Cafephilos › Forums › Les cafés philo › Les sujets du café philo d’Annemasse › « Nouons-nous », quel est le goût de la vie à deux ? Sujet du lundi 28.04.2014 + restitution + 2 cartes mentales
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23 avril 2014 à 14h02 #4912
Dans une version moins connue du mythe d’Oedipe, le sphinx propose au héros l’énigme suivante :
– Quelqu’un procrée avec quelqu’un.
– Quelqu’un épouse quelqu’un.
– Quelqu’un couche avec quelqu’un.
– Quelqu’un aime quelqu’un.
– Quelqu’un prend son plaisir avec quelqu’un.
Question : combien sont-ils ?
– Deux. Répond Œdipe.
– Tu as gagné, sache néanmoins que tu as déchaîné la peste sur l’humanité, tu as nommé le « mariage idéal »- Cité par Alain Finkielkraut dans « Scènes de la vie conjugale » (Répliques du 11.01.2014)
Dans un autre « Répliques », celui du 22.03.2014, intitulé : « Quel est le goût de la vie à deux ? » Alain Finkielkraut convoquait à nouveau le thème de la vie à deux.
« Il y a une vie possible, et même désirable après la fête du désir et le paroxysme de la passion » selon Claude Habib dans « Le goût de la vie commune ». « Il ne faut cependant jamais céder sur son désir, la beauté dans l’amour ne serait être convulsive ».« Nouons-nous », quel est le goût de la vie à deux ?
C’est le titre que je donne à notre sujet, on pourrait également formuler la question ainsi : quel est le défi de la vie à deux ?
Pour l’introduction de notre sujet, je rapporterai des extraits de ces émissions.Si vous avez le temps, écoutez-les, les défis de la vie à deux ou de la vie amoureuse se présentent sous des jours à la fois crus, et nouveaux (actualisés).
Répliques : Quel est le goût de la vie à deux ?
Répliques : Scènes de la vie conjugale28 avril 2014 à 22h03 #4927Soren Kierkegaard à un interlocuteur :
« Il n’y a de vie, crois-tu que dans l’inquiétude de l’esprit, mais tous les gens d’expérience pensent qu’il n’y a de vie véritable que dans la paix de l’esprit. Pour toi l’océan déchaîné offre l’image de la vie, pour moi, je la trouve en contemplant le calme profond des eaux.
Souvent je m’arrête au bord d’un ruisseau, il fait toujours entendre la même douce chanson, les mêmes herbes s’inclinent au fond sous le courant paisible : les mêmes bestioles s’y meuvent, un petit poisson s’y faufile sous une cachette de fleurs. La vie domestique est ainsi paisible, modeste dans son murmure, elle n’offre guère de changements mais semblable au ruisseau, elle a sa chanson chère à qui la connaît et chère parce qu’il la connaît.
Sans faste, elle prend parfois un éclat qui cependant n’interrompt pas son cours accoutumé. Ainsi les rayons de la lune tombent sur le ruisseau et révèle l’instrument sur lequel il interprète sa chanson. Telle est la vie domestique… Ou bien, ou bien… »5 mai 2014 à 9h23 #4932Restitution de quelques séquences d’échanges
« Nouons-nous », quel est le goût de la vie à deux ?Introduction : comment se pose le problème de la vie à deux ?
« On ne peut rien bâtir de durable sur la seule passion. » Pascal Bruckner
Cet appel qui, au départ d’une relation, embrase les cœurs, ce désir de se nouer à l’autre et d’atteindre des acmés rencontre tôt ou tard des limites, celles de son partenaire ou les siennes propres.
Lorsque les chemins et les méandres du désir ont été parcourus, lorsque le désir envers son partenaire n’est plus le moteur du couple, que reste-il de la vie à deux ?
Comment chacun prend-il position ?
Mais commençons par questionner la passion.
La passion
– Les destins amoureux débutent souvent par une passion. La passion obéit-elle à un cycle qui la voit choir après avoir atteint son acmé ?
– L’idée de passion caractérise des sentiments vifs, irréfléchis et douloureux. Nous souffrons des contradictions qu’elles nous font vivre et de l’absence de maîtrise les concernant.
– Selon Montherlant : « La passion est un résidu d’une fulgurance animale, un accaparement bestial de l’autre. »
– Il y a aurait un clivage dans le couple selon lequel la passion est d’un côté, et la vie quotidienne de l’autre. Mais la passion n’est pas un feu virtuel, il s’incarne dans une mise en acte de nos désirs qui, à leur tour, s’inscrivent dans un quotidien.
