des machines (ne plus savoir écrire, compter, se repérer dans l’espace…) relève d’un embarras plutôt que d’une honte, laquelle se cache derrière des compétences sociales qui se perdent, comme ne plus savoir entrer en communication avec autrui ou encore, perdre son emploi et se faire remplacer par une machine ou une IA, c’est ça l’obsolescence de l’homme.

      Un témoignage de l’obsolescence : mon père travaillait à la SNCF, les billets de train étaient gratuits pour lui, mais il ne pouvait plus voyager, car il fallait passer par des « ordinateurs » pour les obtenir : l’évolution technique l’a rendu obsolète. L’obsolescence sociale, c’est cela qui est choquant.

      On ne se reconnait plus dans la société qu’on nous fait.

      Il y a un problème avec la honte :
      Il y a ceux qui ne ressentent pas la honte, ceux qui la ressentent pour les autres – comme par un excès d’altruisme ou de culpabilité, et ceux qui l’ont intériorisé relativement à leur environnement social.
      La honte prométhéenne semble provenir d’un registre plus profond, d’une échelle plus large, plus universelle, moins directe et, ce registre-là, on tend finalement à ne pas le percevoir en direct. C’est bien l’un de nos problèmes.

      Pour conclure : honte et justice, une ouverture ?
      Dans la mythologie, dès que les hommes se sont emparés du feu, ils se sont fait la guerre, de là, Dieu a imposé sa justice. Mais, aujourd’hui, émancipés des dieux, demandons-nous aux machines de prendre le relai ?
      De quelle justice pouvons-nous / devons-nous nous faire les auteurs pour ne pas laisser les IA le faire à place ?

      Autres questions : comment hiérarchise-t-on nos choix ?  Ne pas perdre sa vie à la gagner (disait-on dans les années 70), ne pas se la faire voler par les IA, les Gafam et autres logiciels de sélection sociale pourrait-on dire aujourd’hui ? (Voir ici, comment l’IA est programmée pour Parcoursup, analyse de la Quadrature du Net)

      Une information au cas où : Il y a des collectifs locaux qui recréent du commun pour se réapproprier des usages techniques (les ateliers vélos) et, par rapport à l’informatique, il en a été fait mention, il y a l’association Grésille (voir ici, Grenoble)  qui fournit des adresses emails indépendamment des Gafam et il y a l’association Rézine (voir ici) qui permet de se connecter via la fibre sans passer par les grands fournisseurs d’accès (Free, SFR, Orange, Bouygue…)

      Fin du compte rendu, mais n’hésitez pas à poster sur notre forum ce que vous avez retenu de nos échanges. Merci à vous.

      Ci-dessous, des extraits de texte pour comprendre la honte, selon Gunther Anders.

      La honte du bossu, les extraits de texte ci-dessous, sont tronqués pour en faciliter la lecture. On les trouve ici, page 87 (version 1957), dans le pdf de l’ouvrage de Günther Anders, L’obsolescence de l’homme. 

       

      Notre honte se double d’une arrogance. C’est très classique comme comportement.  Notre impuissance se pare d’arrogance.

      Les machines étant toujours plus efficaces que l’être humain, nous leur déléguons notre volonté. La honte prométhéenne vient du fait que nous ne saurons jamais d’où l’on vient. Fondamentalement, ontologiquement, notre origine nous échappe.

      Autres citations : 

       


      Cette dernière citation n’est pas de Günther Anders.

      Ressources consultées (et appréciées) :
      L’obsolescence programmée en pdf (version 1956 – 2002)
      Günther Anders et L’Obsolescence de l’homme | 1/3. Une critique de l’ère de la technique.  Par le Philoscope. Durée 15.52
      Günther Anders et L’Obsolescence de l’homme | 2. Le décalage prométhéen. Par le Philoscope. Durée 37mn.
      Günther Anders et L’Obsolescence de l’homme | 3.  Par le Philoscope. Durée : 34mn
      – Avoir raison avec… Günther Anders. 5 épisodes de 30mn sur France Culture. 
      La série proposée par Michel Onfray. Cliquer ici. 
      Günther Anders et l’obsolescence de l’homme. Par Parole de philosophe. Durée 33mn.
      La violence : oui ou non – Günther Anders et le pacifisme. Durée :15mn
      Mathieu Robitaille (prof de philo) : le rêve des machines selon Günther Anders | REPÈRES – E12. Durée : 1H02. (mars 2024)
      Claire Nouvian à propos de Günther Anders – Une journée particulière – France Inter (il s’agit d’un témoignage indirect par rapport aux idées de Günther Anders, dont Claire Nouvian s’inspire par au tsunami de Thaillande de 2004. Durée 45.

      ————————————-
      René Guichardan, café philo d’Annemasse.
      Des cafés philo à Grenoble. Cliquer ici pour accéder aux forums.
      Le groupe WhatsApp des cafés philo sur Grenoble. Enregistrez-vous ici pour être informé des sujets.
      Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse d’avant, (avec comptes-rendus) ici.
      Ici, nous postons des cours, interviews, conférences dont nous avons apprécié la consistance philosophique
      – Lien pour recevoir notre newsletter Cliquer ici, puis sur Rejoindre le groupe.
      > Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici, Annemasse et Grenoble peuvent s’y retrouver)
      Le programme du Café des Arts. Grenoble, est ici.

      René
      Maître des clés

        : « Pratiquer la philosophie sur un sujet d’actualité a t-elle du sens lorsqu’elle fait référence à la pensée des philosophes grecs ou romains d’il y a 2000 ans alors que le différentiel de culture, besoins, risques, société, santé est abyssal et donc ne pas être conciliable par nature et par là, nous empêcher de progresser en se référant à une vision passéiste ? » .

        La question peut avoir son intérêt. En effet, il s’agit de différencier la réponse des philosophes dans le contexte et les débats de leur époque et, derrière les réponses formulées, la percée visée, la critique des violences et des injustices de leur temps. En général, ils sont su pointer des problèmes qui s’expriment de tout temps.
        De fait, selon la citation ou l’extrait de texte dont on se sert, reste à voir l’usage que l’on veut en faire, mais, et surtout, comment il peut nous permettre de souligner les aberrations, les travers et les points aveugles d’aujourd’hui.

         

        René
        Maître des clés

          Un compte rendu de notre échange. Question pour notre débat :
          De la parrhêsia (Michel Foucault) ou peut-on être totalement vrai avec soi, vrai avec autrui, vrai sous le regard de l’autre ?

          Nous étions entre 25 et 30 personnes, le débat était plutôt de bonne qualité, voire parfois assez complexe…mais Il est resté ouvert.
          Un grand merci à Nadia pour la distribution de la parole. Il est intéressant de noter les règles qu’elle a souhaité préciser : parole donnée dans l’ordre des demandes, priorité aux moins-disants, notamment, de genre, lorsque les femmes s’expriment moins. Nadia interviendra si des personnes coupent les autres ou parlent sur autrui.* (Voir note à propos de l’animation de ce café philo)

          Quelques échanges retenus

          Rappel de la question :
          De la parrhêsia (Michel Foucault) ou peut-on être totalement vrai avec soi, vrai avec autrui, vrai sous le regard de l’autre ?

          Le « tout dire », est-ce parler vrai ?
          Le « tout dire » exprime plutôt la non-discrimination dans un flot de parole, le « parler-vrai » implique de se sentir concerné par ce que l’on dit. La question du courage s’invite alors dans le débat. En effet, se sentir concerné exprime l’idée d’une prise de risque, celle de dire ce qui nous tient à cœur, c-a-d, d’assumer ce que l’on dit, d’en rendre compte.

