Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Les sujets du café philo d’Annemasse › La relation à l’autre est-elle toujours une relation de pouvoir ? Maryline et Philippe présentent ce sujet lundi 15.02.2016 + compte-rendu
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10 février 2016 à 16h04 #5331La relation à l’autre est-elle toujours une relation de pouvoir ?
Sujet présenté par Maryline et Philippe (prof de philo)Maryline et Philippe nous réservent la surprise de leur introduction, certainement sera-t-elle brève et concise. Considérons que nous parlerons plutôt des relations intersubjectives, de personne à personne, et non pas nécessairement des rapports entre les groupes institués (les syndicats, les institutions, les classes sociales, le système politique…)
Nadège s’est appliquée à une recherche de liens (merci pour ce travail B)
– Qui est autrui ? Du langage, des neurones et des sentiments. Dans la banque des savoirs.
– Autrui, assistance scolaire pour les élèves
– Autrui, les enjeux de la définition. Dans maphilonet
– Autrui, dans les cours de Simone Manon.
– L’autre ou l’éthique comme philosophie première (Lévinas). Dans Philitt
– Le rapport à l’autre. Un compte-rendu d’un atelier philo à Narbonne (très bien fait).
– Autrui, de l’étranger au prochain. Dans Apprendre la philosophie (Didier Molinier)
– Pourquoi ne pas tuer l’autre ? Corinne Pelluchon (philosophe). Un article du Le Temps
– Les formes de la relation. Dans philosophie-spiritualité
– La vie en société, André Jamet (philosophe)
– Le pouvoir. Dans Philopoche
– Puissance, pouvoir, et possibilité (Jacqueline Lagréé, Société Bretonne de Philosophie)Quelques notions à explorer
– Influence, dépendance, emprise, vulnérabilité, maturité, manipulation, identité, interdépendance, autonomie, liberté, soumission, acceptation…Dispositif
– On ne partagera pas la salle en deux camps, les femmes d’un côté et les hommes de l’autre, pour débattre de ce sujet. B)11 mars 2016 à 15h10 #5337Quelques problématiques évoquées de : La relation à l’autre est-elle toujours une relation de pouvoir ?
Compte-rendu du débat B)Ambiance
– Plus de 40 personnes étaient présentes. On ne s’explique pas vraiment cet afflux : l’intérêt pour ce sujet, le dispositif du débat, les vacances, un besoin de dialogue, …?)
– Beaucoup de nouveaux participants, dont certains ont pris la parole.
– Le nombre de participants n’a pas n’empêché une certaine qualité d’écoute. On sent que les gens jouent le jeu qui consiste à construire un débat, à le faire évoluer.Un tour d’horizon
– Classiquement, on divise le pouvoir entre la « capacité d’agir » (il s’agit de la possibilité de faire une chose), et l’exercice d’une volonté qui vise à influencer autrui. Dans ce second cas, l’action sur autrui se décline généralement sous trois aspects :
1° la contrainte (par l’usage de la force, l’autorité ascendante – militaire, police)
2° la manipulation ( les intentions, les moyens et les buts que vise le pouvoir sont cachés)
3° l’usage d’une autorité reconnue comme étant « légitime » (professeur, expert en quelque domaine, …).
Pour notre débat, nous avons fait le choix de ne pas restreindre la signification du mot « pouvoir » afin d’explorer les multiples ressorts que cette notion pouvait suggérer aux uns et aux autres. Le pari était osé, mais il semble qu’il ait permis d’entrer assez finement dans le jeu intime de l’intra-subjectivité, c’est-à-dire, de ce que l’on se dit à soi-même dans les différentes situations ci-dessous :
> lorsqu’on exerce le pouvoir,
> lorsqu’on le subit,
> lorsqu’on se démène pour négocier nos positionnements,
> ou lorsqu’on cherche à dépasser toute relation de pouvoir.Durant le débat, et sur un plan superficiel, deux camps se dessinaient néanmoins : les partisans d’une vision simpliste de l’évolution des espèces. Ils défendent l’idée selon laquelle l’homme ne peut que s’inscrire dans des relations de pouvoir vis-à-vis de son semblable (l’homme est un loup pour l’homme) et, pour l’autre camp, ceux qui se font traiter (gentiment néanmoins) de « bisou-nours », de naïfs. On prête à ces derniers l’idée selon laquelle il suffirait d’être de bonne volonté, et de renoncer au pouvoir pour que celui-ci disparaisse.
