Cafephilos Forums Les cafés philo Les sujets du café philo d’Annemasse Peut-on vivre en ignorant que la vie a un terme ? Sujet proposé par Karine le 04.05.2015 + une restitution des problématiques.

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  • #5239
    René
    Maître des clés

      Merci beaucoup Karine pour la proposition de ce sujet :

      Peut-on vivre en ignorant que la vie a un terme ?

      * Nous ne parlerons pas ici des conduites à risque
      * Nous ne parlerons pas ici de la notion d’immortalité de l’âme et nous nous rapprocherons de la définition suivante de la mort :
      Définition : fin de la vie, cessation physique de la vie, fin de l’activité cérébrale.

      Texte de base : (Colette – La naissance du jour)
      « Monsieur,
      Vous me demandez de venir passer une huitaine de jours chez vous, c’est-à-dire auprès de ma fille que j’adore. Vous qui vivez auprès d’elle vous savez combien je la vois rarement et combien sa présence m’enchante, et je suis touchée que vous m’invitiez à venir la voir.
      Pourtant je n’accepterai pas votre aimable invitation, du moins pas maintenant. Voici pourquoi : mon cactus rose va probablement fleurir. C’est une plante très rare, que l’on m’a donnée, et qui m’a-t-on dit, ne fleurit sous nos climats que tous les quatre ans. Or, je suis déjà une très vieille femme, et, si je m’absentais pendant que mon cactus rose va fleurir, je suis certaine de ne pas le voir refleurir une autre fois…
      Veuillez donc accepter, Monsieur, avec mes remerciements sincères, l’expression de mes sentiments distingués et de mon regret »
      Ce billet, signé « Sidonie Colette, née Landois » fût écrit par ma mère à l’un de mes maris. L’année d’après, elle mourait à l’âge de 77 ans.

      Question : Comment, la prise de conscience par l’Homme de sa propre mort, de son « pouvoir-mourir », est de nature à lui permettre de se libérer de la puissance du « On », et à s’assumer authentiquement ; à être ce qu’il est, en propre ?

      La question du sens de la vie nous renvoie à celle de notre rapport au temps. Mon présent prend sens par rapport au passé qu’il accomplit et à l’avenir qu’il prépare. Mais ne vivre le présent uniquement comme ce qui me sépare de l’avenir que j’attends, ce n’est plus vivre, c’est rater le seul temps qui existe et qui est le nôtre : le présent.

      Une référence :
      « Seul l’homme meurt, l’animal périt » Heidegger
      L’Homme est ce qu’Heidegger appelle un « être-vers-la-mort », signifiant par là que toutes les possibilités humaines sont déterminées par une possibilité ultime : la mort. La mort humaine est donc à comprendre comme un « mode d’exister ». L’Homme, au contraire de l’animal, a la mort pour horizon.
      Heidegger pose que l’essence de l’Homme est d’exister et d’avoir à choisir sa manière d’exister.

      Fin de l’introduction de Karine.

      Autre information
      Nous faisons voiture commune depuis Annemasse-Genève pour nous rendre aux Rencontres sur les Pratiques Philosophiques cet été, les 24, 25 et 26 juillet (Voir les infos ici).
      > Notre programme se précise : nous partons jeudi 23 au matin. Visite d’un site dans l’après-midi. Nuit-étape vers Montpellier. Arrivée à Sorèze vendredi midi pour le début du séminaire. Retour lundi matin le 27, et arrivée à Annemasse dans l’après-midi. Nous contacter ici, ou lors du café philo si vous souhaitez plus d’info. Merci

      #5245
      René
      Maître des clés
        Compte-rendu du débat

        Ambiance générale :
        – Entre 25 et 30 personnes présentes.
        – Deux personnes nouvelles, et qui se sont exprimées.
        – Le débat se cherchait, les questions centrales étaient posées, mais je me demande si on parvenait à formuler les « vraies » questions, ou si celles-ci nous échappaient ?


        Un résumé de quelques problématiques

        Les raisons d’un choix
        D’emblée, il y a ceux qui sont choqués par le choix d’une mère qui préfère ne pas manquer la floraison de son cactus, prenant ainsi le risque de ne plus revoir sa fille (voir le texte de Colette ci-dessus), et ceux qui, à l’opposé, approuvent ce choix.
        >> Un piège dans lequel ne pas tomber : Les jugements sur le choix de Colette sont bien entendu non pertinents, ils ne disent rien des mobiles et de la réalité de l’auteure. Nos critiques ne sont qu’un reflet de nos projections, le prolongement de nos « inquiétudes ».
        – Une raison d’être choqué :
        > Une expérience éphémère est préférée à la présence de sa fille, en dépit des liens de filiation et d’attachement.
        – Une raison de ne pas être choqué :
        > La relation entre la mère et la fille est parvenue à maturité, la mère peut s’accorder le plaisir de vivre une expérience inédite, sans remettre en question le lien mère-fille.
        – Une raison « spirituelle » de ne pas être choqué :
        > La mère perçoit que toute chose sur terre forme un tout : la beauté d’une fleur qui éclot, et l’amour pour sa fille.