          Mais la question du « tout dire » soulève à elle-même des problèmes de fond :
          – celui du mythe de la transparence : jusqu’où peut-on tout dire ? Sommes-nous transparents à nous-mêmes ? (Savons-nous vraiment ce qu’il y a au fond de soi ?)
          Mais, par ailleurs, l’appel à vouloir tout dire dans une relation semble répondre du besoin de s’éprouver dans un rapport de confiance totale avec l’autre.  Ainsi, une partie du débat s’est orienté vers les questions du soi, de l’identité, des conditions par lesquelles le sentiment de soi, voire le « soi » existe.

          Un autre aspect du débat s’est orienté vers les questions du risque d’être soi dans le rapport à l’autre. S’il est vrai que l’on devient soi par le regard de l’autre, que se passe-t-il dans le devenir soi, le devenir de la relation et le devenir de l’autre ?

          Enfin, entre ces deux pôles, du soi et de l’autre qui s’élaborent l’un par l’autre, se tenait la question de la « vérité », de la possibilité de notre corps et de notre parole de faire vérité, d’exister comme vérité, de s’imposer comme « vérité ».

          Ce sont essentiellement les trois pôles autour desquels s’est construit notre débat.

          Or chacun de ces pôles posent de nombreuses questions :

          Notons que les choses se présentent de façon complexe en soi, car elles sont données comme un tout à la conscience. C’est donc par des opérations de discernement que nous distinguons le « soi », l’autre et ce que nous nommons la vérité (qui, en fait, renvoie à ce que nous percevons de soi, de l’autre et de la vie en général).
          > Ainsi, nous appréhendons le soi, autrui, la vie par des « filtres » (une culture, des mots, un langage, des biais cognitifs, voire par une « philosophie » > entendue comme une vertu par laquelle, on exerce son discernement dont on rend compte (notamment dans nos débats).

          Je vais retenir trois interventions pour ce débat :
          celle où il est dit : nous nous appréhendons sous forme de récits;
          2°, la question qui demande : pourquoi notre débat s’est-il focalisé sur la question de l’existentialisme (qui, en réalité, renvoie à une question de liberté).
          Et 3°,  je terminerai avec cette autre question : qu’est-ce que l’harmonie ?

          Nous appréhendons-nous sous forme de récits ?
          Deux observations, ici, celle autour du « nous » qui signifiait « tout le monde ». Le participant l’entendait ainsi : tout le monde sans exception, s’appréhendent sous forme de récit. Ce qui a soulevé d’autres questions :
          – y compris les personnes qui passent aux aveux, celles qui livrent ce qui leur est intime ?
          – y compris les personnes qui se scarifient, qui souffrent dans leur corps ?
          Dans le premier cas, il semble que l’on fasse preuve d’honnêteté avec soi-même, et que l’on renonce à se protéger derrière des excuses, avec des récits et des histoires, tandis que dans le second cas, il semble que l’on se trouve dans l’incapacité de se mettre à distance de soi pour se protéger de souffrances qui s’éprouvent à même la chair.

          Certes, nous comprenons qu’il y a entre soi et soi-même des « intermédiaires » (des sensations, des perceptions, des symboles, des sentiments…), mais peut-on dire que ce sont des « récits » (des fables ou des histoires) ? En effet, un récit s’entend comme quelque chose de construit, avec un début, un déroulement et une fin où l’on se monte un « film ». Pour le dire autrement, s’il y a une vérité effective de « soi », elle est avant tout un moment d’ébranlement de soi et, il est possible que ce moment ne s’appréhende pas sans crainte.
          Seconde question : les intermédiaires ci-dessus (sensations, perceptions, symboles, sentiments, etc) contiennent-ils du sens en eux-mêmes ? Que disent-ils de soi ? Autrement dit, il est possible qu’il y ait plusieurs « couches » avant d’accéder à ce « soi », et que ces couches soient faites de différentes matières (structures/langages) se présentant sous la forme de sensations, d’impressions, voire de vide, d’angoisses, etc..). Pour l’instant, il est difficile de dire si ces perceptions de soi, ces phénomènes se présentent comme la matière du soi ou comme ce qui empêche d’accéder à soi ou d’être « soi » ?

          Pourquoi notre débat s’est-il focalisé sur la question de l’existentialisme ?
          La parole vraie suppose un rapport de vérité à quelque chose en soi ou à une situation, à des faits que l’on peut décrire. Or, ce qui est « soi » (à l’intérieur de soi) échappe à un saisissement complet et définitif de ce qui nous compose : d’une part, nous ne sommes pas la cause de « nous-mêmes ». Nous sommes nés de parents, ils nous précèdent et notre identité se constitue qu’en s’étayant sur un environnement relationnel qui lui précède également. Et, d’autre part, nos introspections sont limitées, tout comme notre mémoire, tandis que les mémoires de la jeune enfance sont engrangées sous forme d’affects, d’impressions, de sensations, si ce n’est de modèles comportementaux incorporés. Or, la plupart d’entre nous avons du mal à décrypter ses zones, à les faire parler, voire à les reconnaître (les accueillir), à les penser. Subsiste alors des décalages entre ce que l’on est, ce que l’on aimerait être, ce que l’on croit être. Ces décalages gagnent en complexité dans la rencontre avec autrui, lui-même confronté également à cette même complexité.
          Et là, il a été question de « liberté » : peut-on s’arracher à nos déterminismes pour se penser librement ? Pour se détacher de nos déterminismes, tout en sachant contourner les limites de la raison, celles de nos perceptions, de sorte à atteindre/toucher à quelques vérités nous concernant ?

          Et de l’harmonie ?
          L’expérience a été rapportée de cette professeure de chant : Trouver sa voix. Cette professeure invite ses élèves à trouver leur voix, mais non à travailler une voix technique qui serait par la suite, artificielle, inauthentique, normée selon la mode du moment. Dès lors s’éprouve chez celui/celle qui parvient à trouver sa voix, une rencontre, un alignement de soi à soi-même. L’expérience peut avoir son intérêt en ce qu’elle est une manière, ponctuelle, certes, mais forte, de s’éprouver selon un accord à soi-même et, probablement dans un rapport à l’autre.
          Nous ne voulons pas, pour l’instant, questionner la valeur de cette expérience, mais seulement, l’apprécier dans sa « subjectivité ». La question qui se pose est de savoir si cette expérience « d’unité » à soi-même, voire d’harmonie peut s’étendre aux autres aspects de soi et jusqu’où elle peut être partagée ?
          L’accord à soi-même sur le plan de la voix, peut-il susciter le goût de le rechercher sur d’autres plans : la raison, les sentiments, des sensations, des impressions, des situations, des événements et leurs interprétations, etc. ? Cet accord et cette recherche sont-ils susceptibles de nous donner des repères pour tracer des chemins qui nous permettent de nous entendre sur ce que peuvent être le soi, la vérité, l’authenticité et la valeur d’une parole vraie ?

          Fin du compte rendu.
          Chacun est le/la bienvenu-e pour préciser sa pensée, poser des questions, exprimer ce qu’il/elle retient du débat et/ou des idées ci-dessus.

          ————————————-
          René Guichardan, café philo d’Annemasse.
          Des cafés philo à Grenoble. Cliquer ici pour accéder aux forums.
          Le groupe WhatsApp des cafés philo sur Grenoble. Cliquer ici pour être informé des sujets.
          Le NOUVEAU CAFE PHILO AUTO-GERE D’ANNEMASSE. Info et forum ici.
          > Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse d’avant, (avec comptes-rendus) ici.
          Ici, nous postons des cours, interviews, conférences dont nous avons apprécié la consistance philosophique
          – Lien pour recevoir notre newsletter Cliquer ici, puis sur Rejoindre le groupe.
          > Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici, Annemasse et Grenoble peuvent s’y retrouver)
          Le programme du Café des Arts. Grenoble, est ici.

          René
          Maître des clés

            Extrait de texte : la pitié, un sentiment naturel
            Jean-Jacques Rousseau (1755- Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité, première partie, Folio, 1985, p. 86).