Une troisième voie se dégageait malgré tout, elle est un peu plus exigeante : la possibilité de sortir de la relation de pouvoir ne peut advenir que si les protagonistes s’entendent sur une règle, un cadre éthique, des principes ou une loi garantissant à chacun, par exemple, le respect de ses valeurs fondamentales (liberté de penser, de croire, de s’exprimer, …). En somme, sortir du pouvoir demande de se référer à un cadre de valeurs qui fédérerait les parties intéressées et qui, finalement, dépasserait les ego en présence.
Quelques séquences de raisonnements relevées lors de notre débat.
– La question de départ, la relation à l’autre est-elle toujours une relation de pouvoir ? comprenait deux implicites :
1° le postulat selon lequel la relation à l’autre est, de facto, une relation de pouvoir,
2° le pouvoir y serait donc omniprésent (toujours).
Ce postulat a été posé comme hypothèse de départ : la relation à l’autre serait structurellement une relation de pouvoir.Structurellement inévitable, la justification de la thèse du pouvoir
– La relation est un lien qui s’institue dans la durée, il y a des attachements, des évolutions de part et d’autre, et l’égalité n’est pas spontanée. Il faut donc être conscient que le pouvoir est partout, afin précisément de l’empêcher de s’étendre.
– On peut rappeler que l’on hérite du sens du pouvoir de notre enfance, par le fait que nos parents s’imposent naturellement à nous.
– En tant qu’animal social, et afin de ne pas se retrouver isolé, l’homme accepte le jeu des influences à ses dépens, ou aux dépens des autres. Selon de savants calculs d’intérêts, l’homme se positionne au sein de sa communauté en cherchant à optimiser une position, soit en exerçant du pouvoir, soit en acceptant de le subir.
– Selon René Girard (théorie du désir mimétique), nous ne désirons des choses qu’en fonction du pouvoir d’attraction que ces mêmes choses exercent sur les autres. De fait, nous désirons ce que les autres désirent, ainsi nous sommes nécessairement en rivalité les uns avec les autres, et donc dans un rapport de pouvoir.
La phase exploratoire du débat met en évidence différentes façons de concevoir le pouvoir, de l’exercer :
> Il y a des formes d’exercice du pouvoir (violent, autoritaire, subtil, manipulateur,…),
> il y a des formes de compétences qui donnent au pouvoir une reconnaissance (le savoir, l’expertise, l’expérience,…)
> Il y a le pouvoir accordé au prestige,, à l’acquisition d’objets de distinction, à l’apparence (titre, prestance, …)
> il y a des formes instituées de pouvoir (le politique, la police, le maître d’école, le cadre, la tradition, …)
> il y a les buts que vise le pouvoir, la gloire, l’emprise sur autrui, l’argent, la jouissance, mais aussi la relation d’aide, le soutien à autrui. Il s’agit dans ce dernier cas d’une capacité d’agir, entendue comme une possibilité, et non comme un abus ou un désir égocentrique.
> il y a la complexité des relations où le pouvoir que l’on prend, et celui que l’on concède, prend différentes formes chez une même personne, exemple : être soumis à son épouse, et se montrer tyrannique avec ses employés.
> Enfin, il y a cette contradiction où, en général, on diabolise le pouvoir tout en jouissant, ouvertement ou non, du surcroît d’énergie qu’il nous confère.Sur un autre plan, il est fort possible que dominants et dominés soient pris à un jeu, dont ils ne perçoivent pas les issues (spirale d’une rivalité grandissante), et où finalement, personne ne voit comment en sortir, sinon en se mettant en conflit, en guerre, ou en rompant la relation.
Exemples, situations, et ambivalences du pouvoir
– Une femme qui se voile au nom de la religion peut le faire volontairement, et pas seulement par intériorisation des interdits de son mari, de son frère ou de sa culture. Il est fort possible que ce soit elle qui, en se voilant, adopte une position tyrannique sur les autres membres de sa famille. En mettant la religion entre elle et son mari, une femme peut se protéger, par exemple, des pulsions sexuelles de ce dernier.
– Une participante égyptienne : Il y avait des pouvoirs consentis dans les couples de nos grands-parents, nos mères acceptaient parfaitement que le pouvoir soit exercé sur elles, et elles en tiraient un avantage. La répartition des rôles et des tâches peut s’avérer être une garantie contre l’abus de pouvoir.
– Dans les relations professionnelles, on peut, au nom de la compétence, au nom de l’organisation des tâches, consentir dans son intérêt à la relation de pouvoir. Le pouvoir n’est pas toujours abusif.