– Je crois qu’il y a une erreur à penser que la passion s’entretient d’elle-même, rien ne peut se bâtir à partir d’une passion livrée à elle-même.Comment s’explique la passion ?
– Le discours social, les média mettent sans cesse en exergue le désir amoureux.
– Le sociologue Max Weber dit que l’on vit dans des cages d’acier : avec la révolution scientifique, la rationalisation du monde, les révolutions industrielles, la passion apparaît comme l’espace d’où peuvent encore surgir l’inattendue, la poésie, les couleurs de la vie. La passion serait notre réponse face au désenchantement du monde.
– La Passion du Christ est un parcours de souffrance qui le révèle à lui-même et à l’humanité, dans une forme de « vérité ». Par analogie, et cela peut concerner chacun de nous, la passion se présente alors comme une étape nécessaire qui nous révèle certaines vérités sur nous-mêmes.
Amour et nécessité biologique
– Selon Schopenhauer, l’amour n’est rien d’autre qu’un subterfuge de la biologie.
– On peut opposer à la mécanique biologique le fait que les gens partagent des relations intenses sans qu’ils n’aient plus besoin de se reproduire.
– En effet, nous vivons en société, mais nous ne sommes pas réductibles à nos besoins grégaires. Nous sommes nés d’une relation et nous sommes conditionnés par un environnement, mais nous ne pouvons nous épanouir que dans un contexte relationnel et éducatif riche et diversifié.L’amour est-il amour de soi ?
– Pour quelle raison deux êtres sont-ils attirés ? Seuls, serions-nous incomplets ?
– On cherche dans l’autre ce qui nous manque, et l’amour ne serait que la réalisation d’un projet égoïste.
– Pour Lacan: l’amour c’est donner ce qu’on n’a pas à quelqu’un qui n’en veut pas.
– Ainsi l’amour ne serait pas l’amour de l’autre, mais seulement celui de l’image que l’on a de l’autre ?
– Le rapport à l’autre se fait à travers des attentes, des images et des projections qui donnent accès à un sentiment de soi très intense, puis il y a ce moment où l’image de l’autre se défait et l’on est sommé par le réel de revenir à soi-même.
Que recherche le couple ?
– Le but de chacun vise une réalisation de soi et à une atteinte du bonheur.
– Il y a un contrat tacite qui prend corps dans des rites, une gestuelle qui dessinent une vie en commun. On ne parle pas trop de ce contrat pour garder vif l’élan amoureux. Ensuite, on ne parle plus de ce contrat, tout est implicite, on croit se connaître. Le problème peut venir du fait qu’on ne prend jamais le temps de repenser ce contrat alors que, dans le même temps, chacun évolue à partir de ses propres expériences.
– Est-ce que la relation peut durer si les membres du couple acceptent de se remettre en question ?
– Je veux penser que c’est possible. Ce qui fait souffrir, c’est de s’en remettre trop à l’autre, et d’attendre si peu de soi.Peut-il y avoir de l’amour sans passion ?
– Nous ne sommes pas tous des hommes et des femmes passionnés. On peut aimer de façon plus apaisée. Un couple sans passion n’est pas nécessairement un couple sans profondeur.
– On peut dé-romantiser la passion quand on passe au stade de l’explication rationnelle.
– Le simple plaisir d’être ensemble, d’être en paix sont déjà tout à fait appréciables. Ce plaisir de vivre, sans le tumulte de la passion, fait partie de l’amour.
– Nombreux également sont les couples qui n’ont pas une vie commune sous un même toit, mais ils partagent néanmoins une relation amoureuse privilégiée.
– Sur le long terme, un lien peut subsister par le seul fait que l’amant, ou l’amante existe.
Peut-il y avoir un véritable goût pour la vie à deux ?
– Bruckner : « Je préfère la griserie des commencements à la grisaille des ressassements ». Mais, à mon avis, si Bruckner se laisse porter par d’incessants recommencements, il est dans la répétition du même. C’est Don Juan qui toujours recommence, et s’imagine dans la création permanente.
– Mais chaque individu est singulier, il n’y a donc pas répétition.
– Ce qui est répétitif, ce sont les schémas et les cycles émotionnels : l’excitation du début, son acmé, la chute, la recherche d’un autre partenaire, et son cortège d’insatisfactions, de colères et de frustrations.
– Si par contre, je stabilise mes affects, j’entre dans une intériorité qui se réjouira d’un quotidien sans cesse renouvelé.