            « Il est donc bien certain que la pitié est un sentiment naturel qui, modérant dans chaque individu l’activité de l’amour de soi-même, concourt à la conservation mutuelle de toute l’espèce. C’est elle qui nous porte sans réflexion au secours de ceux que nous voyons souffrir : c’est elle qui, dans l’état de nature, tient lieu de lois, de mœurs, et de vertu, avec cet avantage que nul n’est tenté de désobéir à sa douce voix : c’est elle qui détournera tout sauvage robuste d’enlever à un faible enfant, ou à un vieillard infirme, sa subsistance acquise avec peine, si lui-même espère pouvoir trouver la sienne ailleurs : c’est elle qui, au lieu de cette maxime sublime de justice raisonnée, Fais à autrui comme tu veux qu’on te fasse, inspire à tous les hommes cette autre maxime de bonté bien moins naturelle, bien moins parfaite, mais plus utile que la précédente, Fais ton bien avec le moindre mal d’autrui qu’il est possible. C’est, en un mot, dans ce sentiment naturel, plutôt que dans des arguments subtils, qu’il faut chercher la cause de la répugnance que tout homme éprouverait  à mal faire, même indépendamment des maximes de l’éducation. Quoiqu’il puisse appartenir à Socrate et aux esprits de sa trempe, d’acquérir de la vertu par raison, il y a longtemps que le genre humain ne serait plus, si sa conservation n’eût dépendu que des raisonnements de ceux qui le composent ».

            « La pitié constitue l’une des deux affections primitives de l’homme à l’état de nature, avec l’amour de soi dont elle compense la rudesse. Dans sa forme élémentaire, elle ne mobilise pas la raison et désigne la répugnance spontanée de l’homme à voir souffrir d’autres êtres vivants. Vertu d’autant plus naturelle et universelle qu’elle précède l’usage de la réflexion et si naturelle que les mêmes en donnent des signes sensibles. »
            Le vocabulaire des philosophes II. Ellipses, p749

            « Les affections sociales ne se développent en nous qu’avec nos lumières. La pitié, bien que naturelle au cœur des hommes, resterait éternellement inactive sans l’imagination qui la met en jeu ».
            Essai sur l’origine des langues. Chap. IX, OCV, 395.

            « Je parle de la pitié, disposition convenable à des êtres aussi faibles, et sujets à autant de maux que nous le sommes; vertu d’autant plus universelle et d’autant plus utile à l’homme qu’elle précède en lui l’usage de toute réflexion, et si naturelle que les bêtes mêmes en donnent quelquefois des signes sensibles. Sans parler de la tendresse des mères pour leurs petits, et des périls qu’elles bravent pour les en garantir, on observe tous les jours la répugnance qu’ont les chevaux à fouler aux pieds un corps vivant; un animal ne passe point sans inquiétude auprès d’un animal mort de son espèce. »
            Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes, lère Partie. Classiques Hachette philosophie, p.63-67

             

             

            en réponse à : Maurice Godelier et de l’anthropologie sociale. #7671
            René
            Maître des clés

              Ecouter ici. Durée 2h02. Questions du public à 1h30 environ.

              La conférence date de 2022, y sont évoqués vers 0H45mn le rapport à la mort, puis, l’initiation des jeunes filles et des jeunes garçons chez les Baruyas, mais aussi les parallèles qui peuvent être faits avec l’évolution des moeurs et des pratiques dans les démocraties.

              ————————————-
              René Guichardan, café philo d’Annemasse.
              Des cafés philo à Grenoble. Cliquer ici pour accéder aux forums.
              Le groupe WhatsApp des cafés philo sur Grenoble. Cliquer ici pour être informé des sujets.
              Le NOUVEAU CAFE PHILO AUTO-GERE D’ANNEMASSE. Info et forum ici.
              > Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse d’avant, (avec comptes-rendus) ici.
              Ici, nous postons des cours, interviews, conférences dont nous avons apprécié la consistance philosophique
              – Lien pour recevoir notre newsletter Cliquer ici, puis sur Rejoindre le groupe.
              > Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici, Annemasse et Grenoble peuvent s’y retrouver)
              Le programme du Café des Arts. Grenoble, est ici.

              René
              Maître des clés

                Le café philo n’est pas un cours de philo ni un atelier de philo, mais un dispositif de la rencontre de la pensée (de la réflexion) – de celle des autres et de la sienne en train de se faire.

                 

                Echanger, débattre à plusieurs autour d’un thème s’apprend. Il ne s’agit pas de se donner raison ou de faire usage du groupe pour défendre sa thèse, pour dispenser tous les savoirs que l’on a acquis par ailleurs.

                On assume, dans un café philo, les hésitations d’une pensée en train de se faire.

                L’autre défi, dans un lieu qui assume une relative « anarchie » (un partage de la réflexion sans prise de pouvoir et sans discours d’autorité), c’est de rester attentif à l’idée de construire un débat structuré et structurant. Il s’agit de se disposer à faire évoluer le sujet en débat et à formuler les problématiques les plus prégnantes du moment par rapport au groupe donné.

                Pour les personnes qui cherchent à dispenser un enseignement, nous les invitons à rédiger leur thèse, à faire des conférences ou à créer un cercle spécifique, mais non à faire usage de ce café philo, qui entend rester un dispositif destiné à la pratique d’une réflexion en partage.

                Pour information, il existe des formations aux pratiques philosophiques. Nous nous en inspirons depuis plus de 25 ans de pratique, et nous continuons à apprendre.
                Voir dans ce forum quelques références sur le cahier des charges de l’animateur, par exemple.

                Voir ici, la formation proposé par Anda FOURNEL, diplômée en Philosophie, Sciences du langage et Sciences de l’éducation, accompagnée par Bilal Chérif, coordinateur des parcours philosophiques.
                Téléphoner ou écrire à La Maison des Ecrits, 6 All. du Rhin, 38130 Échirolles
                Téléphone : 04 76 09 75 20

                 

                 

                René
                Maître des clés

                  Bravo à vous de tenir le flambeau 😉

                  Votre question : La reconnaissance sociale est-elle un besoin pour l’individu ?

                  Fondamentalement, pourquoi en serait-il autrement ? Toutes les anthropologies le montrent, il y a une lutte pour la reconnaissance. Toutes les psychologies le montrent aussi.
                  La question serait, pourquoi ce besoin premier, nécessaire, vital n’est-il pas d’avantage « reconnu », mais méprisé par les effets de systèmes (les institutions, les organisations, les puissances économiques et politiques), quand il n’est pas simplement méprisé par les luttes de classe (les cadres qui méprisent les techniciens qui méprisent les employés, les étrangers de seconde génération qui méprisent les primo arrivant, etc…)

                  Aujourd’hui, au XXIème siècle, nous avons tous les savoirs et les moyens de penser à un meilleur équilibre des rapports de pouvoir, nous comprenons de mieux en mieux les besoins et la psychologie des êtres humains, nous savons comment créer des systèmes éducatifs coopératifs, mais pourquoi est-ce que cela n’est-il pas davantage pris en compte et opérant dans notre monde ?
                  Si l’on fait des choix en fonction des informations que l’on a, il importe de se demander, d’où tenons-nous les informations et les savoirs que nous avons sur le monde ?

                  Sur un plan philosophique, on peut mobiliser l’insociabilité de l’homme en s’appuyant sur Kant ou Schopenhauer (les porcs-épics), mais vous connaissez cela par coeur, n’est-ce pas ?

                  « Le bois dont l’homme est fait est si courbe qu’on ne peut rien y tailler de tout à fait droit »
                  Kant (voir ici une explication de texte)

                  On peut également s’attaquer à cette question par son versant ironique : si chacun est mû par un besoin de reconnaissance, qui le premier va reconnaître l’autre ?