– En dernier lieu, il y a un pouvoir que l’on peut toujours exprimer : l’insoumission, dire « non ».Une relation véritable ignorerait la notion de pouvoir ; le pouvoir dépendrait toujours de représentations.
– Y a-t-il une contradiction nécessaire entre relation interpersonnelle et pouvoir ?
> la relation renvoie à un partage, à des interactions, à de l’échange de flux (informations, émotions, sentiments,…)
> le pouvoir, quant à lui, renvoie à l’idée d’emprise, d’influence, d’une pression qui s’exerce.
Le pouvoir traduit donc une puissance, un ascendant sur l’autre. La relation,
elle, peut s’établir sur un mode librement consenti, une collaboration agréée, désirée, et ressentie comme bénéfique pour tous les partenaires. Si bien que, lorsque j’exerce du pouvoir, que je souhaite soumettre l’autre à l’idée que je m’en fais, je ne suis pas dans une relation authentique, mais dans la projection de mes fantasmes.
> Reformulation : La relation de pouvoir, entendue comme exercice d’une emprise sur l’autre, ne serait pas une relation, mais un monologue avec mes images projetées. En conséquence de quoi, la chose avec laquelle je suis en relation n’est pas « l’autre ».
– Problème qui se pose : Mais la relation à l’autre n’est-elle pas toujours fantasmée ?
– Réponse : On fantasme une réalité qui n’est pas là, mais le fantasme n’implique pas automatique une relation de pouvoir.
– Contre-argument : Mais si l’autre fantasme sur moi, je subis malgré tout son fantasme, même si je ne le partage pas.Une approche psychologique du pouvoir
– Les relations apparaissent comme « viciées » par les besoins des uns et des autres, par le besoin de se faire valoir, par le fait que l’on n’existe que dans le regard d’autrui. Il y a donc des évaluations constantes de la satisfaction des besoins que l’on ressent, et de ceux que notre partenaire ressent : sommes-nous sur la même longueur d’ondes, l’autre abuse-t-il de moi, est-ce que je m’y retrouve dans la relation, est-ce que je ne m’oublie pas trop, notre relation est-elle équilibrée ? Le calcul n’est pas forcément conscient initialement, mais après coup, on peut ressentir le besoin de se situer, et ne pas être très fier des calculs mis en place.
– Le désir d’échapper à son néant serait à l’origine de notre désir d’exercer un pouvoir sur l’autre, il s’agit de se sentir exister.
– Le besoin d’affirmer sa singularité est première, on ne peut pas savoir par soi-même qui on est, on n’y parvient que par le truchement des relations.
– Selon Andrée Chedid : Chaque rencontre nous disloque et nous recompose. Il y a un enjeu en raison du fait que c’est par la relation qui nous existons.Dépasser le pouvoir
– Nous disions donc que, en dehors de la relation à l’autre, on est rien, d’où le désir crucial de faire reconnaître son existence, et d’être tenté d’exercer des formes de pouvoir dans la relation.
– Il y a de l’indéfini dans l’être humain, de l’indistinct, et non « rien » (une table rase – John Locke). Cet indéfini de l’être humain est un potentiel, une invite à un devenir. Renoncer au pouvoir consisterait à donner à l’autre la liberté de devenir sujet. Il y a une plus grande créativité si on invite les gens à devenir eux-mêmes, que si l’on cherche à les influencer selon nos schémas préconçus.
– On peut dépasser le pouvoir si on rejoint l’autre dans le sentiment qu’il a de se percevoir lui-même comme sujet.
– Pour être capable de reconnaître l’autre comme sujet, il faut s’entendre sur un cadre de valeurs pour se donner la liberté d’exister, de grandir et d’advenir.
– Si des personnes se reconnaissent comme des « égaux » (et non des ego), sont-elles encore dans une relation de pouvoir ?En vrac
– Le vrai pouvoir ne serait pas la recherche de la preuve de son existence par autrui, mais dans le fait d’afficher une autonomie apaisée.– Les gens veulent qu’on les aide à savoir qui ils sont, mais pas nécessairement qu’on pose sur eux des jugements de valeurs, ni qu’on les force à devenir quelque chose.
– Le simple fait de juger est une forme de pouvoir que l’on se donne. C’est se positionner au-dessus de l’autre, c’est se départir du regard de l’autre pour poser le sien.
– Pour se dégager de sa propre tendance à s’emparer du pouvoir, il faut se fixer pour soi-même un cadre de valeurs.
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