Les limites de l’autre ou les siennes
– On ne veut pas se confronter sans cesse aux limites de l’autre, à ses défauts, et aux siens propres.
– Dans tous les cas, et je crois que c’est inévitable, on est comptable de la vie qu’on vit avec les personnes dont on partage l’existence. Le voile est levé, chacun est désenchanté. A partir de là, comment fait-on ?
– Dans une relation où, de façon souterraine, on attend tout de l’autre et on lui demande tout, une prise de conscience s’avère indispensable.
– On va alors être confronté à une exigence : le dépassement de soi.
– Comment je me débrouille avec l’ennui que je ressens en compagnie de mon partenaire ? Est-ce que j’essaie de questionner mes comportements, ou est-ce que je reporte « le travail à faire » sur une prochaine conquête ?
– Ai-je fait le tour de mes limites, est-ce que je vais fuir la situation, est-ce que je vais sombrer dans une crise existentielle ? Comment sais-je que je ne suis pas dans un schéma répétitif en voulant changer de partenaire ?
– On ne peut pas changer l’autre, mais on peut changer le regard que l’on porte sur lui.
– Il peut y avoir beaucoup de découvertes respectives lorsqu’on s’octroie, avec son partenaire, un espace pour les partager.
Amorcer le virage du retour sur soi
– Que je sois passionné ou pas, est-ce que ce que je partage avec mon partenaire garde du sens, ou est-ce que je suis devenu apathique et insensible ?
– Et si c’est le cas, à qui faut-il s’en prendre ? A soi ? A l’autre ? A la passion ? À la condition humaine ? A mon manque de créativité ?
– A partir de quoi je prends position ? Comment caractérisons-nous l’amour que l’on vit ? Est-ce que je continue à apprendre de la vie ?
– Se disposer à penser que la vie est neuve tous les jours, est-ce un subterfuge pour tromper son ennui, ou est-ce une habile manière de garder son esprit alerte ? Comment ne pas se laisser piéger par les couches de nos sédiments émotionnels les plus profonds ?Se renouveler
– Claude Habib fait référence à un « génie féminin de l’amour ». Celui-ci s’annonce comme un élan, une attention qui donne vie tant à soi qu’à autrui.
– Suis-je dans une relation et un amour qui accompagne l’autre, qui me porte, moi et l’autre, vers un devenir ? Ou suis-je dans une répétition vaine et artificielle d’un quotidien ankylosé ?
– Fondamentalement la personne est seule, l’autre est vécu comme une relation en miroir, une recherche de soi dans l’autre. Et parfois on se trouve, d’où l’intérêt de maintenir la relation car elle contribue à une connaissance de soi.
– Finalement, à ce stade, il n’y a pas absence de relation : elle peut être pleine de compassion, et non pas seulement de passion.
– Dès lors, la relation n’est plus vécue uniquement « à deux » , elle se trouve enrichie d’une diversité de facettes. Les registres de la vie intérieure sont multiples, et l’ennui éprouvé dans un quotidien non renouvelé ne dit que la limite de son propre regard.
– Le temps est unique, et donc chaque situation l’est. En préservant cette perspicacité, cette finesse, la vie et le quotidien restent stimulants. La routine des faits n’entraine plus la routine de la pensée.En vrac :
– Un couple peut-il survivre, alors qu’il naît de la passion, d’élans, ou des aspects éphémères de la vie ?– Peut-il exister des îlots de vie sans calcul ?
– Il est parfois plus facile d’assumer une vie seule que de le faire à deux. Dans les deux cas, ce que l’on est s’inscrit dans un devenir : que veux-je devenir ?
– La relation peut commencer par la passion et le grand 8, mais on peut également commencer par aller se promener paisiblement.
– L’amour et la passion comptent beaucoup mais, finalement, on a peu de temps à leur consacrer dans la vie active. La carrière professionnelle, les enfants, les multiples découvertes offertes par la vie nous construisent tout autant, sinon davantage, que la vie « romantique ». A tort ou à raison, la vie amoureuse est comme en arrière-plan de la vie active.
Format PDF ci-dessous:Nouons-nousquelestlegotdelaviedeux.Rpliques.restitutionforum5.pdf
Carte mentale 1
5 mai 2014 à 10h05 #4935Carte mentale 2 « Nouons-nous », quel est le goût de la vie à deux ?
Si l’image n’est pas visible, cliquez ci-dessous pour afficher le pdf
CartementaleNouons-nousquelgotpourlaviedeux2.pdfSujets corrélés
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