                  Sinon, je crois que vous savez que Axel Honneth a travaillé sur le principe de reconnaissance en philosophie, n’est-ce pas ? Voir ici : La lutte pour la reconnaissance dans la philosophie sociale d’Axel Honneth

                  Pour revenir à la source de nos informations, cette semaine, j’ai écouté la synthèse d’Olivier Berruyer (voir ici, 45mn), qui rassemble des extraits d’interviews de nombre de ses invités

                  J’ai écouté aussi la théorie de Gilbert ACHCAR (professeur en étude du développement et relations internationales, cliquer ici pour l’écouter)
                  En s’inspirant de Norbert Elias, Gilbert Achcar défend l’idée que chaque civilisation génère son lot de barbarie.
                  A posteriori, nous pourrions lui donner raison.
                  Mais il nous faut précisément lui donner tort et montrer que nous pouvons faire autrement.
                  En sciences humaines, et en philosophie, on peut finir par tout démontrer. La question qui se pose est bien celle de l’éthique en première instance, que l’on pose au principe de ses idées qui, elles-mêmes, doivent s’appuyer sur une anthropologie (ce qui fait vérité pour les êtres humains) et des philosophies-épistémiques (comme se construisent nos savoirs) ?

                  Bon courage à vous.
                  Ps : personne n’est branché par la formation d’Anda Fournel ? Vous pouvez lui écrire directement, si vous le souhaitez / anda.fournel@gmail.com
                  Je suivais sa formation l’année passée à l’université de Grenoble. Là, il faut en profiter, c’est ouvert à tout le monde.

                  René
                  Maître des clés

                    Un compte rendu organisé par thématique de notre échange
                    De la révolution des sentiments, qu’en est-il de nos émotions et de nos sentiments ? Quel rapport entre les émotions/sentiments personnels et ceux du collectif ?

                    Tout d’abord, un grand merci à Sophie Wahnich (ses publications sur le site HAL Sciences ouvertes sont ici) qui nous a fait la surprise de participer à notre café philo. Elle a pris place discrètement parmi les autres participants et a tenu à s’inscrire dans notre mode de fonctionnement (en demandant la parole à son tour, en faisant proposition de ses interventions, sans les imposer par des tournures d’autorité), et en rajoutant prudemment, « il me semble », lorsqu’il fallait distinguer les faits de leur interprétation.

                    Un préalable à préciser en tant qu’animateur
                    Je n’ignorais pas que le sujet des émotions / sentiments, tel qu’annoncé en introduction, était trop ouvert. S’il m’a été inspiré par l’ouvrage et les travaux de Sophie Wahnich (ici, des conférences avec des prises de notes sur notre forum), j’ai bien senti le grand écart « conceptuel et paradigmatique » qu’il fallait opérer pour joindre tous les bouts : entre les émotions telles que les définissent les neurosciences, la psychologie, l’éthologie, la philosophie, les approches du développement personnel et, par ailleurs, les émotions du collectif selon une approche à la fois historique et anthropologique de Sophie Wahnich.  La gymnastique n’a pas été parmi les simples pour rester à l’écoute d’organiser le tout, spontanément, dans un débat.

                    Cela dit, pour ce « compte rendu », j’ai malgré tout repéré quelques thématiques et questions. Précisons que chacun des participants, et tout lecteur de ce forum, peut se prêter à l’exercice du partage de sa réflexion ou des questions qu’il se pose, plus bas et à la suite de ce message. Merci de votre attention.

                    Plusieurs thématiques se sont entrecroisées durant notre échange, les voici résumées :

                    Du rapport entre émotion et sentiment sur le plan individuel et collectif,
                    > Comment l’historicité personnelle s’articule avec celle du collectif (l’histoire qui est faite de ce collectif et les discours qui y sont tenus) ?
                    >> de soi à soi-même, de soi aux proches, de soi à des collectifs (communautés), de soi à l’institution, à l’Etat (le territoire), à la nation (la population dans sa diversité et répondant des mêmes lois sur un territoire donné) : comment les émotions et sentiments circulent de proche en proche et constituent un « collectif », une identité de valeurs et d’appartenance à un pays donné ?

                    De l’émotion et de nos difficultés personnelles à les vivre, à les éprouver, à les reconnaître, à les partager (mais pourquoi donc avons-nous des problèmes avec nos émotions ?)
                    > Ce que demande le travail sur soi pour « intégrer » (assumer, reconnaître, intégrer ou accueillir) ses émotions (tous les registres de nos émotions ?). Jusqu’où savons-nous, pouvons-nous toutes les intégrer ? Nos émotions – certaines d’entre elles, peuvent-elles être « dangereuses » pour nous-mêmes ?
                    > Dès lors, si nos émotions nous emprisonnent, comment faisons-nous « lien » avec le collectif dans lequel, nécessairement, nous sommes inscrits. Sommes-nous un empire dans un empire ? contesterait Spinoza (et plus prosaïquement tout sociologue et anthropologue).

                    Du rapport entre l’émotion animale et l’émotion des êtres humains.
                    >  L’émotion animale est-elle la même (de même nature, expression, sensibilité) que l’émotion humaine ?
                    >  L’émotion des animaux domestiques,  du petit élevage d’une ferme,  de l’industrie alimentaire et celle des animaux sauvages doit-elle être considérée sur le mode d’une égalité de principe ?
                    > A quoi, conceptuellement, rattacher les animaux, l’environnement et la nature elle-même puisque nous dépendons d’eux, et que les actions que nous avons sur eux ont des répercussions sur nous ?
                    > Comment la sensibilité à l’égard des animaux devient-elle un objet social sensible, politique, voire polémique ou, à l’inverse, comment cette question de la sensibilité à l’animal va-t-elle se trouver marginalisée ?

                    – De la socialisation par les outils informatiques et de la socialisation dans la vie réelle.
                    Comment se structure une nouvelle carte émotionnelle de nos relations et de la socialisation en train de se faire dans le monde d’aujourd’hui ? (Une schizophrénie numérique, voir Anne Alombert pour cette thématique, ici ) C’est comme si les lieux de la fabrique de notre « socialisation » (de nos appartenances) se multipliaient à ce point, que nous n’appartenions plus à rien de « concret », d’opérationnel, d’effectif. Sommes-nous incarnés ou désincarnés entre le monde des « Idées » et la réalité du monde ?

                    Clairement, nous ne pouvions pas répondre à toutes ses questions et, si nous n’en avions prise qu’une seule, il m’aurait fallu mieux la préparer en amont. Mais je m’en explique plus bas, dans le paragraphe : le café philo n’est pas un cours de philo ni un atelier de philo, mais un dispositif de la rencontre de la pensée (de la réflexion) – de celle des autres et de la sienne en train de se faire.

                    La question de la définition des émotions
                    Bien que la frontière entre émotion et sentiment ne soit pas hermétique, généralement, les distinctions données par les neurosciences ont fait école : les émotions se mesurent et s’objectivent dans des signes physiques (battements de coeur, pupilles dilatées, frissons…)tandis que les sentiments sont ressentis plus profondément, ils sont liés à des affects, à des souvenirs, à des scènes, à des histoires, à des attachements, ils sont intimement et profondément associés à une idée de sens. Les émotions, elles, restent, momentannées, elles connaissent un pic qui, si on le laisse faire, va en s’amenuisant.