        Des questions qui se posent :
        – sur le relativisme des valeurs :
        > Lorsque tout est égal, l’absence de priorité revient-elle à ne plus considérer les choses dans leur singularité ?
        – sur un type « d’expérience mystique » :
        > Peut-on, d’un seul regard, tout embrasser ?
        – Question sous-tendue :
        > L’expérience de « tout embrasser d’un seul regard » est-elle uniquement une expérience subjective, ou se traduit-elle, dans le monde réel, par des relations plus pertinentes, plus authentiques et plus responsables avec autrui ?

        Ce que la mort nous apprend :
        Pour Aksel, la prise de conscience de la mort tient la place d’une expérience révélatrice. « Elle confronte à l’expérience la plus solitaire que l’on puisse vivre, et à partir de là, on veut vivre à fond, » dit-il.
        > Il semble en effet que la vie prenne de l’acuité lorsque celle-ci est mise en danger, mais plusieurs questions se posent :
        – La mise en danger de sa vie peut-elle également traumatiser celui qui y est confronté ? Il peut alors être conduit à se replier sur lui-même.
        – La mise en danger de notre vie peut-elle n’avoir qu’un effet ponctuel, et les habitudes reprendre leur droit au fur et à mesure que la prégnance de l’évènement s’atténue dans la mémoire de nos affects ?
        > Problème posé : faut-il être mis en danger pour se rendre compte de la valeur de la vie ?
        – Qu’advient-il des personnes qui ne se sont jamais trouvées en danger de mort ?
        – De toute évidence, de jeunes personnes, voire même des enfants, se questionnent sur la réalité de la mort, sans que leur propre vie ait été menacée.
        – Peut-on s’intéresser à la mort au motif de la pure curiosité ?
        – La notion de danger est-elle subjective ? Ce serait comme un sentiment d’insécurité ou d’inadéquation d’avec le monde qui obligerait à se questionner sur le sens de la vie.
        > Par ailleurs, qu’est-ce que vivre à fond ?
        – On comprend qu’il s’agit d’une intensité d’être, d’une présence à soi-même et au monde. Mais s’agit-il aussi de vivre en prenant un maximum de risques ?
        > Karine souligne, dans le texte de Colette, la lucidité de son auteure, la sérénité avec laquelle elle envisage sa propre fin.

        Où se trouve le sens de la vie ?
        – Pour Julia, personne n’ignore que la vie se termine : « Par contre, on peut vivre comme si les questions liées à notre fin n’existaient pas. Pareillement, on peut vivre comme si on était riche sans l’être, comme si on était pauvre tout en étant riche, ce ne sont là que des mascarades, des choix individuels, ou des choix de société. »
        – Pascal (1623 – 1662) est cité : Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés pour se rendre heureux de n’y point penser.
        – La mort peut être approchée avec sérénité, disions-nous plus haut, mais y a-t-il une difficulté particulière à saisir ce qui est intense, ce qui est important pour nous, ce qui donne du sens à la vie ?
        – Ce qui est perçu comme intense est du côté de l’immédiat, de la sensation, et ce qui relève du sens se trouve du côté de la vision du monde, de l’anticipation, de la profondeur de champ. Il y a comme un rapport d’opposition entre les valeurs liées à l’immédiat, et celles liées au long terme.
        – Si la sérénité ne conduit pas à résoudre les contractions, à trouver une cohérence entre «ici et maintenant » et un regard sur le long cours, elle est un endormissement de la pensée.

        Ce que la vie nous invite à apprendre
        Le livre « Les nourritures terrestres » d’André Gide est évoqué : c’est un hymne à la jouissance, une exhortation à toucher, à palper, à sentir le fruit, sa pulpe, à faire vibrer ses sens de tout ce qui peut être bon. C’est très charnel, c’est très jouissif. Gide invite à quitter la chenille que nous sommes pour déployer les ailes du papillon qui nous habite. Le désir est plus important que la chose désirée, dit-il.
        – Le sens des choses se « cacherait » dans notre manière de « désirer » ces choses, mais pas dans les choses elles-mêmes.
        – L’objet désiré est éphémère, le désir est changeant, et parfois absent. Peut-on vraiment savoir ce qui est important ?
        – Un désir, même quand l’appétence est en berne, recèle-t-il encore en ses couches les plus profondes un mouvement de l’être ?
        – Le papillon parvient-il à s’envoler sans être transformé dans la nuit de sa chrysalide ?

        En vrac, une ou deux interventions retenues :
        – « Si j’ai le choix entre l’intensité d’une envolée dans un « grand huit » et la contemplation d’une fleur, je choisis la contemplation ».
        – Faut-il vivre sans « penser » comme une bactérie, ou bien penser au point de ne plus vivre ?
        – Cécile invite à distinguer la conscience de la fin de vie, le risque de mort imminente (maladie grave), et l’expérience d’une fin de vie.
        – Que peut prendre la mort à celui qui a tout vécu ?

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