                    Mais Sophie Wahnich, d’un point de vue anthropologique, situe d’emblée l’émotion comme « informée », puisque l’émotion nous met en action, avant même que la conscience n’en soit « avertie ». Par exemple, la peur, le plus souvent, fait fuir. Dans tous les cas, la peur allume tous nos circuits d’alerte et pré-conditionne les décisions que nous allons prendre. Puis, lorsque la tension émotionnelle s’attenue, on peut revenir à soi, dérouler le fil des événements. Dès lors, par un retour sur soi, il est possible de reprendre les séquences de penser qui se sont succédées (approche chronologique, associative) pour tenter de comprendre les enchaînements cognitifs par lesquelles notre pensée s’organise (approche typique de Hume). Plus loin, sur le mode introspectif, on peut tenter de situer l’origine sur un plan vertical de nos pensées, voir de quelle manière elles sont liées à notre passée, à notre éducation, à notre enfance. Et sur un autre plan, en extériorité à soi-même, on peut questionner les référents (les savoirs, les ouvrages, les sciences, les influences, les auteurs, etc.) à partir desquelles on se pense (on se met à distance de soi). En somme, on pense toujours à l’aune d’un référent, à vrai dire, à l’aune d’un ensemble de référents, qui font culture et civilisation selon les régions du monde qui nous ont influencées.

                    Ainsi, il y a un sens immédiat dicté par l’émotion et un sens « réfléchi », qui s’amorce dans un second temps. Là peuvent s’élaborer des arborescences de sens selon les registres introspectifs ou informationnels (lecture, littérature, sciences humaines, religion, etc..) dans lesquels on puise ce qui nous inspire et, par lesquels on finit par se définir soi.

                    Nous n’avons pas abordé l’idée de volonté comme mode de représentation du monde. Mais intervient ici l’idée d’une « volonté » (Schopenhauer ou Nietzsche) ou encore une intention (phénoménologie, Husserl), sans omettre une « perception » (de Hume à Merleau-Ponty) qui peuvent contribtuer à structurer notre ontologie (le sentiment de soi). Voir Philippe Descola (ici, dans les Idées Larges) ou Sophie Wahnich (ici, conflits et projets) et d’autres auteurs et disciplines qui soulignent le lien inéluctable et nécessaire entre soi et autrui. On ne peut devenir soi que par autrui. En ce sens, toute émotion est adressée et, peut-être, initialement, nous a-t-elle été adressée (transmise) ?  Il n’est pas impossible que nos émotions les plus profondes nous aient été transmises, ou que nous les avons intégrées/intériorisées par « imititation »- adaptation à l’alentour social qui s’impose à nous. Si l’on devient soi par autrui,  y a-t-il une cause, une trame de fond, des intentions à partir desquelles nous nous faisons advenir comme être humain et comme humanité ?

                    Si l’émotion n’était qu’animale (et bien que la structure de nos émotions s’inscrive dans la théorie darwinienne), elle ne nous poserait pas de question. On peut imaginer qu’on se prélasserait dans sa condition animale et ses instincts sans se poser de question : la cause serait entendue, admise, ritualisée pour qu’elle n’envahisse tous les espaces de notre vie, et elle ne nous poserait pas de question morale, on s’y adonnerait selon un rythme convenu, et sans état d’esprit particulier. Or, la condition humaine est telle qu’elle est traversée par des questions existentielles. Nous nous serions auto-détruit si nous nous étions laissés gouvernés que par des instincts animaux et en les systématisant comme règle de vie. Ce n’est pas à quoi l’humanité aspire : nous souffrons lorsqu’il y a trop d’injustice et, partout dans le monde, nous nous sommes dotés d’institutions (ou de structures symboliques) pour nous gouverner. Il n’est de groupe humain qui n’ait inventé ses dieux, ses mythes et qui ne se structure sans se prédéfinir selon une architecture du bien et du mal.

                    – Du traitement de l’animal dans la société de consommation, voir le lien ici (l’association L214) qui a été mentionnée lors de notre débat)

                    Du rapport entre l’émotion personnelle et collective.

                    Toute la difficulté, lors de notre débat, a été de tirer ce lien d’un rapport entre soi et le collectif (les émotions, le sentiment du soi et celles et ceux du collectif, par exemples : le sentiment national, les Gilets Jaunes, « Nous sommes Charly », Me Too, le sentiment de la valeur « démocratique », de sa sensibilité à l’environnement, à la cause animale, etc.), tous ces termes renvoient à des « appartenances », à des sensibilités, à un rapport à soi et à l’autre, à tout ce qui existe dans la société et le monde en général.

                    Mais, dans un premier temps, ce qui se présente à sa conscience, en tant que sujet, ce sont nos émotions, c’est SOI, on se sent soi plus ou moins distinctement. SOI s’impose à sa conscience et, éventuellement, on ne parvient pas à distinguer autrui sans le ramener (le rapporter) à soi. Cela peut faire référence à l’ensoi de J.-P. Sartre – L’être et le Néant. C’est à partir d’une « absence à soi », d’un point aveugle en soi (de l’impensé) qu’on se projette dans le monde. Pour reprendre l’exemple de Sartre de la femme qui court pour rattraper le bus, elle est toute entière dans la course pour le rattrapper, elle ne se voit pas en train de courir pour le faire. On est projeter dans la vie ainsi, on court sans avoir une conscience claire de nos raisons et donc, à partir d’un point aveugle. Ce point aveugle porte en lui la possibilité de faire disparaître le monde alentour en raison du fait qu’il rend aveugle au monde, comme s’il envahissait la conscience de ses convictions (typiquement le narcissisme pathologique de Macron en illustrerait la figure).

                    Cela dit, il semble que la plupart des gens sont généralement conscients de leurs émotions, en particulier parce qu’ils en souffrent ou parce que, nécessairement, chacun est tenu à des comportements structurellement normés pour exister dans un groupe, ne serait-ce que pour échanger avec autrui, se faire comprendre, partager des émotions, se sentir, en somme, « relié ». Ainsi, le sens de l’amour, des peurs, de la justice, des hontes, du courage, y compris le sentiment de « soi » varient d’une époque à l’autre, d’un lieu à un autre. On peut soutenir que c’est à partir de cet « invisible » (l’alentour indisctinct) qui nous enveloppe et qui nous précède, que la société advient à travers nous, et que nous la faisons exister. Tout ce qui nous entoure constitue un invisible à partir duquel on se fait advenir (on se métabolise soi peu à peu) de même que nous métabolisons notre monde en devenir.

                    Je vais terminer sur une référence que Sophie Wahnich a évoqué et qui m’a questionnée, l’article de Patrice Loraux: Les disparus. Accessible ici sur Cairn Info.


                    Patrice Loraux, les disparus, les figures/modalité de la honte.
                    Et, les impasses de la pensée.

                    Patrice Loraux (philosophe) rapporte la mise en scène des disparus argentins. Voici la réprésentation que le gouvernement Pinochet en a faite : « On emmène ces gens, qui sont destinés à disparaître, en hélicoptère, on les lâche au-dessus de la mer, avec les pieds lestés d’une pierre. Et c’est là que se joue l’insupportable: est-ce qu’un œil d’homme est capable de supporter ou de ne pas supporter le moment de l’impact, où le corps disparaît radicalement dans l’eau ? »
                    Fin de la citation de l’article.

                    Ce que nous en avons dit (résumé subjectivement retenu)
                    La mise en scène (la publicité, le média, le journaliste, le pilote d’hélicoptère, etc.) dit en s’adressant à tout un peuple : voilà ce que l’on fait de vous.
                    Or, ce que l’on fait à une personne, c’est à tous, symboliquement, virtuellement et potentiellement qu’on le fait. On intériorise dès lors une honte, une peur, sinon le trauma d’exister.

                    Questions qui se posent à la suite de cette scène : quelle honte je porte en moi d’une disparition ou d’un trauma non représentable ?
                    Il y a ainsi des strates de honte qui se sédimentent si loin dans l’ensoi qu’elles sont « irreprésentables. » Elles sont néanmoins agissantes (opérantes) dans la manière dont elles façonnent le sentiment de soi, dans la définition de qui l’on devient. Il y a alors des hontes qui deviennent « silencieuses », inaudibles, inconscientes. Et il y a en d’autres qui « saignent ».
                    Il est préférable d’entretenir celles qui saignent, car on peut en tirer le fil d’un rapport au sens, d’une réhabilisation de son sentiment d’appartenance à l’humanité.
                    Toute la question va se poser là : que puis-je accepter que l’on fasse à l’autre, mais aussi à moi en tant qu’individu puisque, intimement, on le fait à l’humanité en soi et, ainsi, à toute l’humanité ?

                    Autrement dit : jusqu’où pouvons-nous faire parler l’humanité en soi ou, à l’inverse, la taire ?
                    Autre question : lorsque nous nous levons, quelle humanité, quelle dignité, quel affect, quel sentiment de soi, quel rapport à l’autre mettons-nous en mouvement ?

                    Fin du compte rendu, subjectivement rédigé.
                    Merci à tous pour votre participation.
                    Un grand merci à Sophie Wahnich de nous avoir gratifié de sa présence.

                    Un mot concernant la présence d’auteurs et/ou de professeurs fréquentant les cafés philo. Merci à eux de ne pas les snober et de participer à un partage des savoirs et de la réflexion à hauteur du citoyen lambda. Et merci au citoyen lambda de se prêter à l’exercice du partage de sa pensée en train de se faire.

                    L’intérêt des cafés philo résident dans la potentielle diversité des rencontres qu’il permet, diversité en termes de formation, de croyance, de niveau d’étude et d’origine de tous les participants. Mais, mettre en discussion une question, un sujet ou un extrait de texte requiert une discipline de la pensée dans la mesure où l’on souhaite que l’échange reste ouvert.
                    Il s’agit de combiner à la fois le questionnement, l’exploration et la structuration d’une pensée en train de se faire. Dans le même temps, on veillera à lutter contre les réponses toutes faites, les rivalités d’égo, les idées convenues, et, bien entendu, les généralisations abusives, les citations à l’emporte pièce, la récitation de ce que l’on sait, etc. On assume une quête que l’on met en partage et un rapport de questionnement à soi et à l’autre.

                    Dans le message ci-dessous (en préparation), quelques éléments pour tenter de répondre à cette exigence de penser, qui n’enferme pas, mais qui ouvre des possibles pour cheminer en terrain inconnu. A ce propos, et pour terminer avec Patrice Loraux, je suis tombé sur les prises de notes de l’une de ses conférences intitulée : Du bon usage de l’impasse dans la pensée (voir ici).

                    Trois ou quatre extraits :
                    4- Un rat très malin sort trop vite du labyrinthe ; un rat qui l’est moins se heurte partout mais dessine ainsi le dédale. Sorte d’apologue chinois.

                    5- Ni trop génial ni trop borné un philosophe comme Aristote se heurte aux difficultés mais ainsi il les indique, persévère et poursuit pensivement sans se perdre dans aucune aporie abyssale.

                    6- Modifions la fiction en supprimant l’observateur (vérificateur, psychologue cognitiviste mesurant les performances…) : la pensée exige de n’être pas placée sous surveillance.

                    7- On le comprendra mieux plus tard : c’est un labyrinthe dont il n’y a pas à sortir à la différence de la Caverne de Platon.

                    Un schéma inspiré de notre échange

                    ————————————-
                    René Guichardan, café philo d’Annemasse.
                    Des cafés philo à Grenoble. Cliquer ici pour accéder aux forums.
                    Le groupe WhatsApp des cafés philo sur Grenoble. Cliquer ici pour être informé des sujets.
                    Le NOUVEAU CAFE PHILO AUTO-GERE D’ANNEMASSE. Info et forum ici.
                    > Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse d’avant, (avec comptes-rendus) ici.
                    Ici, nous postons des cours, interviews, conférences dont nous avons apprécié la consistance philosophique
                    – Lien pour recevoir notre newsletter Cliquer ici, puis sur Rejoindre le groupe.
                    > Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici, Annemasse et Grenoble peuvent s’y retrouver)
                    Le programme du Café des Arts. Grenoble, est ici.

                    René
                    Maître des clés

                      Un sujet pas facile, «Y a-t-il une idéologie derrière le sentiment d’irrationnel ? », proposé par MT, a donné un débat très nourri et nourrissant.😁 Nous étions sept.

                      Merci Nadège et Michel pour votre retour…
                      Ce sujet m’invite à une petite réflexion :

                      L’absence de « sens » avec lequel peut nous apparaître l’univers (et le monde tel qu’il va aujourd’hui), livre celui-ci à de nombreuses interprétations (si ce n’est à tous les fantasmes).

                      Toutefois, le champ des interprétations, lui-même, s’inscrit dans ce que les sciences humaines peuvent dire de l’être humain.

                      Par exemple, les sociologies et les anthropologies de la religion font observer, chez les chrétiens (notamment chez les évangélistes), comme dans l’islam, une diversité :
                      Il y a des évangélistes et des musulmans fanatiques et il y en a de pondérés. On trouve également des religieux par héritage traditionnel et d’autres qui pratiquent sans adhérer aux textes, mais en les réinterprétant à l’aune des sciences aujourd’hui. D’autres encore, ne sont plus croyants, mais non sans valeurs, et d’autres encore basculent dans le nihilisme ou dans le consumérisme. En bref, les degrés de variation sur l’éventail des croyances et les manière de croire est assez élargi.
                      .
                      A côté de cela, en restant dans la diversité des croyances, il y a des associations de pratiquants, il y a groupes « instituants », il y a des lobbys, il y a des idéologies, il y a du soft power (via le cinéma et les intellectuels – voire Pierre Gonesa) et il y a des guerres géopolitiques via des discours religieux instrumentalisés. En fait, la diversité éparse des croyances et des pratiques fait corps et exerce une influence plus ou moins conséquente.

                      On peut pousser le bouchon un peu plus loin pour ceux qui n’ont pas froid aux yeux. Il y a  la démocratie américaine qui, au nom de l’idée qu’elle se fait de sa mission d’évangéliser le monde, a éradiqué les peuples autochtones (amérindiens), a tapissé le monde de bombes (Vietnam, Irak, Kosovo) et elle soutient massivement Israël dans sa politique génocidaire.

                      Question : les droits humains et la laïcité, à leur tour, se font-ils religion du monde ?
                      En raison de quel « arrière-plan » (ou philosophie) dressons-nous un regard critique sur le monde ?
                      De quelle espérance le monde peut-il être aujourd’hui ? Demanderait un Kant.

                      Supposons qu’il y ait une logique de l’Etat profond, peut-être peut-on se demander : pourquoi, de la diversité éparse des croyances et des pratiques, certaines font corps et trouvent des finances jusqu’à produire des mouvements politiques et semer le trouble ? Pourquoi n’est-ce pas les gens raisonnables que l’on entend le plus ? À quelle source s’informe-t-on ? Quelle est la valeur contextuelle de l’information que l’on nous donne ? Pourquoi a-t-on eu peur des sorcières qu’on a brûlées, et non de ceux qui les ont brûlées ?

                      Je vous laisse avec une intervention de Rony Brauman du 22.11.2024

                      Portez-vous bien tous…

                      René Guichardan

                      ————————————-
                      René Guichardan, café philo d’Annemasse.
                      Des cafés philo à Grenoble. Cliquer ici pour accéder aux forums.
                      Le groupe WhatsApp des cafés philo sur Grenoble. Cliquer ici pour être informé des sujets.
                      Le NOUVEAU CAFE PHILO AUTO-GERE D’ANNEMASSE. Info et forum ici.
                      > Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse, d’avant, ici.
                      Ici, nous postons des cours, interviews, conférences dont nous avons apprécié la consistance philosophique
                      – Lien pour recevoir notre newsletter Cliquer ici, puis sur Rejoindre le groupe.
                      > Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici, Annemasse et Grenoble peuvent s’y retrouver)
                      Le programme du Café des Arts. Grenoble, est ici.

                      René
                      Maître des clés

                        Compte rendu de la rencontre du mercredi 6 novembre 2024

                        Nous étions 14 personnes pour ce premier café philo.
                        Merci à la personne (je n’ai pas retenu tous les noms, désolé) qui a distribué la parole en la pondérant selon les moins-disants.

                        Merci beaucoup à toute l’équipe du Café des Arts pour son accueil chaleureux (programme ici).
                        Ce lieu est unique sur Grenoble par la volonté qui l’anime de favoriser l’échange,  la liberté, la créativité, l’ouverture, le dialogue, la considération du rapport à l’autre…
                        C’est une grande chance pour la cause qu’il défend et pour le café philo d’en bénéficier.

                        Dans ce forum, chacun est libre de partager ce qu’il a retenu de nos échanges, les idées et réflexions qui lui sont venues durant ou à la suite de notre rencontre.

                        La citation que nous avons mise en discussion
                        « Les hommes se croient libres pour cette seule cause qu’ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par où ils sont déterminés. »
                        Baruch Spinoza. “Éthique” (1677), III, « De l’origine et de la nature des affects », scolie de la proposition 2.

                        Quelques observations et/ou quelques lignes argumentatives retenues

                        Il semble qu’il y ait eu presque trois camps dans notre échange : les partisans de la liberté : elles/ils estiment que nous avons des marges de liberté en dépit des déterminismes.
                        Les partisans du déterminisme qui, eux, estiment que nous ne sommes pas libres. Il convient alors d’oublier ou d’ignorer que nous ne sommes pas libres, de sorte à se vivre comme étant libres.
                        De ce point de vue, l’oubli que nous ne sommes pas libres, nous rendrait notre liberté ou nous rendrait « comme libre ».

                        Une objection a été apportée à ce raisonnement qui fait de la liberté, une illusion ou une abstraction sur fond de déterminisme : si vous ignorez que vous êtes déterminés ou que vous souhaitez l’oublier, alors vous n’êtes pas libres, car vous ignorez les causes qui vous déterminent (on retombe sur la citation de Spinoza).

                        Mais il y a eu la volonté d’aller plus loin que de se retrouver enfermé dans ce raisonnement circulaire

                        « Toutes les déterminations ne se rangent pas sur le même niveau » a fait remarquer une participante (désolé, je n’ai pas retenu tous les noms). Par exemple, il y a les déterminations sociologiques, psychologiques, génétiques (voire karmiques pour celles/ceux qui y croient) ou encore, celles du monde de la physique (que beaucoup unifient déjà à la physique quantique, alors que les physiciens eux-mêmes se questionnent sur ce point), toutes ces déterminations ne renvoient pas aux mêmes causes ni aux mêmes effets.

                        Un participant trouve l’incise et fait référence à Cournot, à sa définition du hasard, c’est : « la rencontre des phénomènes qui appartiennent à des séries indépendantes dans l’ordre de la causalité »
                        Cournot 1843, Exposition de la théorie des chances et des probabilités. § 40, 55.

                        Ainsi, les séries de détermination étant indépendantes les unes des autres, et chacun de nous étant un singulier, nous générons nécessairement des hasards qui sont autant d’opportunités d’exercer notre liberté : liberté de rencontrer l’autre, de se connaitre soi-même, d’interpréter ce que l’on est, notamment nos émotions, liberté de se penser autrement, etc…)

                        Mais, et intérieurement, il y a les peurs, les angoisses… qui sont un carcan à nos déterminations. Elles peuvent nous enclore dans un système monde (un empire dans un empire, dirait Spinoza).

                        D’autre part, il s’agissait de clarifier la notion de liberté… Supposons que nous soyons « déterminés » (nous le sommes en partie, personne ici ne se fait d’illusion), il est possible alors que la liberté nous interpelle précisément parce que nous en souffrons. Dès lors, nous pouvons aspirer à une liberté en réaction à nos déterminations, aux souffrances qu’elles générent, aux angoisses qu’elles déclenchent, aux afflictions dans lesquelles elles peuvent nous plonger. Dans ce cas, ce besoin de liberté peut être cause d’une réaction de fuite, mais non d’une liberté effective, pleine, entière, libre, assumée, accomplie, joyeuse.

                        Ainsi, nous souhaitons faire référence à une liberté qui ne résulte pas d’une simple réaction.

                        Il me semble que certains participants entrevoient la liberté comme porteuse de sa propre dynamique. Ainsi, que la liberté ait pour moteur un mal-être, une rencontre fortuite ou une cause extérieure n’est pas déterminant en soi, elle est seulement un déclencheur de cet appel au départ d’une quête. La liberté peut être porteuse de son propre mouvement, être à elle-même sa propre intelligence.

                        La liberté artistique est peut-être l’une de ses libertés qui ouvre la possibilité d’accéder à soi par d’autres langages, à d’autres versions et interprétations de ce qui s’éprouvent en soi…
                        Reste à établir le lien entre cette liberté en soi et celle qui s’éprouve dans la rencontre à autrui et avec le monde.
                        Est-ce le monde qui imprime sa marque sur moi, est-ce moi qui imprime sur le monde ma marque ?

                        —————-

                        Le cas de Claude Eatherly, a été évoqué. Il est l’un des pilotes qui a participé à larguer la bombe nucléaire sur Hiroshima…
                        Il se pose la question : de quelle liberté se faisait-il le nom lorsqu’il s’envola vers Hiroshima ? Certainement voulait-il compter parmi la figure des héros américains, mais alors, était-il libre ou conditionné par la propagande américaine ?
                        A-t-il simplement obéi comme Eichmann ? (Référence à Hannah Arendt et à la banalité du mal)

                        Mais, pourquoi Claude Eatherly  a-t-il été rattrapé par la conscience de son acte après coup ? Il en a été traumatisé, avant de devenir un fervent militant pour la paix.
                        > Sa liberté s’est jouée dans le retour de conscience que ses actes ont eu sur autrui (en fait, sur des millions d’innocents).
                        > Sa liberté s’est jouée dans la prise de conscience qu’il s’est autorisé à avoir en accusant, comme par un écho, les effets de retour que son acte a eu sur les autres.

                        Résumons la suite du débat à partir de ce moment.
                        Il y a eu une rencontre sur plusieurs points avec cet exemple de la conscience des effets de ses actes sur autrui. La question de la liberté ne se pense que par rapport au sujet que chacun est.
                        > Le sujet (que chacun est) prend conscience de sa liberté dans sa rencontre avec l’autre.
                        Ainsi, je peux bafouer l’innocence de l’autre dès lors que je n’ai pas conscience de mes actions sur lui/elle. Le moi s’enfle de toute sa place et efface celle d’autrui. De fait, la question de la liberté s’incarne dès lors qu’elle reconnait autrui comme un autre « soi » (distinct de son soi et singulier à lui-même).
                        Si cette liberté se nourrit (se grandit) d’elle-même guidée par sa propre intelligence, alors elle s’articule avec l’idée d’une responsabilité dans sa rencontre avec l’autre.  Les consciences se reconnaissent dans un rapport de considération égale et partagée avec autrui.

                        Fin de ma prise de notes.

                        Ps : J’ai dit qu’il y avait presque trois groupes de personnes. L’autre groupe était plutôt des spécialistes de la pensée de Spinoza, ils nous ont ainsi apporté des précisions par rapport à sa philosophie et par rapport au contexte de son écriture.

                        ———–
                        Quelques citations, brièvement commentées, que je mets en écho à notre séance.
                        « Ils (les philosophes) ont l’air de considérer l’homme dans la nature comme un empire dans un autre empire. A les en croire, l’homme trouble l’ordre de l’univers bien plus qu’il n’en fait partie ; il a sur ses actions un pouvoir absolu et ses déterminations ne relèvent que de lui-même. »
                        Spinoza. Ethique, III, préface.
                        >
                        Spinoza dénonce les prétentions humaines, dont l’idée d’être séparé tant de nos semblables que de la nature. Entre les séries de déterminations indépendantes les unes des autres, se jouent dans les interactions, des espaces de liberté où la conscience peut se penser autrement. Dans les mots de Spinoza, on pourrait dire : la raison peut se trouver en adéquation avec l’infini diversité des causes et, l’entendement, saisir le sens de sa liberté.

                        « Nul ne peut désirer d’être heureux, de bien agir et de bien vivre, qui ne désire en même temps d’être, d’agir et de vivre, c’est-à-dire d’exister actuellement. « 
                        Spinoza. Ethique, IV, 21.
                        La liberté se pense nécessairement en acte et en situation.

                        « Aucune des vertus morales ne naît naturellement en nous (…) pour tout ce qui nous donné par la nature, nous n’obtenons d’elle que des dispositions, des possibilités ; c’est à nous ensuite de les faire passer à l’acte. » Or précise plus loin, Aristote, « sur le terrain de l’action et de l’utile, il n’y a rien de fixe, pas plus que dans le domaine de la santé ».
                        Aristote, Éthique de Nicomaque, livre II. 1103 b.
                        Depuis Aristote, les conditions de la liberté et des vertus en général sont posées. Elles se conçoivent en pensée, mais elles s’actualisent en acte. La philosophie est, à ce titre, non de la pure pensée, dans une pratique incarnée en situation.

                        Et, pour terminer, les déterminations selon Laplace étaient probablement dans la pensée de tous les participants ce soir.

                        « Nous devons donc envisager l’état présent de l’univers comme l’effet de son état antérieur, et comme la cause de celui qui va suivre. Une intelligence qui pour un instant donné connaîtrait toutes les forces dont la nature est animée et la situation respective des êtres qui la composent, si d’ailleurs elle était assez vaste pour soumettre ses données à l’analyse, embrasserait dans la même formule les mouvements des plus grands corps de l’Univers et ceux du plus léger atome : rien ne serait incertain pour elle, et l’avenir comme le passé serait présent à ses yeux » .
                        Pierre Simon de Laplace (1749 -1847), vu dans article, Cairn info : Pour mettre fin au mythe de Laplace
                        Par Olivier Sartenaer

                        Il y a deux ou trois problèmes avec la proposition de Laplace :
                        D’une part, on ne pourra jamais connaître la position de tous les atomes et autres éléments qui composent l’univers et, d’autre part, l’univers, la vie et le vivant ne se réduisent pas à la somme de leurs parties.
                        Ajoutons que la théorie du chaos est coexistante à celle d’une émergence. Autrement dit, ce qui est créé n’est pas contenu dans les éléments du départ, c’est comme si un processus épigénitique était à l’oeuvre dans la dynamique de l’univers, il se crée relativement avec des éléments du départ (pas tous connus) et continue à se créer/inventer au fur et à mesure de ses créactions, comme si elles constituaient de nouvelles bases d’autocréation.

                        ————————————-
                        René Guichardan, café philo d’Annemasse.
                        Des cafés philo à Grenoble. Cliquer ici pour accéder aux forums.
                        Le groupe WhatsApp des cafés philo sur Grenoble. Cliquer ici pour être informé des sujets.
                        Le NOUVEAU CAFE PHILO AUTO-GERE D’ANNEMASSE. Info et forum ici.
                        > Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse d’avant, (avec comptes-rendus) ici.
                        Ici, nous postons des cours, interviews, conférences dont nous avons apprécié la consistance philosophique
                        – Lien pour recevoir notre newsletter Cliquer ici, puis sur Rejoindre le groupe.
                        > Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici, Annemasse et Grenoble peuvent s’y retrouver)
                        Le programme du Café des Arts. Grenoble, est ici.

                        René
                        Maître des clés
                          René
                          Maître des clés

                            Ecouter ici. Durée : 15.55

                             

                            ————————-
                            Ps : voir le sujet suivant ou précédant en parcourant le fil de ce forum ( dédié à la dérive des médias, à des exemples et des analyses de cette dérive
                            ————————-
                            René Guichardan, café philo d’Annemasse.
                            > Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse, ici.
                            Des cafés philo à Grenoble. Cliquer ici.
                            Le groupe WhatsApp des cafés philo sur Grenoble. Cliquer ici.
                            > Lien vers le forum des problématiques de notre temps (écologie, guerre, zoonose, démographie et philosophie.
                            Ici, nous postons des cours, interviews, conférences dont nous avons apprécié la consistance philosophique
                            – Lien pour recevoir notre newsletter Cliquer ici, puis sur Rejoindre le groupe.
                            > Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici)

                            René
                            Maître des clés

                              Ecouter ici. Durée : 2h42

                               

                              ————————-
                              Ps : voir le sujet suivant ou précédant en parcourant le fil de ce forum ( dédié à la dérive des médias, à des exemples et des analyses de cette dérive
                              ————————-
                              René Guichardan, café philo d’Annemasse.
                              > Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse, ici.
                              Des cafés philo à Grenoble. Cliquer ici.
                              Le groupe WhatsApp des cafés philo sur Grenoble. Cliquer ici.
                              > Lien vers le forum des problématiques de notre temps (écologie, guerre, zoonose, démographie et philosophie.
                              Ici, nous postons des cours, interviews, conférences dont nous avons apprécié la consistance philosophique
                              – Lien pour recevoir notre newsletter Cliquer ici, puis sur Rejoindre le groupe.
                              > Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici)

                              René
                              Maître des clés

                                Ecouter ici. Durée 12.50mn

                                La constitutionnaliste Eugénie Mérieau propose une analyse : bien que toute cette « séquence » soit conforme, si on suit la lettre, à la Constitution de la Ve République, encore faut-il s’intéresser à la nature même de cette dernière. Dès l’annonce de sa mise en place, la Ve République s’inscrit dans une logique de Coup d’État.

                                —————————
                                Ps : voir le sujet suivant ou précédant en parcourant le fil de ce forum (les news retenues sur quinze jours ou un mois.)
                                ————————-
                                René Guichardan, café philo d’Annemasse.
                                > Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse, ici.
                                Des cafés philo à Grenoble. Cliquer ici.
                                Le groupe WhatsApp des cafés philo sur Grenoble. Cliquer ici.
                                > Lien vers le forum des problématiques de notre temps (écologie, guerre, zoonose, démographie et philosophie.
                                Ici, nous postons des cours, interviews, conférences dont nous avons apprécié la consistance philosophique
                                – Lien pour recevoir notre newsletter Cliquer ici, puis sur Rejoindre le groupe.
                                > Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici)

                                René
                                Maître des clés

                                  Cliquer ici. Durée : 28mn

                                  —————————
                                  Ps : voir le sujet suivant ou précédant en parcourant le fil de ce forum (les news retenues sur quinze jours ou un mois.)

                                  ————————-
                                  René Guichardan, café philo d’Annemasse.
                                  > Lien vers les sujets du café philo d’Annemasse, ici.
                                  Des cafés philo à Grenoble. Cliquer ici.
                                  Le groupe WhatsApp des cafés philo sur Grenoble. Cliquer ici.
                                  > Lien vers le forum des problématiques de notre temps (écologie, guerre, zoonose, démographie et philosophie.
                                  Ici, nous postons des cours, interviews, conférences dont nous avons apprécié la consistance philosophique
                                  – Lien pour recevoir notre newsletter Cliquer ici, puis sur Rejoindre le groupe.
                                  > Vous pouvez nous rejoindre sur notre groupe Signal (cliquer ici)

                                15 sujets de 1 à 15 (sur un total de 1,537)